Aller au contenu

« Alien 3 » de David Fincher

« ALIEN 3 » VS PROCRASTINATION

Troisième opus mais premier film pour David Fincher qui ira jusqu’à le renier de sa filmographie tant cette expérience aura été un cauchemar pour lui. Une chose que son prédécesseur, James Cameron, aura fait avant lui alors qu’on lui donnait sa chance sur Piranha 2. Un point commun entre les deux cinéastes qui ne va pas pour autant les rapprocher puisque Iron Jim gardera une certaine rancoeur envers celui qui aura tué les personnages qu’il avait inventé lors de son passage sur la saga. Une décision dont Fincher n’est pourtant pas responsable puisqu’il n’en a pas écrit le scénario. Bien qu’il refuse encore aujourd’hui de donner sa version des coulisses sur son premier film, nul doute qu’il aurait voulu en écrire l’histoire au vu des bruits de couloirs. Subissant les ingérences du studio et des producteurs, les versions du scénario se sont succédées jusqu’au départ en tournage avec une histoire inachevée. 

Filmant au jour le jour avec le peu d’informations à sa disposition, il reprend tous les codes de la saga tel que son héroïne ou encore le facehugger. Parmi les aléas du scénario, il décide d’ouvrir son film sur des scènes en extérieures absolument sublimes et posant le cadre de l’action sur Fiorina 161. Loin des écrans verts dégueulasses dont nous abreuve Hollywood ces dernières années, cela fait un bien fou de voir de vrais décors dans lesquels évoluent tous les acteurs. A l’inverse, seul un membre du casting, et pas des moindres, se voit modéliser pour la première fois en image de synthèse. Cette technique encore balbutiante permet à l’Alien de se mouvoir d’une façon plus en adéquation avec sa nature sans pour autant se passer de l’habituel acteur dans un costume lors des gros plans.

Non content d’avoir trouvé le compromis parfait entre costume animatronique et modélisation en 3D, qu’il introduit pour la première fois grâce à son passé dans le domaine des effets spéciaux, Fincher inaugure une technique nous plaçant directement dans la peau de la créature en nous permettant de voir à travers ses yeux, dont elle semble dépourvue. L’utilisation de la vue subjective rappelle celle de Evil Dead lors d’une course poursuite pour refermer un piège sur l’Alien en question. Ce point de vue permet de simuler la créature qui marche sur les murs et même au plafond en retournant la caméra. Des idées de mise en scènes à moindre coût laissant au spectateur le soin d’imaginer la gestuelle du monstre hors champs en plus de le placer directement au coeur de l’action. Mais le coeur du film n’a jamais été l’Alien, contrairement à ce que laisse penser le titre, mais bien Ripley qui trouve ici une conclusion à son arc narratif en adéquation avec les thèmes traités depuis le premier opus.

Même si ce troisième volet ne restera pas sans suite, l’idée de féconder Ripley avec une reine Alien, introduite dans le précédent volet, était la suite logique pour clore la saga sur une belle note. Cette fois-ci, il n’y a nulle part où se cacher puisque la menace vient de l’intérieur. Un corps étranger qui cependant lui profère une immunité sur l’alien qui rode dans les couloirs de la prison à la recherche d’une proie. Grace à ce « gilet par balle » les rapports de force s’en trouvent bouleverser et cela donne lieu à des séquences d’action où l’héroïne, consciente de son avantage tactique sur l’ennemi, fonce tête baissée dans l’action jusqu’à prendre en otage son passager clandestin aux yeux du Xénomorphe. Ce tempérament de tête brulée est symbolisé par un crâne rasé lui donnant l’aspect d’une personne atteinte d’un cancer, impression renforcée par l’alien qui grandit en elle comme une tumeur.

Un look militaire qui laisse dévoiler son crâne comme ceux des aliens mais aussi comme la plupart des détenus, exclusivement masculin. Evoluant en milieu hostile dans cette prison, depuis reconverti en lieu de culte, la tentation sexuelle des détenus renforce le thème de la figure féministe qu’incarne Sigourney Weaver. La perte de ses cheveux, arme de séduction de la gente féminine selon les coutumes de notre société, en fait une digne représentante de ce mouvement et une militante d’une certaine façon. L’autre grand thème qui sert de décor au récit est la foi qui entoure chaque personnage, cette fonderie est leur idée de l’enfer pour expier leurs fautes. Condamné à tort pour avoir osé faire preuve d’ambition en voulant prendre la suite de Ridley Scott et James Cameron, David Fincher ne sortira pas indemne de ce tournage, le seul regret étant de ne jamais avoir une version Director’s cut de son travail contrairement à ses collègues.

Une entrée en matière difficile pour son premier long métrage mais qui aura néanmoins contribué à façonner le reste de la carrière du cinéaste qui aura depuis enchaîné les chef d’œuvres. Il suffit de regarder ses films suivants pour voir à quel point celui-ci contient déjà tout ses thèmes de prédilection. Des détails peut-être anodins mais qui recèlent déjà toute la future filmographie de Fincher: Seven avec ses détenus confrontés aux pêchés capitaux, Millenium et sa femme forte, Panic Room et son huis clos angoissant,… Un film fondateur donc, bien qu’imparfait, pour lequel j’ai une véritable sympathie. Qu’il s’agisse de la version cinéma ou de l’édition spéciale, c’est sûrement mon préféré de la saga. Pour David Fincher, cette mauvaise expérience restera sa première et seule incursion à ce jour dans le domaine de la SF pure et dure. Il reniera son film comme on renie un enfant non désiré et c’est là tout le propos de l’histoire qu’il a essayé de nous raconter. 

« ALIEN 3 » WINS!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *