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« Uncharted 4: A Thief’s End » de Naughty Dog

« UNCHARTED 4: A THIEF’S END » VS PROCRASTINATION

La légende raconte qu’avant d’accepter la réalisation d’une quatrième aventure d’Indiana Jones, Steven Spielberg tenait un crâne de cristal dans la main et s’est demandé: être ou ne pas être? Finalement, l’histoire a montré que ce dernier volet en date existe bel et bien, même si les fans font leur possible pour nier son existence. Une mauvaise réputation, pour ma part injustifiée, qui n’impactera pas les sources d’inspirations qui se réclament du célèbre archéologue campé par Harrison Ford. Même s’il n’a pas de chapeau ni de lasso, Nathan Drake arrive en tête en tant qu’héritier légitime. 

En tout cas, bien plus que son rejeton Henry « Mutt » Williams sous les traits de Shia LaBeouf. Une succession qui vaut aussi pour Uncharted 4 en nous présentant un frère à Nate dont on ignorait l’existence jusque là. Mais même en introduisant Samuel Drake, ce dernier ne vole pas pour autant la vedette à celui qui a donné ses lettres de noblesse à la franchise de Naughty Dog. C’est en restant centré sur son personnage principal que ce quatrième opus réussit là où celui d’Indiana Jones a échoué. Plus que cette notion d’héritage, faire un quatrième volet est un véritable défi aux règles de la narration. 

Début, milieu, fin. Acte 1, 2 et 3. Une structure qui a fait ses preuves depuis bien longtemps et à laquelle le public s’est depuis habitué. Cela s’est même étendu au format de trilogie pour bien des oeuvres qui ont ressenti le besoin de s’étaler sur plusieurs parties. Que ce soit pour des raisons artistiques ou mercantiles, c’est devenu une norme que le terme de quadrilogie a encore bien du mal à concurrencer. Pour franchir ce cap symbolique, il existe deux raisons. La première est de ne pas avoir laissé une bonne impression avec un troisième volet loin d’être satisfaisant pour une partie du public. 

Sam Raimi y a songé en mettant en chantier un Spider-Man 4 avant d’être annulé pour cause de reboot. À l’inverse, il y a ceux qui ont conclu en beauté l’arc narratif de leurs personnages, mais décident de rempiler pour un nouveau tour de piste. C’est ainsi que les artistes du studio Pixar ont entrepris de doubler leur mise, au risque de décevoir après un Toy Story 3 intense en émotions. Le coffre à jouets a donc été réouvert pour Toy Story 4 et cela fonctionne toujours aussi bien, malgré un passage de relais moins évident qu’avec Andy pour le nostalgique que je suis. Le défi était au moins aussi grand à relever après Uncharted 3: Drake’s deception, qui était loin d’en avoir été une, de déception. 

Au contraire, ce troisième volet était une apothéose insurpassable, que ce soit par un autre studio ou par sa propre équipe de développement. Tout y était démesuré tout en s’inscrivant dans la lignée de ce qui avait été fait. Mais c’était sans compter sur la nouvelle génération de console. Ainsi, tout comme il avait accompagné la Playstation 3 à sa sortie puis tout au long de son règne, Uncharted 4 en fait de même avec la PS4. Cette exclusivité Sony n’a pas pour autant été annonciatrice d’une nouvelle trilogie. Au contraire, son sous-titre, Thief’s end, sous-entend quelque chose de définitif. 

Tel l’aventurier qu’il est, Nathan Drake ne tombe pas dans le piège du retour servant de prétexte à entamer un nouveau triptyque. Toutefois, cela reste la norme afin de ne pas désorienter un public qui fonctionne par trio. Le souci, c’est que les responsables derrière ces productions, peu importe le médium, ont déjà planifié l’engouement de consommateurs qui se lassent très vite. Voilà pourquoi d’innombrables films sont classés sans suite comme Terminator Renaissance par exemple. Peu importe la licence, terminer sa trilogie avec succès est toujours tentant de vouloir en donner plus. 

Pour éviter cet écueil, il faut alors se tourner vers la seconde raison justifiant un énième retour. Plus facilement accepté par le public, il s’agit des oeuvres qui se suffisent à elles-mêmes. Mis à part quelques références aux opus précédents, leurs histoires sont autocontenues. Mad Max: Fury road fait partie de cette catégorie. Il suffit d’un minimum de contexte pour pouvoir rentrer dans ce récit, même sans avoir suivi les trois premiers. Une formule qui permet d’embrayer sur un cinquième, un sixième volet et ainsi de suite tant que le spectateur en redemande. 

Cela évite les déconvenues pour le spectateur si le box-office n’est pas au rendez-vous et force la production à ne pas donner suite. Rien n’est teasé pour une éventuelle séquelle, ce qui nous épargne la sensation de n’avoir vu qu’un tiers d’une histoire. Avec un tel constat, il serait tentant de dire qu’il est quasiment mission impossible de faire un quatrième opus réussit. D’ailleurs, la franchise de Tom Cruise s’est prêtée à l’exercice avec succès. Après des volets numérotés, abandonnés au profit d’un sous-titre, Ghost Protocol applique à la lettre la même formule depuis le début: un épisode pour une mission. 

C’est ce qui permettra à la franchise de perdurer. Une réussite amenant à Rogue nation, Fallout… et dont s’inspire fortement Uncharted 4. C’est simple, si avant Nathan Drake avait des airs de Nathan Fillon, maintenant il partage également des traits communs avec Tom Cruise. La ressemblance ne s’arrête pas là puisque notre aventurier emprunte un parcours similaire à celui d’Ethan Hunt dans le troisième volet réalisé par JJ Abrams. Drake a décidé de se ranger et vit désormais avec Elena Fisher dans une maison que l’on peut explorer à notre guise.

Et histoire de pimenter ce quotidien tout ce qu’il y a de plus normal, il nous est même donné l’opportunité de jouer à Crash Bandicoot. Une mise en abime qui indique que le marsupial cartoonesque n’évolue pas dans le même univers, pour ceux qui en doutaient encore. Idem pour ceux qui doutaient que rien ne pourrait sortir Nathan de sa retraite. Il trouve assez vite une bonne raison pour repartir à l’aventure, motivé par le retour de son frère qu’il croyait mort. D’abord présenté dans un flashback du temps où ils étaient gosses, et déjà casse-cou, on les retrouve dans la cour d’une prison.

Ambiance Prison Break garantie pour cet événement antérieur à Drake’s fortune. Infiltrés de leur plein gré, cette référence télévisuelle en devient logique pour cette série qui met en scène deux frères dans un univers carcéral. C’est là-bas que Samuel sera laissé pour mort tandis que Drake poursuivra sa route dans les aventures que l’on connait et qui nous sont résumées à l’occasion d’un générique. Une première pour cette saga et qui évoque forcément James Bond, sauf que ces images ne nous spoileront pas la suite des festivités.

Au contraire, ce générique emprunte à celui des Spider-Man de Sam Raimi qui se proposait déjà de faire le point sur les précédents épisodes avant de poursuivre son intrigue. Celle d’Uncharted 4 a changé en cours de route puisque même s’il s’agit de la même équipe de développeurs, Amy Hennig manque à l’appel. On dit que derrière chaque grand homme se cache une femme d’exception et bien pour Nathan Drake, c’est elle. Désignée comme l’une des femmes les plus influentes dans l’univers du jeu vidéo, Hennig a donné vie à cet aventurier à travers les trois premiers opus d’Uncharted.

Par le passé, elle a oeuvré sur des titres comme Blood Omen ou encore Legacy Of Kain avant d’arriver chez Naughty Dog avec Jak and Daxter. Remerciée en plein développement d’Uncharted 4 pour céder sa place au profit des créateurs de The Last of us, son absence n’augurait rien de bon. Il est toujours mal vu de voir un créateur dépossédé de sa création pour être récupéré par une autre personne. Néanmoins, même si Uncharted ne se joue qu’en solo, le jeu vidéo est le fruit d’un effort collectif et les deux nouvelles têtes pensantes avaient déjà collaboré aux précédents opus.

Neil Druckmann et Bruce Straley sont donc familiers de la franchise et arrivent à insuffler un vent de renouveau dans une mécanique qui semblait à bout de souffle. Pas de quoi réinventer la roue, même si les séquences en véhicules bénéficient d’une maniabilité proche de la perfection, mais le personnage voit ses capacités décuplées. Désormais, il est possible d’utiliser un lasso pour se balancer d’un endroit à un autre, se cacher dans les hautes herbes, s’agripper à une paroi et l’escalader grâce à un pic, glisser le long d’une pente… Des compétences qui ont depuis été récupérées par le reboot de Tomb Raider.

Au fil de l’aventure, notre propre Lara Croft, en la personne d’Elena Fisher, viendra sur le terrain pour prêter main-forte à son mari. Non sans le confronter au mensonge qui lui a servi de prétexte pour partir à la recherche du trésor du pirate Henry Avery. Leur dynamique est alors semblable à ce que l’on peut voir dans le film Knight and Day, avec Tom Cruise et Cameron Diaz. Les dialogues se font alors savoureux, mais Nathan reste toujours aussi bavard lorsqu’il est seul contre l’adversité. Toujours le bon mot au bon moment, les punchlines percutantes sont au rendez-vous pour rendre ces séquences encore plus cinématographiques.

Et lorsqu’il s’agit de laisser parler la poudre, certaines fusillades se font même au ralenti afin de cibler et tuer les ennemis qui affluent. Ou comment continuer à jouer sans être dépendant d’une mise en scène. En cela, c’est un modèle d’accessibilité. À ce titre, les séquences motorisées n’ont rien non plus à envier aux jeux de conduite. Que ce soit sur terre ou en mer, la maniabilité est instinctive. Cela m’a d’ailleurs rappelé les phases en jeep dans la saga Halo, tout aussi réussie. Ne manque plus qu’un engin nous permettant de nous déplacer dans les airs afin d’emmener la saga vers de nouveaux horizons.

Cela permettrait assurément de voir des environnements, que l’on connait déjà, sous un autre angle. En effet, il n’y a rien que l’on ait déjà vu dans les autres épisodes entre l’ile paradisiaque, un manoir, des catacombes dignes des mines de la Moria, les cryptes, les sous-terrains et même un cimetière de bateaux. Mais contrairement au troisième opus, là ce sont des bateaux pirates. Une variante qui apporte un semblant de nouveauté, sans pour autant que l’on ne soit dupe. Même si l’on a l’impression de visiter les mêmes lieux qu’auparavant, c’est surtout grâce aux graphismes de la Playstation 4 qu’ils prennent vie.

Tout y est foisonnant de détails et les éléments prennent vie. Une immersion de tous les instants qui est parfaitement dosée entre des cut-scènes et des phases de jeu sans transition. Le terme In média Res a beau s’appliquer à une introduction pour signifier que l’on est plongé en plein milieu d’une action, cela pourrait s’étendre à l’ensemble d’Uncharted 4. Cette gestion des Quick Time Event permet de conserver une caméra au coeur de l’action, tout en n’oubliant pas le joueur. Un aspect dont Hideo Kojima aurait pu tirer une leçon sur la saga Metal Gear Solid et ses interminables cinématiques.

À l’inverse, Naughty Dog aurait pu tirer quelques enseignements du créateur de Solid Snake pour rendre ses scénarios plus profonds. Ce quatrième opus a beau clore l’arc narratif de Nathan Drake en beauté, tout y est prévisible au possible. Le récit repose sur des facilités et voir notre héros se faire embrigader par son frère pour partir à une nouvelle chasse au trésor n’a rien de surprenant. Pas plus que les raisons derrière cette quête ne sont motivées par une personne à laquelle Samuel est redevable. Le temps est donc compté avant que l’on ne vienne lui réclamer ce fameux butin.

Mais le studio a bien compris que pour varier les plaisirs, malgré des rebondissements que l’on voit venir à des kilomètres, il fallait changer de point de vue. On peut ainsi prendre le contrôle de Sam Drake lors d’un court flashback durant lequel on apprend comment il s’est évadé de prison. Ce frère ainé ne change rien au gameplay, mais on peut y voir là un renouvellement de la formule que proposera ensuite le stand alone Uncharted: Lost Legacy, avec la prise en main de Chloé Frazer et Nadine Ross.

Paradoxalement, il faudra se replonger dans le passé pour contrôler un personnage qui sorte des sentiers battus. Et ça ne sera pas Sir Francis Drake, mais le véritable ancêtre de Nathan: Crash Bandicoot. Il nous sera possible de faire à nouveau une partie de ce jeu de plate-forme lors de l’épilogue de ce quatrième volet, mais pas avec Nathan au pad. Je tairais l’identité de cette personne pour ne pas gâcher ce dernier chapitre, mais celle-ci était en compagnie d’un chien. Assez mal modélisé, c’est en le voyant que je me suis rendu compte d’un oubli dont je n’avais pas pris conscience jusque là.

Malgré les kilomètres de jungle et de grotte que l’on a arpentés, aucun animal sauvage n’a croisé notre route. Ce n’est pourtant pas ce qu’il manque dans ce genre de milieu et cette absence est vraiment regrettable, ne serait-ce que pour varier l’adversité. Même un marsupial aurait pu faire l’affaire pour la blague. Le reboot de Tomb Raider par Square Enix s’est chargé de combler ce manque de menace, non sans piller les mécaniques de jeu d’Uncharted. L’héritage de Nathan continue donc de vivre à travers d’autres productions vidéoludiques.

Toujours égaler, jamais surpasser, la saga Uncharted reste sur les trois places du podium, mais avec quatre opus au compteur. En tout cas, ceux qui bénéficient d’une numérotation. Comme je le disais plus haut, Lost Legacy fait suite à Thief’s end et Golden Abyss sur PS Vita fait figure de prologue à Drake’s Fortune. Uncharted 4 est donc un épilogue tout ce qu’il y a de plus satisfaisant à la hauteur de ses prédécesseurs. Le secret de cette longévité, Jonathan Cooper, animateur chez Naughty Dog, l’a révélé en expliquant ce que l’on prenait pour une sorte de jauge de vie.

Ce passage en noir et blanc progressif, lorsque l’on se trouve sous un feu nourri, signifie en fait que la chance est progressivement en train de quitter Nathan. Une chose qui n’est pas prête d’arriver à la licence dans l’industrie du jeu vidéo, même si Uncharted devait s’arrêter là. Cet opus s’ouvre sur cette citation:

Je suis un homme de fortune et je dois rechercher ma fortune.

Étant donné la richesse dont fait preuve Uncharted 4: Thief’s end, on peut considérer cette recherche comme accomplie.

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