« LA STRATÉGIE ENDER » VS PROCRASTINATION
Au premier abord, cela n’avait rien d’une stratégie gagnante. Moi-même, je n’aurais rien misé dessus. Rien qu’en engageant Gavin Hood à la réalisation après le ratage complet que fut X-men: Wolverine Origins, il fallait oser. Le laisser choisir Harrison Ford, qui est l’ombre de lui-même depuis plusieurs années, pour assurer une star au générique était une erreur de plus. Tromper le public en adaptant un roman de science-fiction des années 80 pour pouvoir surfer sur la mode des romans jeunesse n’avait rien d’une idée de génie tant ce genre de production commence à s’essouffler et à perdre en intérêt.
Ender’s game, le titre original, pourrait facilement se confondre avec Hunger game au point que l’on pourrait croire qu’il ne s’agit que d’une contrefaçon comme il en existe tant au cinéma. C’est un phénomène de mode assez courant lorsqu’un film a du succès, les studios concurrents cherchent alors dans leur catalogue un titre qui puisse faire office d’outsider au box-office. Suivre la voie empruntée par un leader est logique, mais le film choisi pour grignoter quelques parts de marché tient un tout autre discours. Il préconise le fait de, non pas suivre un leader, mais plutôt un loser. Et dans les coulisses, c’est le même mot d’ordre.
Il y avait de quoi être méfiant, mais comme le dit très justement l’un des personnages du film: ils ont pris les parias, les marginaux et les losers pour en faire la meilleure équipe. De ce point de vue, le film partait vraiment sur de très mauvaises bases et pourtant cela fonctionne. Ce qui renforce ce parallèle, c’est le lien entre ce qui se passe en coulisse et le sujet même du long-métrage. Ce dernier prend place dans un futur où les enfants sont recrutés très tôt pour élaborer des stratégies militaires: leur jeune âge et leurs aptitudes aux jeux vidéo leur permettent d’assimiler plus rapidement ce que des adultes mettent des années à apprendre.
Mais le temps est une donnée capitale dans cette stratégie, car la Terre est menacée d’une invasion par des extraterrestres: les Doryphores. Repéré par le colonel Graff, Ender est non seulement le plus prometteur de sa promotion, mais aussi de sa fratrie. En effet, son frère et sa soeur ont eux aussi tenté leur chance sans pour autant arriver au même niveau que leur cadet. Mais dans un monde où les familles sont limitées à deux, Ender fait figure d’exception, mais surtout de dernière chance. Et lorsque l’on analyse le comportement des deux ainés, il est difficile de ne pas faire la comparaison avec la filmographie de Gavin Hood.
Peter Wiggin a tout du grand frère violent qui n’hésite pas à provoquer Ender pour le pousser dans ses retranchements. Valentine quant à elle est beaucoup plus réfléchie et protectrice avec son petit frère. Ces deux personnalités bien distinctes ne sont pas sans rappeler deux films du réalisateur. D’un côté il y a Mon nom est Tostsi, un drame récompensé par l’oscar du meilleur film étranger. On y suit un jeune voyou qui à la charge d’un bébé après l’avoir retrouvé à l’arrière d’une voiture volée. Porteur d’espoir pour la future carrière du cinéaste, cette chance sera gâchée par X-men: Wolverine Origins.
Une préquelle à la saga mutante qui fut un échec et qui éloignera Gavin Hood des plateaux de cinéma jusqu’à cette fameuse stratégie. L’histoire qu’il a choisie pour revenir sur le devant de la scène semble être un bilan sur son parcours afin de repartir sur de nouvelles bases. Ainsi, si l’on part du principe que chaque projet est comme un enfant que l’on porte avant de le laisser vivre sa vie, propos tenus par de nombreux réalisateurs, alors on peut y voir une auto-critique sous-jacente. Le cinéaste porte ainsi un regard introspectif sur son propre travail, de manière consciente ou inconsciente, en reportant sur Valentine et Peter Wiggin l’accueil reçu par ses deux précédentes productions.
Ce sont là deux films majeurs dans sa filmographie qui lui ont apporté un certain éclairage médiatique, en plus d’avoir des noms dans leur titre, contrairement à d’autres projets sortis entre temps. De quoi faciliter le processus d’identification pour voir en Mon nom est Tsotsi, film d’auteur intelligent et raisonné, des qualités que l’on pourrait assimiler à Valentine. Le propos même de l’histoire évoque sa personnalité puisqu’il est question de bienveillance à l’égard d’un nouveau né. D’une certaine façon, ce dernier pourrait tout aussi bien être Ender tant cette soeur a un comportement maternel avec lui, plus qu’avec sa propre mère que l’on ne voit que très peu.
Par déduction Peter Wiggin se réclame plus de Wolverine et de cette rage qu’il laisse exploser à la moindre occasion. Cette histoire d’origine est également accès sur les liens du sang entre Logan et Victor et la discorde qui en découle. Exactement comme Peter et Ender. Mais contrairement au mutant griffu qui fait équipe avant de voir celle-ci se retourner contre lui et l’obliger à faire cavalier seul, le parcours d’Ender empruntera la trajectoire opposée. D’abord isolé pour les besoins d’une expérience comportementale, qui n’est pas sans rappelé le projet Weapon X qui transformera Logan à jamais, Ender s’entourera par la suite de personnes de confiance qui lui permettront de mener à bien sa mission.
Celle-ci ne pourra être accomplie que si il parvient à être une parfaite combinaison entre son frère et sa soeur. C’est pour cette raison qu’il a été choisi, car Peter avait beau être le meilleur élève, il n’arrivait pas à contrôler ses pulsions tandis que Valentine était bien trop modérée. Andrew, surnommé Ender par sa soeur pour signifier celui qui termine (les choses), porte donc en lui la responsabilité d’être un équilibre entre action et réflexion. Et c’est ce qu’est ce sixième film de Gavin Hood, un mélange entre le blockbuster hollywoodien qu’était X-men Wolverine Origins tout en dosant cette agressivité avec l’émotion et la retenue dont faisait preuve Mon nom est Tostsi.
Pour réussir ce subtil mélange et transposer le roman de Orson Scott Card à l’écran, le réalisateur va surtout faire appel à deux autres adaptations littéraires qui ont réussi à dépasser leur support d’origine. En pleine vague Young adult, la première est bien entendu Harry Potter. Le petit sorcier à lunettes a imposé dans l’inconscient collectif des spectateurs une sorte de standard que d’autres ont essayé de copier sans jamais réussir à l’égaler. Transposée dans un univers de science-fiction, cette référence est d’autant moins visible, mais tout de même bien présente à travers les personnages, mais aussi les situations qui les mettent en scène.
Pourtant de manière assez flagrante et à de multiples reprises, cette magie, dont se revendique la création de JK Rowling, est visible par l’intermédiaire d’une tablette. À travers cet écran, Ender s’amuse à un jeu sans se douter que c’est ce dernier qui joue avec lui. Sous couvert d’un monde à l’imagerie féérique, château à l’appui et géant au design plutôt réussi, l’enfant y dirige une petite souris comme si il avait été victime d’un sort de métamorphose. Mais ce jeu auquel il s’adonne par le biais d’une technologie à contrôle mental fait surtout de lui un rat de laboratoire plus qu’une souris en liberté.
En tant que maitre des opérations, Harrison Ford est pareil à Dumbledore dans le sens où il a une tendresse pour Ender tout comme il le manipule pour arriver à ses fins. Une chose avec laquelle n’est pas d’accord le personnage de Viola Davis qui le seconde tout comme le professeur McGonagall pouvait le faire. On retrouve également le Hagrid de service en la personne du sergent Dap même si au début leurs rapports sont loin d’être aussi bons. Mais Ender va gagner son respect à mesure qu’il évoluera dans les différentes sections que compte cette station orbitale.
Chacune d’entre elle est identifiée par un code couleur et par un nom, exactement comme les différentes maisons composant l’école de Poudlard. À la tête des Salamandres, sous une bannière verte Serpentard, on retrouve l’archétype du Malefoy qui mène la vie dure au héros. Cette rivalité s’exerce lors de bataille en apesanteur dans une sphère qui sert de terrain de jeu. Un lieu où la collaboration est plus que nécessaire pour vaincre l’équipe adversaire dans cette version futuriste des matchs de Quidditch. À la différence prêt que ces moments sont l’occasion pour Ender de mettre en avant ses talents dans l’élaboration de stratégie, ce qui est le coeur de l’histoire.
Et si pour les sorciers les humains ne sont que des insectes, il en est de même ici avec la seconde référence littéraire sur laquelle s’appuie La stratégie Ender: Étoiles, garde à vous. Plus connu sous le nom de Starship Troopers, ce roman de Robert A. Heinlein a réussi son passage sur grand écran grâce à Paul Verhoeven. Il ne fait aucun doute que Gavin Hood se soit inspiré de cette oeuvre culte et subversive, tout comme l’auteur Orson Scott Card a pu lui aussi y trouver matière lors de l’écriture de son roman. Étoiles, garde à vous étant sorti en 1974 et La stratégie Ender en 1986, on retrouve plusieurs similitudes, notamment dans leur version cinéma.
En effet, tout comme Rico, Ender participe à des épreuves où il se doit de collaborer en équipe. La capture du drapeau en est une et ils ont eu tous deux une escouade sous leur commandement grâce à leur performance. Mais un accident viendra remettre en cause leur formation au sein de leur académie respective: un tir en pleine tête pour l’un des co-équipiers de Rico, à qui il avait fait retirer son casque lors d’un exercice à balles réelles, et une altercation dans les douches avec son supérieur pour Ender. En état de légitime défense, ce dernier causera tout de même un dommage cérébral important à l’un de ses camarades.
Il en résultera pour tous les deux un sentiment d’échec et d’abandon vis-à-vis de leur cursus. Une fuite qui est stoppée par l’attaque de Bueno Aires pour Rico et qui ne lui laissera pas le temps de retourner sur Terre contrairement à Ender. Une fois dans son foyer, sa soeur tentera de le raisonner jusqu’à ce que le colonel Graff se présente en personne pour le convaincre de revenir. Les deux films se poursuivront ensuite sur la même intention belliqueuse: attaquer leur ennemi alors que cette menace se trouve à des années-lumière de distance. C’est loin d’être la porte à côté et on se retrouve donc avec le même constat sur une race humaine visant à étendre sa supériorité dans l’univers.

Néanmoins, il s’agit là d’une contre-attaque puisque dès la scène d’introduction on peut assister à une bataille entre humains et Doryphores qui n’est pas sans rappeler celle d’Indépendance Day. La forme des vaisseaux extraterrestres mêlée à de simples avions de chasse de l’armée, très actuels comparés à la technologie que l’on peut voir tout du long, font que l’on a la sensation de revoir une scène du film de Roland Emmerich. Son savoir-faire pour la destruction en moins. Cette impression est tellement forte qu’il pourrait être tout à fait plausible de voir ID4 comme une préquelle à Ender’s Game. En tout cas, ce dernier est assurément une meilleure suite, non officielle, que Independance Day: Resurgence.
Cette impression aurait pu être encore plus renforcée sachant que Will Smith devait aussi apparaitre dans le rôle de Mazer Rackam. Un personnage qui échoue finalement à Ben Kingsley comme étant le sauveur de l’humanité lors de ce combat aérien. Bardé de tatouages de style Maori sur l’ensemble de son visage, cela contraste fortement avec le style visuel instauré jusque là par le film. Sachant qu’il ne fait son apparition que vers les trois quarts du métrage, il en ressort une désagréable impression lorsqu’il se fait plus présent. Son comportement avec Ender n’aide pas vraiment non plus à créer la moindre empathie tout comme son tatouage facial a tendance à masquer la plupart de ses expressions.
Son jeu en ressort donc amoindri là où le background de son personnage gagne en épaisseur. Pour le peu de temps qu’il lui reste à l’écran. Mazer Rackam est surtout jugé par rapport à ses interactions avec Ender, encore plus dur que ne pouvait l’être déjà le colonel Graff campé par Harrison Ford. À ce moment de l’histoire, Andrew a déjà subi pas mal de choses, et de pertes, et voir une nouvelle personne s’acharner sur lui n’aide pas à l’introduire. Heureusement, Asa Butterfield est plutôt bon pour un rôle qui repose entièrement sur ses frêles épaules. Un choix toujours risqué lorsqu’il s’agit de diriger un enfant, mais qui peut s’avérer payant tant il y a une forme d’innocence dans leur performance.
Le jeu d’Ender dont il est question, si l’on traduit littéralement le titre, s’applique aussi à son jeu d’acteur dont dépendent ses interlocuteurs. Outre les acteurs confirmés, dont Harrison Ford qui semble ne pas vouloir sortir de sa zone de confort, c’est toute une troupe d’enfants de son âge qui sont là pour lui donner la réplique. Même si la grande majorité sont des garçons, c’est surtout avec les filles qu’il se dévoile et laisse entrevoir plus de profondeur. Cette complicité est notamment visible lors des scènes avec sa soeur interprétée par Abigail Breslin qui a des faux airs de Kirsten Dunst.
Révélée grâce à Little Miss Sunshine, elle sait apaiser son frère grâce à une douceur qui transparait à l’écran. Ender s’attire également les faveurs de Petra Arkanian lorsqu’il est muté dans son unité. Femme forte en devenir, à mi-chemin entre Hermione Granger et Dizzy Flores dans Starship Troopers, elle s’occupe de former cette nouvelle recrue contre la volonté de leur chef de section. Pourtant, contrairement aux clichés propres à ce genre de film, ce rapprochement ne débouchera jamais sur une histoire d’amour. En cela, le scénario se concentre essentiellement sur l’intrigue en cours plutôt que d’en créer une supplémentaire que l’on ait déjà vu dans Harry Potter, Hunger Games ou encore Divergente.
Il faut dire aussi que Asa Butterfield n’a rien du beau gosse habituel que l’on peut croiser dans les productions Young adult et apte à rameuter les midinettes aux avant-premières. Un choix loin d’être commercial comparé Liam Hemsworth pour faire la cour à Jennifer Lawrence, mais qui est beaucoup plus crédible lorsqu’il s’agit de mettre en scène des personnages dans cette tranche d’âge. Cela implique d’exclure les acteurs entre la vingtaine et la trentaine pour jouer des enfants entrant dans l’adolescence. De plus, derrière ce physique filiforme se cache un être que l’on imagine asexué, ou tout au plus sapiosexuel vu sa tendance à manipuler les autres.
Des airs efféminés qui font qu’il se sent plus proche des filles qu’il est amené à rencontrer, même si ce n’est que pour rester dans la friend zone. Une sorte de Sheldon, tel qu’il aurait pu être si il avait eu une enfance dans cet univers de fiction. Mais il ne faut pas forcément se fier aux apparences. Menu, frêle, fluet, il n’a rien d’une terreur et pourtant il se dégage une rage enfouie derrière ses yeux bleus. Pour se faire, il est souvent cadré au format portrait ce qui permet de mieux cerner ce garçon discret, mais appelé à laisser ses émotions reprendre le dessus et à le submerger dans les dernières minutes du film. Et le spectateur d’en faire autant.
Car non content de ne pas nous donner de punchlines lourdes, de n’afficher aucune romance, de n’avoir aucun moment de comédie pour désamorcer une situation, ce blockbuster ne propose aucun climax. Ou plutôt un anti-climax. C’est typiquement le genre de film où l’on est en droit d’attendre une énorme bataille finale dans l’espace… jusqu’à ce que l’on se rende compte qu’elle a déjà eu lieu sous nos yeux. Cette manipulation du spectateur met en cause l’aspect de plus en plus réaliste des jeux vidéo. Ender n’a pas su voir la différence, pas plus que le public, il croyait avoir affaire à une stratégie, mais il faisait lui-même partie d’une stratégie bien plus grande.
Les premières victimes de cette stratégie, c’est bien les spectateurs qui auront attendu l’acte final avec impatience avant de se rendre compte qu’il venait de se terminer. Il n’y a rien de plus frustrant que de s’apprêter à rentrer dans le dernier tiers du film, avec un héros prêt à en découdre en affrontant son destin, et de comprendre que tout s’est déjà produit. Sauf que nous n’étions pas dans le bon état d’esprit. Lorsque l’on en prend conscience, cela procure un véritable ascenseur émotionnel et le sentiment d’être passé complètement à côté du film. De ne pas s’être suffisamment investi alors qu’il est maintenant trop tard pour le faire.
Peu d’oeuvres sont capables de jouer à ce point là avec les conventions pour mieux les détourner. Nous avions tellement eu l’habitude d’être dans la confidence, en ayant une longueur d’avance sur Ender, grâce aux scènes où l’on voyait ses supérieures en train de comploter contre lui. Tout ceci n’était que pour nous mettre plus en confiance afin de mieux nous surprendre. Il en résulte donc un sentiment de frustration intense à cause de cette dernière simulation qui n’en était pas une. Cette prise de conscience est encore pire pour Ender qui se rend compte que la perte de tous ces soldats dans les vaisseaux sont morts par sa faute. Ils ne sont plus des statistiques sur un score.
C’est pourtant ce qui aura contribué à planter le film au Box Office. Comme dans la simulation, Ender a lui-même sacrifié son public en optant pour un ton sérieux, une mise en scène sobre et classique, pas de plans séquences impossibles, beaucoup de plans fixes, pas d’esbroufe. Mais aussi un épilogue qui aurait mérité d’être un peu plus explicite afin de gagner en intensité. En effet, les Doryphores avaient attaqué une première fois la Terre jusqu’à ce qu’ils se rendent compte que les humains ne disposaient pas du même esprit de ruche. Seule la reine étant douée de raison contrairement aux ouvrières, donc sacrifiables, elle décida de rappeler ses troupes pour ne pas faire plus de perte chez les humains.
Ces derniers avaient tout de même décidé de contre-attaquer jusqu’à ce que Ender fasse un génocide sans même le savoir. Même si ce n’est pas très explicite dans le long-métrage, cela fait office de second rebondissement. Bien que le film vante le fait que nous soyons tous dépendants les uns des autres contrairement à une ruche, c’est pourtant bien ce qui s’est produit lorsque les premières mauvaises critiques sont tombées et que les spectateurs ont suivi le mouvement aveuglément. Les chiffres de cet échec parlent d’eux-mêmes et cela n’a fait qu’engendrer une frustration supplémentaire pour le public qui s’y est risqué contre toute attente dans le sens où cette fin appelle une suite qui ne viendra jamais. Sauf en livre où le cycle est déjà complet.
C’est donc vers la littérature qu’il faudra se tourner pour continuer à suivre cette histoire sous la plume d’Orson Scott Card. Avant cette première adaptation, l’auteur s’était toujours refusé à vendre les droits de ses romans, surement bien conscient d’avoir entre les mains quelque chose de subversif que l’industrie hollywoodienne aurait pu édulcorer. Et pour cause, l’écrivain était vraiment un précurseur pour avoir prédit en 1986 l’importance qu’allaient prendre les jeux vidéo dans notre société actuelle. C’était alors une industrie qui commençait à peine à éclore avec la sortie de la Nes de Nintendo et qui allait faire naitre toute une génération de gamers.
De quoi reléguer au second plan la littérature chez les jeunes (un paradoxe pour Orson Scott Card qui a débuté sa carrière en traitant de ce sujet avec le cycle d’Ender), du moins pour une partie du globe. En effet, à cette époque, et encore de nos jours, des enfants n’avaient pas le privilège d’avoir entre les mains une manette en guise d’intermédiaire à un héros sur-armé, ils étaient eux-mêmes dans le feu de l’action. Ces enfants soldats ont été utilisés dans nombre de conflits et leur émergence dans les années 80 est à mettre en parallèle avec l’histoire de La stratégie Ender. On pénètre dans cet univers futuriste par la voix off du personnage qui nous expose le concept comme si il s’agissait d’une nouveauté, mais c’est un sujet qui est toujours autant d’actualité dans notre présent au journal du soir.
C’est une pratique qui sévit encore en Afrique et le réalisateur Gavin Hood a dû y être sensible, lui qui est originaire de ce pays. L’addiction et l’aptitude aux jeux vidéo sur les jeunes, sans pour autant être moralisateur, est une métaphore très intéressante de ce procédé d’endoctrinement. Plus que ça, c’est une stratégie intelligente pour faire passer un message et dénoncer certaines pratiques. Au vu du résultat, qu’il soit artistique ou financier, c’est donc une réussite d’une certaine façon. Faire l’apologie d’enfants entrainés pour tuer n’a jamais été très vendeur. Mis à part Battle Royale qui abordait cette thématique de manière crue, mais surtout cruelle, La stratégie Ender en est une autre proposition. Une alternative plus accessible, plus soft, mais qui tente de faire passer le même message.
« LA STRATÉGIE ENDER » WINS!