« JUSTICE LEAGUE DARK: APOKOLIPS WAR » VS PROCRASTINATION
Avant même de comprendre que les films animés de chez DC formaient une continuité à part entière, celle-ci venait de prendre fin avec cet Apokolips War. Débuté en 2013 par l’intermédiaire de Flashpoint, c’est donc avec ce quinzième film que se referme tout un arc narratif et pourtant je n’ai pas eu la sensation d’avoir assisté à une conclusion, mais juste à un épisode de plus. À ma décharge, il faut préciser que je n’ai pas vu tous les animés qui composaient ce canon, précisément car j’ignorais que cela faisait partie d’un tout. Mais encore fallait-il s’y retrouver dans les méandres de cette logique interne.
C’est une chose difficile que de s’avouer dépasser pour un fan de longue date de ce type d’univers. Ils sont assurément complexes pour des néophytes, mais pour ma part je nage dedans depuis des dizaines et des dizaines d’années. Depuis que j’ai l’âge de lire en fait. C’est donc d’autant plus rageant de me retrouver dans la position d’une personne à la recherche de repères dans cette chronologie. Pour la première fois, je me suis retrouvé perdu dans ma propre zone de confort et cela m’a fait remettre en question pas mal de mes certitudes sur mes connaissances, aussi inutiles soient-elles, des comics.
Car oui, il faut bien l’avouer, dans la vie de tous les jours cela ne me sert pas à grand-chose. Tout au plus, cela me permet de briller sur mon terrain de prédilection lorsqu’il s’agit de rectifier une erreur dans une discussion. En effet, depuis l’émergence des comic-book movie, nombreux sont ceux qui mélangent les personnages de Marvel et de DC, éternels concurrents. J’aime à me rappeler que j’étais là avant toute cette effervescence autour des films de super-héros et surtout lorsque cette mode a battu son plein avec l’instauration d’une continuité entre chaque film, comme pour une série télé.
J’étais là bien avant tout ça. Petit, je préférais déjà les comics à la bande dessinée franco-belge. Je me suis abreuvé d’images toutes plus héroïques les unes que les autres. Logiquement, je me suis tourné vers les adaptations lives lorsque celles-ci ont commencé à voir le jour, même si elles étaient complètement fauchées et ringardes. J’ai subi les moqueries de regarder ce type de films avant que cela ne devienne quelque chose de mainstream. Au fil du temps, et surtout inconsciemment, je me suis constitué un bagage solide en la matière, non pas parce que je pensais que ça me serait utile plus tard, mais juste par amour du genre.
Désormais, j’ai pris une telle avance dans cette culture geek qu’elle est presque impossible à rattraper tant le système de production a atteint une cadence infernale, que ce soit en comics ou en films et séries télévisées. Et malgré cela, je ne m’explique pas comment j’ai pu passer à côté de cette continuité parmi tant d’autres chez DC. Enfin si, cela s’explique en partie par la multiplication de projets en tout genre qui nécessiterait d’avoir un pouvoir d’omniscience afin de tout découvrir en temps et en heure. C’est néanmoins difficile à digérer lorsqu’on est parvenu à un tel niveau de compréhension entre les références, les easter eggs, les noms d’auteur et d’illustrateurs, les réalisateurs sur les projets…
Cela représente une somme d’informations importantes, mais non négligeables pour comprendre les tenants et aboutissants de ces productions référentielles au possible. Sans compter que les studios acquéreurs n’y mettent pas du leur pour assurer un semblant de cohérence dans cet ensemble. Chez Marvel, la continuité était encore très complexe jusqu’à récemment entre les films faits avant que la maison des idées ne prenne son indépendance pour créer son propre studio, et ceux que l’on peut voir de nos jours.

En parallèle, à l’époque Sony possédait les droits de Spider-Man tandis que la 20th Century Fox avait ceux des X-men et des Quatre fantastiques. Ces films ont donc co-existé pour ce qui devait être un casse-tête pour le grand public qui essayait de s’y retrouver tant bien que mal. Mais depuis la réunification de l’intégralité de ces licences chez Disney, cela a tendance à simplifier la compréhension. Même s’il restera toujours un manque de clarté pour ceux qui souhaiteront se replonger dans ces productions indépendantes de toutes continuités.
C’était des films qui étaient le reflet de leur époque et qu’il fallait voir avec l’actualité du moment pour les appréhender au mieux de ce qu’ils étaient. Et bien que j’ai pu suivre avec assiduité tout ce qui a pu se faire, mes faveurs ont toujours été vers DC Comics. Intégralement détenu par Warner, cela n’a pas rendu pour autant leur gestion du catalogue de personnages plus claire que son rival de toujours. Au contraire, c’est encore plus bordélique. Cette structure n’a pas été capable de gérer et de mener à son terme un semblant d’univers partagé depuis qu’ils ont repris le modèle économique instauré par Kevin Feige dans le camp opposé.
Du moins en apparence, puisque comme je l’ai découvert à mes dépens, une branche du pôle animation a réussi cette prouesse dans la plus totale indifférence. Diviser en plusieurs catégories, là où une seule aurait pu faire l’affaire, elles sont pourtant indissociables les unes des autres à cause d’une charte graphique beaucoup trop similaire. Hérité de l’époque de Batman The animated série, les designs n’ont que très peu changé et très légèrement évolué entre l’établissement de cette base en 1992 et ce que l’on peut voir de nos jours. Je pense que c’est en partie cela qui a dû m’induire en erreur lorsque j’ai appréhendé ce format animé.
Qu’il s’agisse d’une histoire au scénario original ou d’une adaptation d’un comics bien connu, le visuel est quasiment le même d’un film à un autre. S’il y a bien une continuité, pour moi elle était plus graphique que scénaristique. Et pourtant, parmi la trentaine de productions segmentées en différentes parties, il s’en trouve bien une qui s’apparente à un semblant d’univers partagé entre les différents personnages. À l’image de ce qu’a fait Kevin Feige avec Marvel, ces films sont un savant mélange entre des arcs narratifs bien connus des fans tout en prenant des libertés afin de les insérer.
Sachant que celles qui sont des adaptations prennent elles aussi des libertés avec le matériau d’origine, comment les différencier? Plus globalement, si l’on fait un tour d’horizon des films d’animation on remarque un classement de plusieurs groupes parmi lesquels on distingue les adaptations de Frank Miller, ceux mettant en scène la Justice League, le duo Superman & Batman, la continuation des aventures du Batman de 1966, une flopée d’animés considérés comme indépendants et d’autres relevant d’un autre univers, mais mettant en scène le chevalier noir, Green Lantern et bien d’autres.
La catégorie qui nous intéresse ici est connue sous le nom de New 52, qui reprend l’appellation des comics pour définir cette période. Elle met en scène exactement les mêmes personnages cités précédemment avec un visuel assez proche, un doublage commun dans la plupart des cas et des réalisateurs qui vont et viennent entre la continuité et les one shot. De quoi ajouter à la confusion et je ne m’explique pas comment j’ai pu apprécier ce Apokoplips War sans tout le background dont il est censé bénéficier. C’est un peu comme vouloir regarder le Marvel Cinematic Universe uniquement en ayant vu quelques films ça et là avant de s’attaquer aux derniers de la phase 3.
Autant dire que c’est impossible si l’on souhaite apprécier cette saga à sa juste valeur. Les coffrets dvd disponibles à la vente n’ont pas aidé non plus à y voir plus clair puisque la plupart réunissent des films par thématique comme ceux de Batman qui mélangent indifféremment le run de Miller avec la continuité des New 52. Avec autant de fausses pistes, je me demande comment j’ai pu apprécier d’autres films du New 52 (Flashpoint, le fils de Batman, Justice League Dark, Constantine: City of démons et la mort de Superman) sans me douter qu’il y avait eu un avant et un après pour les personnages.
Ma grande connaissance des comics a donc dû grandement être mise à contribution pour combler ces lacunes, je ne vois que cette solution. Je ne dis pas ça sur un ton condescendant, il n’y a vraiment pas de quoi se vanter d’être un expert dans un domaine aussi peu utile au quotidien, mais cette compréhension part d’une démarche sincère. Je dis ça avec infiniment d’humilité, je n’ai pas la prétention de savoir tout sur les comics, mais j’ai toujours eu à coeur de rester informer lorsque je ne pouvais lire ou voir ce qui se produisait. Comme tout le monde j’ai des lacunes, plus ou moins grandes, dans le domaine où j’excelle et celle-ci en est une que j’aimerais bien combler.
J’ai toujours eu à coeur de rattraper mon retard dans cette industrie. Et c’est d’autant plus crucial que les comics d’hier sont adaptés aujourd’hui en film, et les comics actuels seront adaptés dans un avenir proche. Si l’on tient compte de cette donnée, je peux malheureusement en conclure que ces films sont loin d’être accessibles. Leur classement n’est pas assez clair compte tenu de tout ce que j’ai listé un peu plus haut et si je ne me suis pas senti exclu de Apokolips War, je le dois uniquement à mes connaissances en la matière qui m’ont permis d’apprécier un minimum.
Donc de deux choses l’une, soit c’est grâce à mon bagage que j’ai réussi à m’immerger dans ces films en les suivant de manière sporadique et dans le désordre grâce à mes repères, soit ils ont été conçus pour ne pas exclure leurs spectateurs. Stan Lee avait toujours dit que chaque numéro était une porte d’entrée potentielle pour un nouveau lecteur et le MCU semble avoir perdu ce mantra de vu tandis que DC semble s’y conformer dans ses versions animées. Du moins en apparence, ceci étant toujours subjectif selon le spectateur et son expérience des comics.
Loin d’avoir eu l’effet d’annonce dont avait bénéficié le diptyque Infinity War / Endgame, sans oublier Spider-Man Far from home, pour clore en fanfare la phase trois, cette conclusion en reprend tout de même certains éléments clés. Tout comme les frères Russo avaient mis un point final à ce que l’on connait sous le titre de saga de l’infinie, avant un épilogue avec l’homme-araignée, on retrouve aussi à la barre un duo de réalisateur en la personne de Matt Peters et Christina Sotta. Ils illustrent ainsi un scénario écrit par Mairghread Scott et Ernie Altbacker, grandement inspiré par le comics Darkseid War qui lui aussi servait de conclusion au run de Geoff Johns dans les comics.
Blockbuster épique illustré par la fine fleur de DC comics sur plus d’une dizaine de chapitres et des interludes mettant en scène un héros différent, c’est l’un des comics les plus généreux qu’il m’ait été donné de lire. Adapté littéralement cet arc narratif aurait pris autant de temps à l’écran que les Avengers avaient pu en avoir pour subir leur défaite face à Thanos puis prendre leur revanche dans l’opus suivant. On se retrouve donc devant une version extrêmement simplifier tenant sur une heure et demie. Ce qui en fait tout de même le plus long puisque les autres épisodes avaient une durée comprise entre 70 et 80 minutes environ.
Conscients du défi que représente le fait de transposer plus de 400 pages, les scénaristes ont tout de même veillé à boucle la boucle avec Flashpoint. L’histoire débute donc de la même manière que ce dernier avec le mantra cher aux alcooliques anonymes. Cette thématique trouve sa raison d’être grâce à John Constantine qui se place au centre de l’intrigue là où il était complètement absent de la version papier. De quoi rajouter une problématique supplémentaire pour gérer cette adaptation hors normes, mais qui est finalement utilisée pour se démarquer du matériau de base.
L’insertion de cet anti-héros dans l’intrigue provoque donc tout un tas de chamboulement dans le récit d’origine, et ce dès le début. On y voit un Superman arrogant et incitant ses camarades de la Justice League à lancer une offensive sur Apokolips, siège de Darkseid, avant que ce dernier n’en fasse de même. Une réaction loin d’être en accord avec la psychologie de l’homme d’acier et pour cause, cela va conduire à un échec cuisant et à un asservissement de la Terre. Le reste de l’intrigue prend donc place deux ans plus tard dans ce qui ressemble à un futur post-apocalyptique. Ou plutôt post-Apokoliptique.
On découvre donc un monde désespéré en proie à Darkseid qui a laissé la gestion de ses affaires sur Terre à Lex Luthor. Sa némésis, Superman, a payé le prix de son audace en ayant reçu une injection de Kryptonite liquide. Pas suffisamment pour le tuer, mais assez pour le priver de ses pouvoirs. Ça sera tout de même lui qui sera à l’origine de la résistance en venant recruter des membres pour compléter ses rangs, à commencer par Constantine. Ce dernier s’est réfugié dans l’alcool, aux côtés du démon Etrigan, depuis qu’il a perdu Zatanna avec qui il entretenait une relation. Celle-ci ayant pris fin lorsque la magicienne s’est retrouvée acculer par une horde d’ennemis tandis que son amant prenait la fuite.
Une décision qui le hante et qu’il tente d’oublier verre après verre avant qu’il ne vienne grossir les rangs de la résistance. Non sans une certaine rancoeur envers Superman pour avoir entrepris une telle attaque deux ans auparavant et sans laquelle sa dulcinée serait toujours en vie. C’est donc sur cette dynamique que le récit se déroule et d’autres personnages vont venir compléter ce casting avec notamment Harley Quinn à la tête de la Suicide Squad. Cela va amener les alliances les plus éclectiques en termes de team up avec entre autres Shazam, Batgirl, Swamp thing, Black manta, Captain boomerang, King Shark ou encore Bane.
Et lorsque des héros et leurs ennemis doivent s’unir contre une menace commune, il n’y a rien de mieux pour illustrer une situation chaotique. On a vraiment l’impression d’être dans une réalité alternative telle que celle qui nous a été donnée de voir dans Flashpoint. Sauf qu’ici il n’y a pas de Batman violent incarné par Thomas Wayne. Son fils ne l’est pas non plus d’ailleurs, ou plutôt pas du côté des gentils. Lui aussi a eu à subir la colère de Darkseid qui l’a mis à son service en le fixant sur le fauteuil volant de Moebius, comme dans le comics. À ceci prêt qu’il porte un costume à dominante rouge (donnant un look plus proche de Batman Beyond) et non le bleu assimilé au dieu de la connaissance qu’il est censé être devenu.
Une variante qu’il n’est pas le seul à subir puisque Superman se voit lui aussi appliquer ce principe, mais d’une manière opposée. En effet, Darkseid War voyait son ennemi de toujours, Lex Luthor, devenir le nouveau Superman grâce à une armure. Là, c’est l’inverse qui se produit puisque c’est l’homme d’acier qui devient une sorte de version de Luthor en prenant place dans l’armure iconique du chauve milliardaire. On distingue donc des traces de la version papier sans pour autant suivre à la lettre cette source d’inspiration. Pour le coup, l’intrigue prend tellement de libertés que l’on se retrouve presque devant une histoire inédite. C’est familier tout en étant surprenant dans son émancipation.
Tous les délires semblent permis pour ce baroud d’honneur en allant jusqu’à faire de Superman une simple enveloppe corporelle à l’usage de Néron lors d’un ultime affrontement. Car oui, la maitrise des sciences occultes de Constantine entraine dans son sillage des personnages appartenant au domaine du surnaturel comme Raven. L’introduction de cette sorcière est loin d’être subtile puisque dès le début on peut la voir lutter contre ses démons intérieurs et notamment un en particulier qui se trouve être le diable: Néron, son père. Dès lors, on sait que celui-ci aura un impact sur le reste de l’histoire au point de servir de deus ex machina lorsque viendra le moment fatidique.
D’autres associations tout aussi improbables sont présentes dans le camp opposé avec des Paradémons mélangés au design de Doomsday. Un mixe qui fait parfois mal aux yeux lorsqu’ils se mettent en mouvement grâce à la 3D. C’est loin d’être réussi, mais ça a le mérite de tenter quelque chose de différent. Dans le même registre on découvre ce que sont devenu Wonder Woman, Martian Manhunter, Méra et Hawkman après le raid sur Apokolips. Devenu les nouvelles furies du maitre des lieux, chacun d’entre eux a perdu de son intégrité pour devenir à moitié machine pour un résultat assez proche de ce que l’on peut voir dans le comics Futures Ends.
Cyborg étant quant à lui déjà un mélange de chair et de technologie, il s’est vu démantelé pour devenir la paroi source. Une appellation qui n’est pas sans rappeler le mur source, sorte de barrière cosmique qui délimite les frontières de l’univers DC. À ce propos, l’histoire se permet d’ailleurs un détour en allant faire un saut sur OA pour assister à la fin des Green Lanterns. John Stewart et ses collègues subissent alors un massacre en règle par le tyran Darkseid à tel point que l’on se croirait dans Injustice. C’est violent, parfois gore, et en cela c’est très proche de l’adaptation de Flashpoint qui était déjà surprenant sur cet aspect.
Et tout comme ce dernier, ces mises à mort de héros emblématiques trouvent leur raison d’être dans le fait que cette timeline soit vouée à disparaitre grâce à Flash et sa maitrise du temps pour le modifier. Sa capture par Darkseid pour courir éternellement sur un tapis roulant en guise de châtiment fait de lui la personne à délivrer pour espérer un retour à la normale. Cette utilisation du voyage dans le temps rappel bien évidemment le diptyque que composent Infinity War et Endgame, tout comme on retrouve une planète où la moitié de la population est morte suite à l’invasion par les armées d’Apokolips.
Mais les deux éditeurs de comics que sont DC et Marvel n’ont jamais cessé de se copier l’un l’autre, il est donc tout à fait normal de retrouver ce type d’éléments clés en guise d’exemple à suivre. C’est donc tout un pan de cette mythologie si riche qui se retrouve citer et qui passera inaperçu pour les néophytes. Reste à savoir si cela leur donnera envie de s’y intéresser plus en profondeur ou s’ils resteront dans cette incompréhension. Pour ma part, ce fut un véritable plaisir de retrouver cet univers complexe ainsi que les libertés qui y ont été prises afin d’éviter l’ennui de voir juste une storyline de comics en version animée.
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