Aller au contenu

« Kin: le commencement » de Jonathan et Josh Baker

« KIN: LE COMMENCEMENT » VS PROCRASTINATION

Sous couvert de néons bleutés et de reflets mauves, Kin fait typiquement partie de ce genre de production à l’affiche mensongère. Celle-ci met en avant les producteurs de Stranger Things et le studio derrière lequel a pu voir le jour Seven Sisters. D’un côté, on a donc une série accès sur la nostalgie des années quatre-vingt et de l’autre un film se déroulant en 2073. Même si l’aspect futuriste est ici présent avec une arme technologiquement très avancée et un gamin qui n’a pas forcément l’esprit de groupe contrairement à la bande d’Eleven et ses potes, c’est bien peu de choses.

Des titres de gloire donc loin de correspondre à une histoire contemporaine. Si il avait fallu illustrer une affiche permettant de synthétiser l’esprit du film, je pense qu’elle serait très loin de ce que l’on a eu. Quelque part, il y a tromperie sur la marchandise, mais c’est un mal pour un bien car cela apporte de la visibilité à une production qui n’en aurait pas forcément eu autrement puisqu’il ne s’agit pas d’un film de science-fiction. Ou en tout cas c’est loin d’être le propos central lors d’une bonne partie du récit.

Une chose dont n’importe qui aurait pu se rendre compte en visionnant le court-métrage qui a servi de base de travail pour cette version longue et qui s’intitule « Bag Man ». Caméra à l’épaule, on y suit un enfant ayant trouvé un fusil d’assaut qui ne serait pas autorisé par la législation du port d’arme tant ses effets sont dévastateurs. Pour ne pas dire d’un autre monde. Mais durant ces dizaines de minutes, on assiste surtout à une ambiance posée accompagnée par une musique lancinante. Encore une fois, la seule chose qui fasse réellement du bruit, c’est ce calibre.

Et c’est lors d’une séance de tir avortée sur un terrain abandonné que l’intrigue, et par extension l’enfant, croise celle des films de gangsters. C’est improbable, mais cela fonctionne extrêmement bien grâce au sens de la narration qui est très travaillé. Limitée par le format court, l’histoire ne s’embarrasse pas d’explications sur le pourquoi du comment ces truands viennent exécuter le Bag man en question: l’important est de faire une démonstration de force avec ce nouveau jouet dont on ignore la provenance.

Et ce n’est pas avec le peu de dialogues que l’on en saura plus puisque le scénario va à l’essentiel pour garder en fluidité. Toutes ces questions, qui appartiennent au background et à l’imagination du spectateur, le film va se charger d’y répondre en développant le concept d’origine. Ainsi, même si il ne s’agit pas des mêmes acteurs pour l’incarnation de ce garçon, la réalisation est raccord entre les deux à tel point que l’on pourrait croire que ce court, qui date pourtant de 2015, est une scène coupée dudit film.

Derrière cette mise en scène se cachent deux frères, Jonathan et Josh Baker, qui signent également le scénario. Difficile de ne pas voir derrière cette histoire de fratrie celle de leurs auteurs dont la relation a dû servir de base pour étendre le matériau original. En effet, dans ce court-métrage il n’est jamais question d’un frère, mais l’on peut toutefois apercevoir la mère de ce garçon sans nom qui s’appelle ici Eli. Bien qu’assez furtif à l’échelle d’un court-métrage, cet aspect maternel est ici absent de la version longue au profit d’une figure paternelle joué par Dennis Quaid.

Dans chacune de ses scènes et dans la façon d’interagir avec les autres, j’ai eu l’impression de voir la performance de Kevin Costner dans Man of Steel. Les deux personnages sont assez proches dans leur essence « d’homme de la famille », mais celle-ci est surement renforcée par le fait qu’il s’agit du même doubleur français ce qui peut prêter à confusion. L’acteur y joue un père désabusé dont la femme est décédée et qui vit avec son fils adoptif pendant que son fils biologique purge une peine de prison. 

Les retrouvailles sont loin d’être tendres après cette période de détention, qui aura duré six années, tout comme les deux frères sont loin d’être des modèles de complicité. Du moins au début jusqu’à ce que les choses tournent mal et introduisent l’antagoniste du film en la personne de James Franco. Ce dernier continue sur sa lancée avec un rôle dans la lignée de Springbreakers, c’est-à-dire avec un jeu exubérant, où il jouait un rappeur, gangster et vendeur de drogue du nom d’Alien. 

Ici il en est question, d’Alien, du moins en apparence puisqu’entre temps le jeune Eli va mettre la main sur le Mcguffin de l’histoire. Au cours de ses recherches dans des entrepôts désaffectés pour récupérer du cuivre, il va alors tomber sur une arme loin d’être homologué par la NRA. Le souci c’est qu’il est le seul à pouvoir s’en servir ce qui va attirer la convoitise de son ainé afin de le manipuler pour commettre des braquages. Loin d’être le frère de l’année, si il y a bien une quelconque justification à la présence de Seven Sisters sur l’affiche c’est bien cette thématique.

Dans le rôle d’une strip-teaseuse, Zoé Kravitz viendra faire le lien entre ces deux frères afin de les aider à mieux se comprendre et à se rapprocher. C’est d’ailleurs de cette scène dans ce club de strip-tease que provient cette imagerie à base de couleurs fluorescentes sur le poster du film. Cette ambiance tout en lignes lumineuses rappelle fortement Tron Legacy et le groupe Mogwaï, en charge de la partition musicale, va jusqu’à jouer quelques notes empruntées à Daft Punk lorsque l’arme du gamin est mise en action.

D’ailleurs les deux personnages qui sont à leurs trousses pour récupérer cet engin de destruction sont un peu dans ce look Daft Punk avec leur casque au design inspiré. Même si ils ont une apparence humanoïde, cela permet de cacher leur véritable nature et de spéculer sur leurs motivations. Pendant une bonne partie du film, ils ne font que suivre des pistes afin de rattraper leur cible tout en restant en retrait dans l’intrigue. Ce duo ne bénéficie d’aucun développement au point que leurs dialogues ne soient même pas sous-titrés, c’est dire là où l’attention du film est dirigée.

C’est avec ce genre de détail que l’on se rend compte que ce qui prime c’est cette histoire fraternelle mise en place et non l’aspect spectaculaire lié à l’arme. Elle n’est qu’un vecteur permettant de rapprocher les deux frères comme un aimant. L’un est dépendant de l’autre car il est adulte et le plus grand a besoin du plus petit grâce à sa connexion avec le fusil. Une relation très discutable en somme sans compter que le port d’arme chez un enfant peut être sujet à polémique.

Un choix conscient de la part des co-réalisateurs tout comme il est légitime de se demander si ils ont consciemment été puisés leur inspiration du côté de chez Marvel. En effet, leur court-métrage en rappelle furieusement un autre intitulé « Item 47 » qui fait suite à la bataille de New York survenue dans le film The Avengers. Il est question d’un couple retrouvant une arme Chitauri dans les débris et dont ils se servent pour commettre des braquages. 

Sortie en 2012, cette histoire courte, qui explore les conséquences de la découverte de cette invasion extraterrestre, a dû grandement les inspirer dans l’élaboration de « Bag Man » puis de leur premier long-métrage. Je pense aussi que c’est en gardant en tête cette inspiration que j’ai été induit en erreur quant à l’identité des deux humanoïdes. L’absence de sous-titre a également dû peser dans la balance pour que j’en vienne à croire qu’il s’agissait d’extraterrestres.

Parmi les bonus s’attardant sur la création des effets spéciaux, les animateurs nomment ces êtres les « Nettoyeurs ». Une dénomination assez fonctionnelle, proche de celle de Léon dans le film du même nom et qui implique de ne pas faire dans la dentelle. L’attirail mis à leur disposition est plutôt sophistiqué et il y a quelques trouvailles visuelles par rapport à des hologrammes qui sont plutôt bien mis en scène.

Par ailleurs, au-delà de ces visuels dans la veine de Tron Legacy, toutes proportions gardées, les combinaisons rappellent celle de Destiny dont le même Joseph Kosinski a réalisé la bande-annonce. Tout cela participe à entretenir une cohérence pour un commencement, comme l’indique le sous-titre français, qui en restera là. Voici là encore une nouvelle promesse tout droit issue de l’affiche et qui n’est pas tenue puisque celle-ci annonçait ni plus ni moins une « nouvelle saga ».

Au final le film ne semble pas avoir initié autre chose que ce one shot alors qu’il était surement destiné à devenir une franchise vu les producteurs derrière le projet. En tout cas, c’est ce que laissent présager les indices disséminés et la présence de Michael B. Jordan, surement attiré par la perspective d’un rôle beaucoup plus développé dans la suite.

Mais tout comme le court-métrage laissait à l’imagination du spectateur la façon dont le garçon s’était procuré une telle arme ou de se demander qui en était le propriétaire originel, il est possible d’élaborer des théories sur cette suite qui ne verra sans doute jamais le jour. En tout cas, c’est très peu probable vu le peu d’engouement à la sortie. Le film nous avait donné les réponses que l’on se posait durant le court-métrage, mais là aucun deuxième opus n’est attendu pour nous empêcher de spéculer sur les révélations faites à la fin.

Comme je le disais plus haut, tous les indices menaient vers une menace extraterrestre derrière ces casques jusqu’à ce qu’un visage bien humain se révèle au jeune héros. Celui-ci prend alors connaissance de la raison pour laquelle il est le seul à pouvoir se servir de cette arme tandis que ces personnages sont sur le point de repartir vers leur monde. Un monde que je n’imagine pas si différent de ce présent et qui selon moi ferait de Michael B. Jordan une version adulte de Eli.

Cela implique donc les voyages dans le temps et des indices vont aussi dans ce sens avec la vision à travers le casque qui évoque directement celle du Terminator. En tout cas pour des personnes capables de contrôler le temps avec une grenade, cette théorie est tout à fait valide jusqu’à preuve du contraire. Jusqu’à ce que l’on me fasse mentir comme l’affiche l’a très bien fait auprès des spectateurs quant à son contenu, même si le titre est assez évocateur et se traduit par « parents ». 

Cette thématique s’infiltre jusque dans le véritable coeur du film, dans la relation entre les deux frères qui cherchent à se rapprocher, à s’apprivoiser, à s’appréhender tout en veillant à ce que cela ne soit pas le cas par les individus à leur poursuite qui, eux, sont détenteurs de la vérité. En tout cas les seuls à véritablement détenir cette vérité quant à la suite des événements c’est bien les frères Baker. Avec ce film, ils suivent les pas de Neill Blompkamp qui avait transposé son court-métrage pour en faire District 9. Et oh surprise, il est aussi question d’une arme extraterrestre.

« KIN: LE COMMENCEMENT » WINS!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *