
« UNDERWORLD » VS PROCRASTINATION
La fin des années 90 aura vu l’émergence d’une trinité cinématographique qui allait façonner les années 2000: Dark City, Blade et Matrix. Réalisé respectivement par Alex Proyas, Steven Norringthon et les Wachowski, du temps où ils étaient encore des frères, chacun de ces films est porteur d’un esprit et d’une imagerie que l’on retrouvera par la suite dans de nombreuses autres productions. À des degrés divers, on retrouve cette paranoïa vis-à-vis d’un monde co-existant en parallèle du notre, que ce soit avec des extraterrestres cherchant à percer les secrets de l’âme, des vampires traitant les humains comme du bétail et enfin des machines qui ont réduit la population en esclavage grâce à une réalité virtuelle.
Au premier abord, outre cette thématique conspirationniste, ils n’ont rien en commun si ce n’est d’avoir vu le jour à peu près à la même période. Pourtant lorsque l’on regarde de plus près, on peut y voir une atmosphère similaire, une noirceur dans l’image, l’exécution de prouesses surhumaines, des silhouettes faites de longs manteaux, des balles au ralenti, un personnage central vu comme une anomalie… Ces éléments, depuis devenus des clichés ambulants, bénéficient d’une mise en avant grâce aux références de leurs auteurs. Alex Proyas cite alors allègrement Metropolis à tout bout de champ ainsi que Akira dans son climax, un grand écart culturel en guise de pont que Stephen Norrigthon va également traverser.

En tant qu’adaptation d’un comics de la maison des idées, l’esprit des bandes-dessinées Marvel plane sur le premier film du Daywalker. La génération PlayStation y est également représentée et plus précisément les jeux de baston comme Tekken. Toutes ces références, allant du comics à l’animation japonaise en passant par le jeu vidéo, sont considérées comme de la sous-culture à l’époque, mais Matrix va se charger de leur donner toute la légitimité qu’elle mérite enfin. À son tour, ce film-somme s’inspirera d’oeuvres aussi diverse que Ghost in the shell et Alice au pays des merveilles pour ensuite évoquer les films de John Woo. Une parfaite fusion de différents médias sans pour autant que cela ne soit le fruit d’une réflexion entre ces artistes.
C’est comme si cette idée de mixer différentes influences entre elles était dans l’air du temps. Un courant artistique qui a traversé ces réalisateurs puisque ce trio de films ne résulte en aucun cas de l’imitation d’une oeuvre précédente pour s’approprier une recette qui fonctionne auprès des spectateurs. Et à ce petit jeu, un seul en sortira vainqueur. Sortis en 1998, Dark City et Blade n’ont été que des succès modestes au Box Office, même s’ils font état de qualités évidentes auprès de la critique. Deux longs-métrages éclipsés par Matrix, et pour trois histoires où le soleil a son importance d’une manière ou d’une autre, c’est plutôt approprié.
Pour le public, c’est donc surtout le succès de Matrix en 1999 qui retiendra leur attention. Sorte de combinaison entre l’action débridée de Blade et la perte de repères engendrée par Dark City, les Wachowski livrent un pur chef d’oeuvre. Le début des années 2000 verra donc arriver sur les écrans toute une vague de films reprenant à leur compte ces idées, qu’elles soient visuelles, thématiques, musicales,… Matrix est alors complètement vidé de sa substance, décortiqué et disséqué pour permettre aux studios de surfer sur cette mode. En ce temps-là, les producteurs n’ont alors rien à envier aux Étrangers qui rôdent dans le monde de Dark City. Faisant des expériences sur le public, des mélanges de leur gout afin de trouver ce qui fait l’âme de Matrix.
Comme John Murdock le fait remarquer à l’un des Étrangers après leur défaite, il est très tentant de leur dire qu’ils n’ont pas regardé au bon endroit. Matrix a beau être un film cérébral, ce qui fait son individualité ne se trouve pas dans son contenu intellectuel, mais dans son coeur. Ainsi beaucoup de films seront taxés d’être des sous-Matrix, à raison pour certains, quand d’autres, pris dans la mêlée, ont pour référence un modèle antérieur à celui-ci. C’est le cas de Underworld qui souffre depuis de cette réputation alors qu’il est allé puiser son inspiration directement à la source de l’un de ces pères fondateurs: Blade. Au delà d’être aussi une histoire de vampire, c’est l’un de ses descendants les plus légitimes.
Afin de mieux s’en rendre compte, il faut donc aller voir du côté de ce qui compose son ADN filmique. Et pour se faire, rien de mieux que d’utiliser la mythologie de Underworld à titre d’exemple. Dans celle-ci, qui sert de toile de fond au récit, il est question d’Alexander Corvinus qui eut trois enfants. L’un se fit mordre par une chauve-souris et devint un vampire, un autre par un loup et se transforma en Lycan tandis que le dernier s’engagea sur la voie de la mortalité. C’est les descendants de ce dernier dont sont à la recherche les loups-garous afin d’avoir une chance de mélanger les deux espèces en une seule. Michael Corvin fait partie de cette lignée et dans son sang réside la clé d’un être hybride ayant les propriétés des deux races ennemies.
Et bien il en est de même pour Underworld qui n’a rien d’un enfant illégitime de Matrix, mais plutôt un frère de ce dernier. Tout comme le film révolutionnaire des frères Wachowski l’a été avant lui, Underworld est né de l’union de Blade et de Dark City. C’est d’autant plus flagrant que ces derniers disposent du même scénariste en la personne de David S. Goyer. C’est lui l’ancêtre qu’ils ont en commun et l’on retrouve son style dans le scénario signé par Len Wiseman, Kevin Grevioux et Danny McBride. En partant de ce postulat reposant sur des bases scientifiques, ils font entrer ces créatures fantastiques dans le domaine de la science-fiction. Tout en gardant leurs distances avec celle de la matrice.
Matrix n’a pas eu la primeur de montrer l’iconographie d’un héros vêtu d’un imperméable en cuir et lunette de soleil sur fond de musique techno. Pas plus que le saut d’un immeuble à un autre ou de filmer les balles au ralenti tandis qu’un personnage les esquives de justesse. Idem pour les combats câblés et chorégraphiés, tout ceci était déjà visible dans Blade premier du nom. Pour autant, ce genre d’effet nécessite du temps et ne peut s’improviser sur le plateau après avoir regardé ce qui se faisait chez la concurrence. À quelques mois d’intervalle, cela n’enlève rien au bond technologique qu’a offert Matrix à l’industrie. Tout ceci participe à un effet de synchronicité dont Dark City a fait lui aussi partie et dont on peut voir là encore des éléments repris dans Underworld.
Particulièrement orienté sur la mémoire qui est malmenée par les Étrangers, on retrouve également cette thématique par l’intermédiaire du sang. En effet, après en avoir consommé, un vampire a ainsi accès aux souvenirs de celui qui a été mordu. Une manière de légitimer les flashbacks dans la narration sans que cela ne fasse irruption de manière intrusive dans le montage. Ensuite, les seringues ne sont peut-être pas plantées dans la tête pour y inséminer une nouvelle personnalité, mais elles sont tout de même pas mal utilisées par le scientifique des Lycans afin de trouver le descendant de Corvinus. Cet ustensile médical symbolisait à lui tout seul l’essence même de Dark City et le retrouver ici n’a donc rien de surprenant.
Quoi qu’il en soit, cette piqure de rappel était donc nécessaire afin d’enlever à Underworld cette image d’ersatz de Matrix qui lui colle à la peau. Pourtant, dès la scène d’introduction, il est difficile de dire le contraire. Prenant place dans une station de métro pour se livrer à une fusillade inter-espèce, ce même lieu avait été utilisé pour le dernier affrontement entre Néo et l’agent Smith. De plus, cette façon que Selene a de se cacher derrière les piliers pour se protéger des tirs évoque directement la scène du building où l’élu était venu sauver Morpheus. Pourtant la source d’inspiration y est citée ouvertement si l’on passe en version originale. En effet, avant d’ouvrir le feu, le lycan sur place prévient ses congénères que des vampires se trouvent dans les parages en hurlant le mot « blood! ».
Il s’agit là du titre d’un moyen métrage d’animation mettant en scène une jeune vampire, en apparence, qui tue ceux de son espèce pour le compte du gouvernement. On retrouve un peu de Selene dans le comportement de celle qui se nomme ici Saya et que l’on découvre dans le métro tandis qu’elle attaque sa proie. Même si cette dernière n’utilise jamais d’armes à feu, on peut y voir le même comportement ainsi qu’une manie à s’attaquer à des ennemis qui dépasse de loin son gabarit. Par ailleurs, la saga Underworld enrichira son univers par le biais d’épisodes animés dans le même style de japanimation avec Endless War en 2011.
Alors évidemment on peut aussi y reconnaitre Trinity dans cette figure d’une femme forte, toute de cuir vêtue, à la recherche d’un élu. Sauf qu’une fois qu’elle sera parvenue à mettre la main dessus, ça ne sera pas pour rester dans l’ombre de ce dernier. Au contraire, Michael Corvin sera relégué au rang de love interest tandis qu’elle poursuivra sa quête de vérité pour mettre à jour cette conspiration. Et dans son maniement des gros calibres, elle ne sera pas affublée de lunettes de soleil (pourtant utile pour une vampire, mais le film se passant intégralement de nuit comme Dark City…) pour la simple et bonne raison qu’elles ne sont là que pour dissimuler le fait que l’acteur cligne des yeux à chaque détonation.
Une remarque pertinente de la part de Len Wiseman, le réalisateur, tandis qu’il dirigeait son actrice. Pas de lunettes noires donc, mais des lentilles de contact qui lui donne un regard acéré et profère un caractère beaucoup plus affirmé à son personnage de Death Dealer (en version originale) lors des échanges de coups de feu. À l’autre bout de sa ligne de mire se trouvent donc des loups-garous qui par certains moments peuvent faire penser à des agents de la matrice lorsqu’ils se font passer pour des représentants de l’ordre. Il faut plus y voir là une référence à l’univers du Daywalker et à sa mythologie mettant en scène des adeptes qui ont infiltré notre société pour mieux la contrôler.
C’est d’ailleurs sous l’apparence de policiers que les lycans récupéreront l’adresse de Michael Corvin par l’intermédiaire de l’un de ses collègues qui bosse à l’hôpital. L’occasion de voir Wentworth Miller dans un tout petit rôle, mais surtout d’assister à une transition entre un ordinateur et le numéro de la porte de son logement. C’est là que l’on retrouvera véritablement l’esprit de Matrix, derrière cet enchainement, mais surtout avec le sound design lancinant que l’on croirait tout droit tiré dudit film. C’est tout ce que l’on retrouvera de l’oeuvre des Wachowski, ou en tout cas ce qui peut y faire penser, avant qu’eux-mêmes ne se décident à inclure cet aspect horrifique dans Matrix Reloaded.
Dans un premier temps, c’est l’Oracle qui dit à Néo que les légendes à propos d’événements surnaturels tels que des vampires, des loups-garous ou encore les extraterrestres, ne sont que des programmes piratant des programmes. Par la suite, c’est par l’intermédiaire de Persephone, la femme du Mérovingien, que l’on rencontrera deux lycans sous leur forme humaine. Elle les présente alors comme étant issus d’une ancienne version de la matrice et mis de coté car ils créaient plus de problèmes qu’ils n’en résolvaient. Partant de ce postulat, on pourrait alors créer un lien entre les deux franchises et faire de Underworld une ancienne version de ce programme virtuel. Sans compter qu’ils sont sortis tous deux en 2003.

Mais les Wachowski ne s’aventureront pas en dehors de leur univers cyberpunk, leur récit étant déjà suffisamment riche comme ça. Ainsi ce personnage, incarné par Monica Belluci, révélera qu’ils sont notoirement difficiles à tuer sauf si l’on dispose d’une balle en argent, chose qu’elle possède. Même si cela a l’effet escompté dans ce deuxième opus, cet élément issu du folklore lycanthrope est mis à rude épreuve dans Underworld. En effet, même en criblant de balles ces créatures canines, il est bien difficile d’en venir à bout. Notamment Lucian, chef des Lycans, qui arrive à extraire les projectiles rien qu’en contractant les muscles de son corps.
De quoi renouveler cette figure mythologique que l’on connait tous à travers les différents films qui l’ont mis à l’honneur. Et si l’on rajoute à cela qu’ils n’ont plus besoin de la pleine lune pour se transformer, cela en fait de redoutables ennemis à ne pas sous-estimer. Chose que les suceurs de sang ont tendance à prendre pour acquis depuis qu’une guerre ancestrale a réduit le nombre de leur opposant et fait passer pour mort leur leader. Derrière cette traitrise se trouve Kraven, un vampire de connivence avec Lucian afin de prendre le pouvoir sur son clan. L’intrigue est donc motivée par des jeux de pouvoir ce qui n’est pas sans rappeler le jeu de rôle Vampire: la mascarade.
Une action en justice sera d’ailleurs intentée contre la production jusqu’à ce que cette affaire se règle à l’amiable. Il n’en sera pas de même dans la fiction puisque les deux camps vont user de bien des subterfuges pour détruire leurs rivaux. Ainsi, en réponse aux balles ultra-violets réduisant en cendre les saigneurs, ces derniers useront de balles dont l’argent liquide se répandra dans les veines de leurs ennemis. Et si le manque de munitions vient à manquer, Selene dispose aussi de shurikens qui ne sont pas sans rappeler les racines asiatiques que l’on peut voir dans Blade à travers sa lame boomerang.
Et tout comme ce personnage de seconde zone de chez Marvel, et plus encore avec son deuxième opus signé Guillermo Del Toro, les vampires trouvent une origine génétique et non fantastique. Le moindre de leurs aspects se justifie par une explication scientifique, toutes proportions gardées, et il en est de même pour les Lycans puisque les deux espèces partagent une genèse commune. De quoi renouveler un genre surexploité depuis des décennies et dont l’image commençait à devenir vieillotte. Ce n’est pas pour autant que les vampires bénéficient d’un look plus actuel tant on les croirait sorties tout droit d’un roman de Anne Rice, contrairement aux loups-garous qui eux bénéficient d’un ravalement de façade.
Plus proches du félin, ils se distinguent largement de ce qui a pu être fait jusque là dans ce domaine. Pas de touffes de poils donc, mais un physique élancé pour une combinaison entre de l’animatronique pour le visage, un costume pour le corps, des échasses pour donner de la hauteur et l’ajout de quelques CGI dans les plans larges. Ainsi, il y a une véritable présence sur le plateau et cela s’en ressent à l’écran. On ne peut malheureusement pas en dire autant de l’hybride de ces deux espèces. Là où parfois les lycans donnaient l’impression de voir une version live de la série animée Gargoyles, il aurait peut-être été pertinent d’aller dans cette direction pour ce mixte.
Prévue à la base pour être une sorte de chat humain, la production optera finalement pour un être couleur ébène et une texture proche d’une peau d’éléphant. Coïncidence, quelques mois plus tard sortira le crossover Aliens Vs Predator qui lui aussi offrira un hybride, à l’état d’embryon, et que l’on verra plus en détail dans la suite sans pour autant qu’il ne soit plus inspiré en termes de design. Heureusement, la mise en scène arrive à lui conférer une certaine aura lors du combat qui l’oppose à Victor, l’un des ainés. Grâce à une simple astuce de raccord au montage et de changements de personnages dans le cadre, Michael dispose d’une vitesse hors du commun sans passé par l’habituel effet de flou pour signifier cette aptitude surnaturelle.
Ainsi, Michael passe d’un endroit à un autre comme s’il était doué de téléportation pour un affrontement qui rappelle parfois Dragon Ball Z dans sa gestion de l’espace. Le metteur en scène Len Wiseman suggère donc plus qu’il ne montre en raison d’un budget modeste dont il a tout de même réussi à tirer le meilleur grâce à son expérience. Car cela a beau être son premier film en tant que réalisateur, ce n’est pas le premier sur lequel il travaille. Loin d’être étranger aux blockbusters, Wiseman a commencé sa carrière en travaillant sur les décors et les accessoires de rien de moins que Stargate, Independance Day et Godzilla.
Tous trois réalisés par Roland Emmerich, on voit déjà là une certaine attirance pour le genre fantastique qui se confirma avec son implication sur Men in black de Barry Sonnenfeld. C’est suite à cette dernière expérience qu’il se décidera enfin à passer derrière la caméra pour mettre en scène cette lutte ancestrale. Pour autant, la somme qui lui sera allouée pour matérialiser sa vision n’aura rien d’aussi démesuré que les superproductions sur lesquelles il s’est formé avec seulement 22 millions de dollars. Une enveloppe loin d’être confortable pour mettre en image des affrontements dignes de ce nom entre deux races visuellement très exigeantes, mais c’est une contrainte qui le pousse à redoubler d’imagination.
Les effets physiques sur le plateau sont alors privilégiés et le recours au système D est assez courant, littéralement: un long tapis est installé derrière une voiture ce qui permet au comédien Michael Sheen de courir derrière tandis que celle-ci essaye de le semer. Faute de pouvoir y arriver, la voiture freinera brutalement pour se débarrasser de ce passager clandestin sur le toit avant de le percuter. Cela a pour effet de lui faire faire un vol plané tandis que la voiture s’échappe. Une chose rendue possible par l’assemblage de deux plans: l’un avec la voiture en vue zénithale tandis que l’autre ne contient que le personnage de Lucian en train de faire des cabrioles sur un trampoline pour simuler le choc.
Visuellement, cela donne des plans impactants et malgré le peu de moyens à disposition, on retrouve tout de même une quantité non négligeable de money shot, visible pour la plupart dans le trailer. Des gimmicks qui seront repris d’une manière ou d’une autre dans les suites comme le saut du haut d’un clocher qui ouvre le film (avec toujours autant de mal dans les réceptions), les coups de feu dans le plancher afin de se trouver une échappatoire à l’étage en dessous,… Tous les plans sont pensés pour iconiser le personnage de Selene tout comme on sent que Len Wiseman filme sa comédienne avec amour, et pour cause.
Une romance, dans la lignée de Roméo et Juliette, a beau être au centre de l’intrigue, celle-ci semble avoir déteint dans les coulisses de cette production. Et comme pour l’idylle entre Selene et Michael, c’était loin d’être gagné pour ce nouveau couple qui allait se former hors champ. En effet, les sentiments de Kate Beckinsale seront mis à contribution à la fois pour nourrir son personnage, mais aussi, et à sa grande surprise, envers le réalisateur. Une situation qui n’aurait pas été aussi conflictuelle si son mari Michael Sheen ne participait pas lui aussi au tournage dans le rôle de Lucian.
Que ce soit pour passer plus de temps ensemble ou pour tenter de ressouder leur couple, participer au même film était donc loin d’être une bonne idée. Sans compter qu’à la base, l’actrice principale, qui s’était fait connaitre grâce à Pearl Harbor, avait refusé le role car celui-ci était trop éloigné de ce qu’elle faisait habituellement. Mais les personnages de femmes fortes étant rares dans le paysage cinématographique, elle s’est tout de même laissée séduire par les concepts art la mettant en scène face à des hordes de Lycans. Un coup de coeur artistique qui se transformera en coup de foudre pour l’artiste derrière ces illustrations et qui signera la fin de son couple.
Un divorce à la clé d’un côté et la préparation de fiançailles de l’autre, cela a dû être une situation difficile à gérer sur le tournage lorsqu’il a fallu diriger les comédiens pour obtenir le meilleur d’eux-mêmes. Heureusement, Kate Beckinsale et Michael Sheen ne partagent que très peu de scène ensemble, ou peut-être que celles-ci se sont vues réduites par Len Wiseman compte tenu de la situation. Au centre de ce triangle amoureux se trouve Scott Speedman et peut être vu comme l’alter ego fictif du réalisateur. Son personnage, mordu à la fois par Lucian et par Selene, fait de lui un être tiraillé entre ces deux espèces, mais aussi une nouvelle dans son genre.
Dans l’industrie, cela se traduira par une recrudescence de films de vampire et de loup-garou, et plus globalement des productions usant de cette opposition entre deux forces. Ainsi, outre Underworld 2: évolution et Blade 2, on retrouvera à l’écran Nightwatch et Daywatch du cinéaste Timur Beckmanbetov. Ce diptyque voit se confronter des vampires contre des sorciers le tout dans un cadre rappelant l’Europe de l’est de Underworld. Logique pour des films originaires de Russie dont est originaire ce réalisateur et qui persistera dans ce créneau horrifique, pour sa carrière hollywoodienne, avec Abraham Lincoln: chasseur de vampires.
Bien d’autres comme Van Helsing profiteront dans cet engouement du public pour proposer une version différente de ce crossover et avec encore Kate Beckinsale au centre. Preuve en est que même si le film de Len Wiseman doit énormément de choses à Blade, il a su créer un univers suffisamment singulier pour que d’autres lui emboitent le pas à leur tour. Même si cela s’est parfois fait au détriment de sa propre image. En effet, la saga Twilight et sa niaiserie ambulante ont largement contribué à ternir la réputation de Underworld en assimilant les deux sous prétexte que les deux licences mettaient en confrontation les mêmes races.
Les thématiques de l’amour et de la mort ayant toujours été mêlées sous couvert de romantisme suicidaire, cet effet sera amplifié par les groupes de rock du moment qui récupéreront cette esthétique à la The Crow dans leurs clips. Musique commerciale à destination des ados prépubères, cette étiquette collera au film de Len Wiseman, mais quelque part, ce sont un peu ses débuts qui reviennent le hanter. Comme tout jeune metteur en scène désireux de faire ses armes avant de s’attaquer à un long-métrage, il aura fait ses débuts derrière la caméra en réalisant des vidéoclips pour des groupes de métal tels que Megadeth ou Static-X.
Le cinéaste ne reniera pas pour autant cette partie de sa carrière puisqu’il fera usage d’un morceau assez énervé lors d’une scène. Composée de riffs de guitare, pour couvrir les hurlements de douleur de Michael qui se métamorphose pour la première fois en loup-garou, cette bande sonore sera intégrée à la séquence par le biais de la radio d’une voiture. Le son y est donc intradiégétique tout comme la caméra qui s’immiscera dans les entrailles du personnage pour constater les changements qui s’opèrent en lui. Malheureusement, ce n’est pas ce que retiendront des groupes comme Evanescence auquel Underworld restera assimiler.
Tellement que le groupe participera à la bande originale du quatrième opus lorsque celui-ci succombera à la Twilight mania contre laquelle il luttait. Ainsi Len Wiseman paye le prix de son classement PG13, épargnant nos rétines de la moindre effusion de sang pour contenter le tout public. Trop propre sur lui pour être pris au sérieux par les aficionados de films d’horreur pour qui un tel sujet mérite un traitement non-censuré. Quoi qu’on en dise, Underworld a participé au regain d’intérêt de ces deux monstres du cinéma en dépoussiérant leurs images pour les remettre au gout du jour. Ce premier film a donc perpétué l’héritage de Blade, et non de Matrix, pour créer sa propre lignée.
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