« ALIEN » VS PROCRASTINATION
Malgré son statut de classique du septième art, ce monument du cinéma souffre pour moi du même syndrome que l’épisode 4 de « Star Wars », et comme le film de George Lucas celui de Ridley Scott est celui que j’estime le moins par rapport au reste de la saga. Je pense que ce long-métrage m’aurait fait surement plus d’effets si je l’avais découvert à l’époque. N’étant pas né l’année de sa sortie à la fin des seventies, j’ai vraiment du mal à le remettre dans son contexte et à avoir un point de repère avec d’autres films sorties au même moment pour pouvoir le mettre en valeur.
Enfin si, il y en a bien un mais comme je le disais plus haut, je ne porte pas le premier opus de la guerre des étoiles en très grande estime. Et le fait que le succès de celui-ci ait permis au studio de donner le feu vert pour valider ce projet de monstre dans l’espace ne doit pas être étranger pour ce coup d’essai. Bien des fois j’ai essayé de faire remonter le film de cette dernière place dans mon classement personnel, en vain. Le contexte est une chose importante tout comme l’est le background pour des personnages, j’ai besoin de le repositionner parmi les autres films de la saga, voir les films du même genre, ceux sortie à peu près à la même période.
Ce n’est pas une excuse car j’aime énormément cet univers de science-fiction, mais en tout cas c’est une théorie à vérifier avec d’autres films. C’est le problème avec le culte qui entoure certaines oeuvres fondatrices, et notamment c’est deux grandes sagas de SF, surtout quand l’histoire met plus en avant les prouesses technologiques qu’elles ont pu être au regard des cinéastes qui les ont créé. Du moins à l’époque puisque depuis ils ont été reconnu à leur juste valeur. Devenus depuis des références dans leurs domaines, Ridley Scott a pour sa part réussi à imposer un style et une patte que l’on retrouvera tout au long de sa filmographie dont Alien n’est que le deuxième effort.
Son premier film « Les duellistes » ne le prédestinait absolument pas à s’investir dans un film de monstre. Trop sérieux et c’est exactement ce que cherchait à insuffler le scénariste à l’origine de ce projet: Dan O’Bannon. Car oui, si le nom du cinéaste à tendance à ressortir dès que le nom d’Alien est évoqué, la vérité est tout autre. Comme pour l’équipage du Nostromo qu’il mettra en scène, c’est ici le fruit d’un effort collectif qui a trop souvent tendance à être réduit à sa seule personne. Mais sans les collaborateurs aussi dévoués et talentueux, Alien ne serait pas Alien.
D’abord intitulé Memory puis Star Beast, le film trouve finalement son titre suite à la répétition du mot Alien dans le script. Néanmoins ces premiers titres provisoires sont assez révélateur de l’orientation du projet dès le début par O’Bannon et son co-scénariste Ronald Shusset. Le monstre est le centre de l’attention autour duquel gravite les autres personnages et pour une histoire situant son action dans l’espace, c’est plutôt approprié. C’est Walter Hill et David Giller, producteurs et scénaristes, qui arriveront au nombre de 8 passagers au bout de la 8ème et dernière ébauche du script.
Le film acquiert donc ses lettres de noblesse avec ce chiffre et leur contribution a ainsi vu la venue d’un androïde mais aussi du fameux chat. Dans les coulisses, le nombre de personnes impliquées sur le projet augmente pour atteindre le même nombre et l’on peut aisément attribué un membre de l’équipage à chacune des têtes pensantes de la production jusque dans le studio qui n’est autre que le Nostromo. Chacun y a apporté sa touche en embarquant à bord de cette production de la 20th Century Fox à commencer par le quatuor de scénariste à qui l’on pourrait attribuer les rôles de Kane, Ash, Parker et Brett.
Dan O’Bannon est celui sans qui le projet n’aurait jamais vu le jour, il lui revient donc l’honneur de subir le sort réservé à Kane en subissant la perforation au thorax par l’embryon Alien. Son co-scénariste Ronald Shusset pourrait prétendre à incarner Brett quant à Walter Hill et David Giller qui sont venus se greffer au projet, Ash et Parker semblent bien leur correspondre. Jean Giraud, dit Moebius, illustrateur pour Metal Hurlant, a surement été attiré par la tagline prétextant que personne ne pourrait l’entendre hurler dans l’espace. Chose qu’il pourra tout de même faire dans les décors qu’il a désigné et où le personnage de Lambert périra.
Bien évidemment Sigourney Weaver a grandement participé à insuffler de la présence à Ellen Ripley ce qui la rend indissociable de ce personnage. L’Alien ne peut revenir qu’à son créateur: HR Giger et sa première victime, celui qui le débauchera de sa Suisse natale, n’est autre que Ridley Scott en tant que capitaine tout comme Dallas l’était. Maintenant que tout le monde a eu voix au chapitre dans une oeuvre où chacun en a réclamé la paternité, il est interessant de se pencher sur le fait qu’il s’agit de l’un des thèmes principaux. Le docteur Hammond le dira lui même plusieurs décennie plus tard dans Jurassic Park: la vie trouve toujours un chemin. Et parfois ce chemin passe par nos entrailles.
Dès l’apparition du titre, très sobre et beau en plus d’étendre son temps à l’écran comme une sorte de note d’intention sur le rythme du film, on sent l’envie du réalisateur d’imposer ses choix. En effet, le montage prend le temps de développer ses personnages pour mieux les sacrifier tout au long par ce fameux huitième passager. Tout cela passe par des plans posés dans lesquels le réalisateur use beaucoup des lumières d’écrans de contrôle qui se projettent sur les visages comme si ils étaient eux même des moniteurs. Cette mise en lumière des acteurs met en avant leur importance contrairement à ce que laisser présager le titre, le faisant passer de série B à film d’auteur.
Mais malgré tout le mal que se donne le réalisateur pour donner corps à son univers par le biais de maquettes ou pour garder dans l’ombre sa créature, par l’absence d’éclairage justement mais aussi par la technique du hors champs, il est obligé de rentrer dans le vif du sujet pour faire honneur au genre. Ce qui avait été décrit au préalable en note d’intention comme étant « les dents de la mer dans l’espace » se voit donc contraint d’abandonner cette référence. L’Alien perd donc de sa superbe quand on le voit en entier. Peut-être qu’avec un acteur de la trempe de Doug Jones, la créature aurait pu transcender son esthétique par une présence corporelle beaucoup plus forte.
Le design de HR Giger n’en demeure pas moins époustouflant avec une anatomie autant organique que mécanique. Un mélange inédit qui impose ce monstre au panthéon des figures de la SF de manière instantanée. Pourtant aucune fin ouverte à l’issue de la confrontation entre le Xénomorphe et Ripley, le film n’étant pas conçu pour ouvrir la voix à une suite ce qui n’a pas empêché les producteurs, et grand bien leur en a pris, d’en faire une franchise. Depuis Ridley Scott est partie dans la direction opposée, laissant le futur des Aliens à James Cameron et bien d’autres, pour se concentrer sur le passé des Ingénieurs que l’on peut apercevoir au début. Il est d’ailleurs interessant de remarquer que ce que les gens ont reproché à Prometheus, cet opus d’Alien le faisait déjà.
Cette thématique du vaisseaux échoué sur une planète inconnue, le robot qui trahis le groupe, la femme forte,… Ridley Scott n’a fait que prolonger son propos initial en faisant de sa préquelle un quasi remake. Au final ce film récolte littéralement ce qu’il a semé en devenant culte. La rançon de la gloire a été de voir d’autres films, tel des Aliens dans la vie réelle inséminant l’industrie cinématographique, pompés jusqu’à la moelle cette oeuvre en faisant parfois mieux. Une quantité de films que j’ai pu voir avant celui-ci et qui me donne un regard parfois faussé. Le film accuse donc un peu ses 40 années d’existence mais reste tout de même novateur pour l’époque.
Pour autant, au delà du fait qu’il soit l’instigateur de la saga, qu’est-ce qui fait que Ridley Scott y soit constamment assimilé? Pourtant bien des réalisateurs de talent lui ont succédé sans pour autant se voir cité à tout bout de champs lorsque l’on évoque les Xénomorphes. Est-ce la ressemblance de son prénom avec celui de son héroïne qui à une lettre prêt son identique? Elle même n’était pas sensé revenir dans une franchise qui ne porte même pas son nom et pourtant n’a pas cessé d’être exposée, quand bien même elle y était opposée. Personnage comme actrice.
Spectateur comme fan, je ne m’explique toujours pas vraiment en quoi je n’ai aucune affinité avec ce film. Parfois il est de bon ton de vivre la sortie d’un film et non d’en ressentir l’écho de son succès des années plus tard. De lire des critiques élogieuses d’un film à un instant T, le voir précédé d’une réputation pour finalement en être déçu. Je ne doute pas qu’à l’époque cela avait du être un véritable choc, aujourd’hui c’est juste choquant de savoir que c’est un classique. Mais sans lui, une quantité non négligeable de mes films préférés n’auraient surement jamais vu le jour.
« ALIEN » WINS!