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« Power Rangers » de Dean Israelite

« POWER RANGERS » VS PROCRASTINATION

Mastodonte, ptérodactyle, tricératops, smilodon, tyrannosaure. C’est précisément dans cet ordre et pas un autre que les adolescents de Angel Groove faisaient leur transmutation en Rangers. Et moi de répéter leur animal totem à tour de rôle comme une poésie. En y repensant, c’est limite grâce à cette série, plus qu’à Jurassic Park, que je connais aussi bien les noms des différents dinosaures et autres animaux préhistoriques. Chacun d’entre eux correspondait à une couleur qui était affiliée à un personnage en particulier. Et je voulais être l’un d’entre eux.

Comme beaucoup d’autres enfants, le rouge était mon préféré. C’était le chef du groupe, alors que pour ma part j’étais loin d’être un leader dans la cour de récré. Avec du recul, j’y voyais là peut-être un moyen pour moi de vivre cela par procuration… Toujours est-il que je possédais même la figurine et elle était pour moi ce que Woody et Buzz étaient pour Andy: mon jouet préféré. Même si, au fur et à mesure du temps, mon amour pour les Power Rangers s’est étiolé, cette figurine est restée comme une espèce d’enveloppe corporelle dans laquelle j’insufflais la vie à d’autres personnages sous prétexte que c’était la seule à être suffisamment articulée.

Jusqu’à ce qu’il soit remisé dans une boite, ce jouet a subi de nombreuses chutes et sa peinture s’est écaillée sous mes doigts. D’abord de manière volontaire, car en son centre se trouvait le logo du tyrannosaure, chose qui n’était pas présent sur les costumes de la série alors pourquoi le serait-il sur cet objet dérivé. Ce Power rangers taille réduite a été le cobaye de mes rafistolages lorsque les dommages qu’il subissait étaient encore réparables. J’allais alors me servir dans la boite à outils de mon père pour y trouver un tournevis afin de pouvoir réparer cet objet fétiche. 

Même si, il faut bien l’avouer, au fil du temps cette figurine a pris des allures de poupée vaudou. De Andy dans Toy Story, je suis passé à Sid sans pour autant que je considère cela comme de la maltraitance envers mes biens. C’est ainsi que son bras droit a dû être remplacé, après avoir été cassé, par un autre issu d’une sous-marque de cette série. Un bras vert sur un corps rouge et pourtant cela ne me dérangeait pas le moins du monde, car mon imaginaire se superposait sur cette figurine comme une image de synthèse sur un fond vert. Dans le fond, c’était ça mon super pouvoir et les Power rangers en ont été un formidable vecteur.

Puis les Bettleborgs sont arrivés sur le marché des séries. Cette mythologie à base de comics, sans pour autant en être une adaptation, m’a beaucoup attiré et progressivement j’ai bifurqué vers les bande-dessinées dans lesquelles j’étais déjà beaucoup investi à l’époque. J’y ai alors trouvé d’autres héros à idolâtrer entre ceux de Marvel et ceux de DC, mais aussi une transposition des Power Rangers sur ce format. Mais leurs aventures manquaient d’envergure, elles étaient aussi plates que le papier sur lequel elles étaient imprimées. J’étais alors nostalgique de cette époque pas si lointaine où il n’y avait pas encore eu les multiples déclinaisons qu’ont été Zéo, Turbo et j’en passe.

En y repensant, mon amour pour cette franchise a atteint son point culminant avec le film de 1995 avant que je ne m’intéresse à d’autres choses. Il représente pour moi l’épisode ultime et jamais les producteurs n’auront réussi à faire mieux que ce monument de kitsch. Attention, pour moi à l’époque c’était un événement à ne pas rater! Le trailer m’avait rendu fou et je me le repassais en boucle sur une VHS depuis usée. Dans la lignée de Mortal Kombat: Destruction finale avec deux ans d’avance, il y a là tous les ingrédients d’un nanar et pourtant tellement pris au sérieux par le prisme de l’enfance.

Passé un texte déroulant servant à introduire la mythologie, riche de trois saisons au moment de la sortie, on était alors plongé dans le vif du sujet avec un saut en parachute en guise d’ouverture. Une véritable note d’intention pour ce récit d’aventure dans la plus pure tradition de ce que pouvait proposer le studio Amblin en termes d’ambiance bon enfant. Il y a même un esprit semblable à celui de L’histoire sans fin lorsque l’histoire emmène les protagonistes sur une autre planète. La musique grandiloquente de Graeme Revell y est pour beaucoup et a même des airs de Dany Elfman lors de ses envolées lyriques.

Une playlist de musiques pop venait entrecouper cette composition et ancrer ce film immédiatement dans son époque. Cette bande sonore allait dans l’excès jusque dans les mouvements des personnages qui sont accompagnés de bruitages et je ne parle pas des doubleurs français qui sont parfois plus à fond pour dire leurs répliques que les acteurs originaux. Tout ceci m’a sauté aux yeux lorsque je l’ai revu et même fait sourire tout du long sans pour autant que je ne me moque de la naïveté de cette production. Pourtant il y a de la matière et même Les inconnus s’y sont attaqués avec leur parodie de Bioman.

Ça déborde de bons sentiments en plus d’être un déluge d’effets spéciaux déjà périmés avant même sa sortie sans pour autant en avoir conscience: la blague sur Jurassic Park est plutôt assez éloquente alors que les CGI sont à peine dignes des animatiques de pré-production du film de Spielberg sortie deux en plus tôt. C’est dire le retard technologique, à croire que les responsables de ce projet se sont amusés avec les produits dérivés pour construire leur intrigue. Mais là où il aurait été tellement simple de capitaliser sur cette marque pour s’offrir un succès, le scénariste en charge a pris un très gros risque.

En effet, en tant qu’enfant je m’attendais surtout à voir les Power rangers durant une heure et demie et rien d’autre. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je les ai vues perdre leurs pouvoirs dès le début du film pour mieux les retrouver à la fin. Idem pour Rita et le seigneur Zedd qui sont neutralisés par la créature qu’ils venaient de ressusciter. Entre deux, il y a donc cette quête où les protagonistes deviennent des ninjas tandis que sur terre le nouveau méchant Yvan Ooze a transformé la population en zombies bien serviables grâce à une pâte gluante. Avec ce genre de pitch, il n’y a pas de doutes, on est bien dans l’esprit de la série télé.

Le réalisateur Bryan Spicer a réussi à en capter l’essence en guise de carburant pour sa mise en scène. « L’ultimate Adventure » promise par la voix off du trailer était donc au rendez-vous malgré une utilisation réduite des costumes emblématiques, pourtant redesignés pour l’occasion. Mais l’âme de ce programme a survécu au format long, et surtout à mon impatience de voir mes héros en tenue de combat. Cette patience a été mise à l’épreuve, mais récompensée dans son climax en forme d’apothéose avec de nouveau Zords et même une scène post-générique avant que Marvel n’en fasse sa marque de fabrique.

J’ai bien conscience que cette introduction fait plus office d’introspection, mais il était nécessaire de faire ce retour en arrière afin de pouvoir appréhender ce reboot de la meilleure des manières. Même pour moi qui suis un fan de la première heure, je trouve qu’il s’agissait d’un projet hyper casse-gueule de vouloir remettre au gout du jour cette équipe colorée et plus vraiment dans l’air du temps. Et sans s’appuyer sur une série télé en cours de diffusion, comme le faisait le long-métrage de 95, mais juste sur un sentiment de nostalgie. Sans compter l’envie d’aligner plusieurs zéros au box-office.

Que les raisons derrière ce projet soient artistiques ou lucratives, on ne peut ignorer l’énorme potentiel derrière le matériel de base tel que je viens de le décrire. Il y avait de quoi faire plusieurs films en un grâce aux influences que brasse la série et qui rappellent ce qui se fait de nos jours. Les super-héros de chez Marvel figurent en pole position en termes de popularité et il n’aurait pas été difficile de surfer sur cette vague en l’adaptant un tant soit peu au genre du Sentaï. On sent d’ailleurs cette volonté lorsque l’on suit les personnages alors en pleine découverte de leurs pouvoirs. Il y a du Spider-Man dans cette façon d’appréhender une force qu’ils ne contrôlent pas dans leur quotidien puis au lycée.

Les X-men ne sont pas très loin non plus avec Zordone qui fait office de Xavier pour le groupe qui vient de se former. Pour ce qui est de leurs uniformes, on s’éloigne des pyjamas de la série télé pour quelque chose qui ressemble plus à une armure dans la lignée d’Iron Man. Il ne manque plus qu’un humour typique de chez Marvel pour assumer cette débauche de couleurs sous couvert de second degrés. Le film est un peu trop sérieux pas rapport à son contenu qui mélange des extraterrestres désireux de détruire le monde, des adolescents qui se transforment en guerriers et des affrontements entre des robots et des monstres géants.

Sur ce dernier point, il aurait été bienvenu de s’inspirer de Pacific Rim, mais aussi de Godzilla qui est très ancrée dans la culture nippone. Hélas, Angel Groove est loin d’avoir la démesure d’une ville comme New-York afin que le spectateur puisse voir les différents rapports d’échelle. Par contre, l’équipe en place semble avoir été inspirée par l’ouverture du quatrième opus de la saga Transformers. On assiste alors à un prologue assez surprenant et prenant place au crétacé. Un vol de ptérodactyle est présent en arrière plan tandis que le ranger rouge se fraye un chemin en rampant dans la boue.

Il croise alors l’un des siens qui sous son casque se révèle être une extraterrestre très Star Trek dans l’âme, avant de la rendre. Sous-titre à l’appui pour traduire ce dialecte étranger, on comprend alors très vite que sous l’armure écarlate se cache également un alien d’une tout autre race puisqu’il s’agit de Zordone. Futur chef du groupe d’adolescents qu’il va recruter grâce à des cristaux, il doit faire face au ranger vert qui se tient devant lui et semble être non seulement un traitre, mais aussi l’antagoniste bien connue sous le nom de Rita. 

J’ignore si cela fait partie de la mythologie de cet univers où s’il s’agit là d’un ajout de taille, mais c’est une excellente entrée en matière pour ce qui restera la meilleure scène du film. Par contre, elle aurait mérité d’avoir plus de dinosaures ou d’animaux préhistoriques en train d’évoluer dans son décor. Ne serait-ce que pour expliquer leurs animaux totem au centre de leur mythologie, mais aussi afin de faire un miroir avec le climax qui voit apparaitre leur ersatz de métal. Il y avait là l’occasion de confronter deux imageries que l’on ne voit que trop rarement à l’écran, à savoir une technologie extraterrestre évoluant aux côtés de dinosaures fuyant le fatidique météore.

Dernièrement, c’était dans le bien nommé Transformers: l’âge de l’extinction, et tout comme les créateurs des Autobots et des Decepticons avaient été rendus responsables de la disparition des dinosaures, il en est de même pour cette itération des Power Rangers dont les membres sont issus d’ethnies différentes. Ce détail n’est pas sans rappeler le Corps des Green Lantern qui est lui aussi composé de multiples races sous le même uniforme vert. Cette source d’inspiration est tout à fait légitime puisque le nom des Power Rangers est souvent revenu lorsqu’il s’agissait de décrire le run du scénariste Geoff Johns sur le chevalier d’émeraude.

Toutes les références cinématographiques que je viens de citer n’ont rien de gratuites ou de surprenantes puisque les scénaristes en poste sur le projet, tous autant qu’ils sont, ont oeuvré pour ces différentes franchises: Transformers, X-men le commencement, Star Trek, The Amazing Spider-man,… Mais je ne serais pas surpris d’apprendre que la production avait comme note d’intention un certain court-métrage non-officiel produit par Adi Shankar: Power / Rangers. La scène d’introduction y est dans le même esprit en plongeant les personnages sur un champ de bataille rocailleux avant de nous embarquer dans une esthétique à la Dredd.

Sur fond de Dubstep, tout se passe ainsi dans une mégalopole futuriste et sombre à souhait, soit le contre-pied de la série qui se situe dans une petite ville et la plupart du temps en plein jour. Le film de Dean Israelite ne sera jamais aussi extrême et violent que ces quatorze minutes intenses, mais on peut ressentir dans son ouverture crasseuse et boueuse l’envie d’emmener le récit vers quelque chose de plus mature. La scène qui suit fait la part belle à un plan séquence à l’intérieur d’une voiture suivie d’un accident plutôt immersif. En seulement deux séquences, on assiste donc à une mise en scène audacieuse, mais qui va vite retomber dans un académisme cher aux blockbusters.

Pourtant en se calquant sur une ambiance à la Chronicles, il y avait la volonté de donner une identité différente des standards du genre et ce jusque dans l’apparition du titre. Pas de typographie stylisée et grandiloquente au profit de quelque chose de plus discret relégué dans un coin de l’écran, une sobriété à la limite d’un film d’auteur. Toutes proportions gardées. Puis on retombe dans les clichés de toutes les superproductions mettant en scène un groupe d’adolescents. Il est très difficile de ne pas tomber dans les stéréotypes et généralement chaque personnage se fait le garant d’une communauté bien précise.

Ils sont tous différents afin de respecter une certaine parité et ainsi on retrouve la lesbienne de service, le geek à lunette, le fonceur, la fille qui se coupe les cheveux pour marquer son changement avec des ciseaux (roses) et j’en passe. Cette différence qui les caractérise fait qu’ils n’auraient jamais dû se rencontrer et c’est pendant une heure de colle que ces marginaux vont se croiser. C’est un peu navrant d’en être toujours au même niveau dans la représentation de la jeunesse qui est très catégorisé au point d’en devenir ridicule. C’est l’âge où l’on se cherche encore et ce genre de film contribue à populariser une image de mal être corporel avec des mannequins. 

Cela devient compliqué de croire en ces représentations très américaines par l’intermédiaire de comédiens ayant la vingtaine bien entamée, voir proche des trente ans, lors du tournage. Au moment des faits, cette troupe d’acteurs n’a rien fait de notable excepté Dacre Montgomery. Bien qu’il ne fasse pas partie de la distribution principale, son implication dans la série Stranger Things est plutôt intéressante. Mais à choisir, plutôt que d’aller piocher dans le casting de cette série pour ses têtes d’affiche, il aurait mieux fallu s’inspirer de l’ambiance et la temporalité de la série Netflix. Située dans les années 80, elle met en scène des ados face à des forces surnaturelles et les mystères qui hantent la petite ville de Hawkins.

Ce ne sont pas les points communs qui manquent pour adopter cette même recette à succès. Un schéma similaire aurait pu être appliqué à Power Rangers en situant son intrigue dans les années 90, naissance de la série originale. La nostalgie aurait eu de bien meilleurs résultats auprès du public plutôt que d’ancrer le récit dans une époque moderne. Récemment, Shazam a surfé sur cette vague en adoptant un ton proche des productions Amblin tout comme les Goonies était derrière Stranger Things. Les nineties ont vu naitre nombre de films cultes et notamment The Faculty qui reste un exemple en matière d’adolescents se confrontant à une menace extraterrestre comme cela sera le cas ici.

Une fois au grand complet et la découverte des pouvoirs qu’offrent les cristaux magiques passée, le film adopte la même structure classique que celle des épisodes. À savoir un monstre qui apparait, qui est vaincu par les Power Rangers avant de grandir sous l’impulsion de Rita. Cette dernière oscille entre le ridicule qu’inspire la prestation de l’actrice et le malsain qu’elle dégage. Que ce soit à l’état de momie lorsqu’elle fait son retour à la civilisation ou lors de certaines hallucinations la mettant en scène pour déstabiliser les Rangers, Rita est vraiment creepy comparée à son homologue sériel. Mais une fois qu’elle est dans la lumière, sa présence dénote beaucoup trop avec l’environnement lumineux et coloré.

Idem pour les Power Rangers, qui à part pour se camoufler dans un arc-en-ciel, ont plutôt du mal à être crédibles à la lumière du jour. Même le film de 1995 s’était résolu à ne les faire apparaitre que lors de scènes de nuit afin de faire ressortir leur gamme de couleurs respective. Et comme pour cette première adaptation sur grand écran, cette réinvention se propose elle aussi de donner un nouveau design aux costumes en leur octroyant un côté presque organique. Cet aspect est surtout visible lors des scènes de transmutation, mais aurait mérité à être poussé à fond dans sa logique une fois recouvert par cette matière. 

Je pense notamment à cette bouche en métal sur le casque qui reste figer et qui aurait pu bénéficier d’une animation afin d’avoir un minimum d’expressions sur ces visages digne d’une paralysie faciale. Difficile donc de déceler la moindre trace d’émotions derrière ces casques tout comme il est difficile de ressentir de la tension devant les scènes de combat qui les mettent à contribution. Il en résulte des échanges très sommaires avec des interactions à la Tortues ninjas entre chaque membre. Les ralentis auront beau étendre ces moments cela restera toujours trop court quant à la suite logique des événements. 

En effet, on a à peine le temps de les voir en uniforme de combat qu’ils se glissent déjà dans leurs Zords. En cela, ce sont moins des armures que des combinaisons de pilotage. Une fois qu’ils ont pris place dans leur machine respective, la réalisation peine à donner de l’ampleur malgré des effets spéciaux plutôt bons. La faute à une ville à taille humaine qui sert de terrain de jeu pour ces géants. La différence d’échelle ne se fait alors que très peu ressentir et elle est même carrément nulle lorsque l’arrière-plan n’est qu’une simple ligne d’horizon. La ville de Angel Groove se situant géographiquement au milieu d’une plaine rocailleuse, c’est tout ce qu’il nous est donné de voir une fois en hauteur.

Quoi que l’on puisse dire sur la saga Transformers, celle-ci avait au moins le mérite d’aborder ces combats de titans avec une excellente gestion de l’espace. Ici, l’environnement ne sert qu’à amortir leur impact là où Michael Bay en faisait usage pour rendre les affrontements plus intenses. Et une fois les différents robots réunis pour n’en faire qu’un, cela ne relève guère le niveau. La faute à un Megazord au charisme quasi-inexistant tant son aspect s’éloigne beaucoup trop de celui de la série. Ce dernier avait au moins le mérite d’être un véritable assemblage de pièces détachées et chaque Zord d’origine était visible avec les différentes couleurs ainsi qu’une de leurs particularités.

Cela offrait un design inégal, mais qui faisait tout son charme là où le film a opté pour quelque chose de plus uniforme et symétrique. Face à lui, le faire-valoir de Rita n’est guère plus inspiré en termes de design. Goldar n’est qu’un amas d’or en mouvement avec des ailes dont il ne se sert même pas. Ajoutez à cela une première prise en main hasardeuse pour les ados aux commandes de ces engins et on obtient une confrontation loin d’être palpitante. Pour un climax, cela clos le film sur une impression bien mitigé et l’apparition furtive des rangers rose et vert de la série télévisée parmi les badauds n’y changeront rien. 

Le regard admiratif de Amy Jo Johnson et Jason Frank, devant cette nouvelle génération de Power Rangers, est surement dû aux effets spéciaux dont ils ne pouvaient bénéficier à l’époque. De leur temps, ce genre de séquence de destruction grandeur nature était tourné dans un décor modèle réduit en carton-pâte avec deux acteurs en costume de robot et de monstre géant. Les choses ont bien évolué entre temps, même si le procédé n’a pas dû changer tant que ça, ici il s’agit de motion capture pour donner vie à cette fin. D’autres personnages sont également remis au gout du jour grâce à cette technique.

Alpha 5 et Zordone on notamment bénéficié d’un lifting numérique pour rajeunir cette partie de la mythologie. Le premier est devenu un personnage de synthèse interprété par Bill Hader, dans la veine de Jar Jar Binks pour le côté un peu irritant, tandis que le second s’est émancipé de son tube de verre. C’est Bryan Cranston qui lui prête ses traits à travers un mur circulaire où s’étale son visage. L’acteur de Breaking Bad a accepté de participer à ce reboot en bon souvenir de son travail sur la série. Il y avait notamment doublé un monstre à deux reprises alors qu’il débutait à Hollywood.

Et par doublé, je veux bien entendu parler de doublage de voix et non de jeu d’acteur dans un costume. Car oui, la série à la particularité d’être un mixe entre les rushs de plusieurs programmes japonais, les super sentai, et d’images tournées pour l’occasion et insérées dans le montage afin de s’adapter au public américain. C’est la société Saban Entertainement qui s’occupe d’en récupérer les droits et de doubler les dialogues pour en faire un show différent de celui d’origine: Kyōryū Sentai Zyuranger. Dans ce dernier, il n’est pas vraiment question de cinq ados vivants dans une petite ville et à qui sont confiés des pouvoirs extraterrestres pour lutter contre l’envahisseur. Voir pas du tout en fait.

On est plus dans le registre de la Fantasy, car même si dans le pitch de départ il est question d’une mission spatiale sur une planète lointaine, c’est bien une sorcière que les membres de cette expédition trouvent sur leur chemin. Celle-ci s’échappe alors d’une étrange boite et se rend sur Terre, plus précisément à Tokyo, accompagnée de ses acolytes pour y semer le chaos. Mais un magicien du nom de Barza s’interpose en lui opposant cinq guerriers. Endormi depuis 170 millions d’années, chacun d’entre eux se voit confier un médaillon magique qui leur permet de se transformer en super guerrier.

Comme quoi, avec un montage différent, en changeant les dialogues et en coupant des scènes afin d’en intercaler d’autre de son cru, on peut faire dire ce que l’on veut aux images pour nous conter une histoire totalement différente. Et je ne passerais que brièvement sur les saisons suivantes de Power Rangers que sont Zéo, Turbo,… et qui sont en réalité tirés d’autres Sentai n’ayant absolument rien à voir entre eux. Ce genre, que l’on peut traduire par Escadron de combat, se compose du même archétype de groupe de guerriers colorés ce qui facilite la continuité pour Saban Entertainement qui a décidé de les lier comme faisant partie d’une seule et même mythologie.

Les scènes tournées en interne ont ainsi grandement contribué à créer des connexions entre ses différentes séries sous un tout commun. Seul le film de 95, qui peut être vu comme une sorte de hors-série, n’avait pas eu à recourir à ce subterfuge en ayant filmé ses propres scènes d’action là où la série allait piocher dans les rushs existants. Une façon bien étrange de procéder, mais qui aurait tout de même gagné à être abordé, d’une manière ou d’une autre, dans le reboot tant cela fait partie de l’ADN de Power Rangers. Par le biais d’une mise en abime ou sous couvert d’un discours méta, le long métrage aurait ainsi pu s’émanciper de son habituel schéma épisodique et redondant.

Cette petite leçon d’histoire / géographie n’avait absolument rien de gratuit, mis à part d’explorer le fond du sujet. Et c’est ce qu’aurait dû faire les scénaristes afin de rendre honneur non seulement à cette licence, mais aussi à ce qui l’a inspiré et sans qui elle n’existerait pas. Ils ont fait le choix de repartir à zéro en explorant les origines de ces jeunes héros là où ils auraient dû reculer encore plus pour loin en amont pour faire référence à Kyōryū Sentai Zyuranger. Il s’agit là d’une source dont le potentiel ne demande qu’à être exploité pour renouveler une image devenue ringarde avec les années.

Le film de Dean Israelite tant à redorer un peu cette image en l’actualisant tout en donnant aux fans ce qu’ils sont en droit d’attendre. Ainsi on évite les clichés en ne donnant pas la couleur noire au black de service même si ce dernier semble déçu par ce choix au détour d’un dialogue. Mais le véritable pari aurait été de donner la couleur rose à un des garçons du groupe. Ce dernier se voit d’ailleurs agrémenter d’un nouveau membre dans une scène post-générique pour annoncer la venue de Tommy. Un nom qui ne parlera qu’aux fans et qui fait allusion au ranger vert sans que l’on ne puisse pour autant l’apercevoir, l’acteur n’ayant visiblement pas encore été casté. Et ne le sera pas pour la suite puisqu’il n’y en aura pas, de suite.

La faute à une mauvaise orientation, trop premier degré par rapport à l’esprit de la série télé. La même année, en 2017 donc, un autre réalisateur avait pourtant réussi à trouver la bonne formule avec Thor Ragnarok. Takia Waitiki avait alors adopté un ton parodique teinté de good vibes pour renouveler les délirantes aventures du dieu du tonnerre de chez Marvel. Pour cela, le cinéaste s’était engouffré dans la voie qu’avait ouvert Les gardiens de la galaxie pour y insuffler une imagerie eighties que ce soit dans les designs, la musique, la typographie du titre,… Tous ces éléments avaient participé à instaurer une ambiance inoubliable. C’était coloré sans être ringard, drôle sans être con, fun sans être débile.

Il y avait là aussi tout un esprit de groupe semblable aux Power Rangers sans compter l’antagoniste principale qu’est Héla et qui ressemble fortement à Rita dans sa volonté de vouloir dominer le monde. De plus, l’usage de la musique iconique I’ve got the power, tube du début des années 90 et déjà présent pour clore le film de 95, aurait eu un véritable parfum de nostalgie en plus d’être un morceau fédérateur. Par ailleurs, cette toute première incursion au cinéma avait eu le mérite de fournir une bande originale avec de grands noms tel que Van Halen, les Red Hot Chili Peppers,… En somme, une playlist aussi éclectique que celle de Peter Quill.

Une bande-son dans la même lignée, ou en tout cas issue des nineties, aurait alors pu contribuer à relancer définitivement la licence. Même le groupe Mettalica a prouvé que le ridicule ne tuait pas en reprenant le thème du générique Go Go Power Rangers. Un cri de ralliement qui aurait eu assurément sa place dans une version plus légère de ce qui nous a été présenté. Malgré tout, cette production n’en reste pas moins bonne dans ce qu’elle propose. Mais pour réussir son comeback, les Rangers de Zordon devront avoir le regard tourné non pas vers l’avenir, mais vers le passé. En espérant que le studio saura en tirer les leçons pour une nouvelle version plus conforme aux fans dont je fais partie. Go! Go!

« POWER RANGERS » WINS!

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