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« Alien VS Predator VS Terminator » de Mark Schultz et Mel Rubi

« ALIEN VS PREDATOR VS TERMINATOR » VS PROCRASTINATION

En 1982, James Cameron est à Rome et sans un sou en poche. Cette situation découle de la production de Piranha 2 dont il s’est fait virer de la réalisation. Ce qui devait être son premier film se transforme alors en cauchemar. Littéralement, puisque son état de santé empire lorsqu’il est pris d’une violente fièvre. Il se met alors à délirer dans son sommeil au point d’être assailli par la vision d’un squelette métallique émergeant des flammes. Un rêve prophétique dont le cinéaste tirera un croquis avant de s’atteler à l’ébauche du scénario.

En 1983, James Cameron a terminé la rédaction d’un script intitulé The Terminator. Il jette alors son dévolu sur Arnold Schwarzenneger pour le rôle-titre, mais l’acteur est contractuellement obligé de tourner Conan le destructeur. Le cinéaste prend donc la décision de repousser son tournage afin de s’assurer de la disponibilité de sa tête d’affiche. Pour patienter, il parvient à décrocher l’écriture de la suite du film de Ridley Scott: Alien. Il mettra ce dernier au pluriel et abandonnera le côté horrifique pour une action trépidante.

En 1986, James Cameron est à bord d’un avion avec celui qui va donner vie à la reine des xénomorphes dans Aliens: Stan Winston. En parallèle, l’artiste travaille également sur Predator et est notamment en charge de retravailler le design de la créature. Ce spécialiste des effets spéciaux se base alors sur le look des guerriers Rastafarien, mais il lui manque encore le détail qui fera toute la différence. C’est alors que James Cameron lui suggère d’ajouter des mandibules sur le visage. C’est ainsi que naitra ce qui sera défini dans le film comme l’opposé d’une gueule de porte-bonheur.

La première moitié des années 80, et le début de la seconde, ont ainsi vu naitre trois des figures les plus emblématiques de la science-fiction. Des monstres du septième art qu’Iron Jim a contribué à mettre en avant, d’une manière ou d’une autre. Que ce soit en étant à l’origine de la création du Terminator, en développant le lore d’Alien en y intégrant une reine, ou en soufflant l’idée des mandibules pour le faciès du Predator, le cinéaste a été d’une influence déterminante. Des anecdotes dont il est bon de se rappeler lorsque l’on s’apprête à parcourir le comics Aliens VS Predator VS The Terminator.

Un titre qui indique qu’un cap de plus a été franchi en termes de crossover avec non pas deux, mais trois franchises. Une confrontation qui a donc l’air hautement improbable, mais qui, si on y regarde de plus près, a quand même un dénominateur commun en la personne de James Cameron. À croire que partout où il passe, il y a un avant et un après. De là à y voir un personnage messianique que ses initiales ne contrediraient pas… Lorsque l’on en prend conscience, cette rencontre devient un peu plus sensée, pour peu qu’elle soit bien organisée. Ce qui n’est évidemment pas le cas. 

Un triste constat qui s’applique à la majorité des crossovers. À l’époque de la sortie, en 2000, le Predator n’a pas donné signe de vie depuis Predator 2 en 90. Un an plus tard, il en sera de même pour le Terminator avec Le jugement dernier. Quant à l’Alien, sa résurrection n’aura pas eu lieu et s’arrêtera en 97 avec un quatrième opus signé par Jean-Pierre Jeunet. C’est d’ailleurs sur cette base que débute l’histoire de ce one shot. On avait quitté le clone de Ripley et les survivants de l’équipage du Betty sur Terre, et c’est quelque temps plus tard qu’on les retrouve.

Et eux aussi, ils se retrouvent. En effet, on comprend vite que le huitième clone de Ripley a fait faux bond à l’équipe et a décidé de faire cavalier seul. Une décision en accord avec ce personnage au caractère solitaire, mais loin d’être utile au scénario. Dès la première planche, les retrouvailles ne sont qu’un prétexte à un peu d’action alors qu’il aurait été beaucoup plus simple de prendre la suite de l’épilogue d’Alien: la résurrection. Il y avait dans cette fin une connexion apte à offrir une continuité avec la saga Terminator.

En effet, tandis qu’ils recherchent un point de chute pour quitter l’Aurigua avant que l’engin ne se crashe, leur seule échappatoire reste la Terre. S’ensuivent alors des réticences quant à cette destination, sans que l’on ne sache pour quelles raisons. Jusqu’à ce que l’on voit les derniers plans nous montrant Paris complètement dévastée. La tour Eiffel a perdu son sommet et ce champ de ruines ne se limite pas au champ de Mars, mais à tous les arrondissements. Bien sûr, il n’est pas difficile de comprendre que cette vision cauchemardesque s’étend au-delà de la capitale.

Un monde post-apocalyptique qui correspond en tout point à celui tel qu’on peut le voir dans le Jugement dernier. Le scénariste, Marc Schultz, n’avait plus qu’à continuer dans cette direction, plutôt que de prendre des détours. Plus qu’une planète devenue inhospitalière, le règne des Terminators aurait amplement justifié le fait que l’équipage du Betty ait des réticences à remettre les pieds sur Terre. Même face à la prolifération d’Aliens à ce moment du récit. C’est dire à quel point cette menace hypothétique aurait pu rétrograder le niveau de dangerosité de ces créatures.

Surement pour des questions de chronologie entre les deux franchises, l’auteur choisira donc de situer son intrigue après la défaite de Skynet. Une donnée qui aurait pu être facilement contournée avec les paradoxes temporels chers à la saga de Cameron. De quoi créer sa propre timeline alternative. Mais quand bien même, pourquoi inscrire son récit dans une période où la guerre entre les humains et les machines a pris fin? Cela n’a absolument rien de palpitant, surtout si c’est pour relancer ce conflit de plus belle en guise de menace à venir.

C’est donc ce que va découvrir l’androïde Call, devenu leader de son groupe, après avoir recruté Ripley dans ses rangs. Pour la convaincre, elle lui révélera qu’une nouvelle forme d’hybridation est en cours sur la station Typhoon. Étant elle-même une métisse d’Alien et d’humain, elle se joint à cette cause non sans émettre quelques réticences. En effet, l’héroïne n’est plus que l’ombre d’elle-même, en plus de s’être fait une raison sur la suprématie des xénomorphes. C’est donc contre son gré qu’elle embarque, pour échapper à la menace de Call de donner sa position à l’armée.

Ce groupe nouvellement formé quittera donc la Terre pour ne plus y revenir durant les numéros suivants. Au nombre de quatre, ils prendront principalement place dans des vaisseaux et des stations spatiales, dont celle où sévit le docteur Trollenberg. Ses recherches sont sur le point d’être interrompues par le général Helm, mais le scientifique révèle sa vraie nature en tuant cet opposant à son projet. Il s’agit en réalité d’un modèle de Terminator, un Crypto-Terminator, conçu pour infiltrer les humains et faire renaitre Skynet le moment venu. Celui-ci donc.

Un timing qui concorde avec celui des Predators qui font irruption dans la station pour réussir là où le général Helm a échoué. Mais pas contre le colosse au centre de l’expérience de Trollenberg, dont la tête décapitée a été récupérée par Call avant de quitter les lieux. En s’y connectant, elle y apprendra de la part de John Connor, réduit à un virus informatique, le retour programmé de Skynet. Un plan qui implique la création d’une nouvelle génération de Terminator combinée à des expérimentations sur des Aliens.

Call a à peine le temps de faire part de cette révélation que des Predators cernent leur vaisseau et kidnappent Ripley. Elle n’est pas pour autant captive puisque les Yautjas vont en faire l’une des leurs. Un privilège accordé grâce au sang acide qui coule dans ses veines et qui fait d’elle une précieuse alliée. Il s’agit là d’une des rares bonnes idées de ce crossover. Tellement, que cette alliance sera réutilisée dans le premier opus d’Alien Vs Predator en mettant en scène une héroïne enrôlée pour combattre aux côtés des Predators.

Leur quête les mènera sur la station Los Alamos 235, aussi connue sous le nom d’astéroïde noir. Ils seront rejoints par Call et ses hommes pour combattre cette nouvelle génération de Terminator. Mis à part la capacité d’absorber la matière qui les entoure pour se réparer, ils n’ont rien de très intéressant visuellement. Mais c’est suffisant pour avoir l’avantage. Ripley libère alors les Aliens de la base, et qui servaient de sujets d’étude, afin de semer un peu plus le chaos. Leur sang acide permet ainsi d’attaquer la structure des machines pour en venir à bout.

Dans un ultime geste de bravoure, Ellen Ripley embarque clandestinement dans le vaisseau d’un Terminator survivant qui prenait la fuite, et se sacrifie pour sauver l’humanité. Même si ce comics clôture l’arc narratif du personnage depuis le premier Alien, l’auteur est loin d’en avoir fait quelque chose de mémorable. Et le fond n’est même pas sauvé par la forme. La partie graphique, illustrée par Melvin Ruby, est un peu trop cartoonesque dans la représentation des corps. Un style visuel qui ne correspond à aucune des trois franchises.

On obtient donc une fois de plus un produit mercantile destiné au fanboy de service. Et encore une fois, je ne peux que m’offusquer devant tant de potentiel gâché. Qui plus est, un potentiel gâché multiplier par trois. Cette réunion aurait pu aboutir à une oeuvre complètement délirante. Il suffisait juste d’exploiter les points communs entre ces licences pour les connecter entre-elles. Pas besoin d’être un grand connaisseur pour développer les pistes de réflexion qui me sont venues rien qu’à la lecture du titre.

Je pense notamment au fait que Ripley soit une femme forte, au même titre que Sarah Connor en son temps. J’aurais donc trouvé tout à fait pertinent de réutiliser le même schéma en envoyant un membre de la résistance pour la protéger. Il aurait pu s’agir d’un Terminator reprogrammé, ou même d’un humain. Et pourquoi pas John Connor en personne pour une idylle semblable à celle avec Kyle Reese, qui a abouti à la naissance du premier. On n’est pas à un paradoxe près.

Qui plus est, l’instinct maternel de Ripley avait déjà été évoqué dans la quadrilogie. Aliens nous avait appris qu’elle avait une fille, devenue plus âgée qu’elle et morte de vieillesse, Alien 3 avec une reine xénomorphe grandissant dans son abdomen, et enfin, Alien la résurrection et sa monstrueuse engeance. La thématique était donc déjà présente pour être abordée une nouvelle fois. Tout ceci, c’est bien sûr en admettant qu’Ellen Ripley soit le personnage principal de cette histoire, comme c’est le cas dans ce crossover.

Mais rien n’empêcher de mettre John Connor au centre, ou tout simplement de créer de nouveaux protagonistes auxquels le lecteur puisse s’identifier. Un personnage basé sur l’image de l’acteur Bill Paxton aurait été un cadeau pour les fans, lui qui est le premier à avoir été tué par cette trinité sanglante au cours de ses seconds rôles. Toujours est-il qu’il s’agit d’une condition essentielle compte tenu de la nature de ces trois licences. Même si ce sont des monstres que leur titre respectif mais en avant, l’humain n’en demeure pas moins important.

Sans cette opposition, il n’y a pas vraiment d’intérêt à voir des monstres interagir entre eux. Plus encore lorsque l’on tient compte de leur caractéristique interchangeable d’une apparition à une autre. Les Terminators sont construits à la chaine, les Aliens se reproduisent comme des lapins, et les Predators sont une lignée de guerriers suffisamment grande pour avoir de la réserve. En plus de ne pas avoir de réels signes distinctifs entre eux. Il n’y a donc aucun risque pour ces machines à tuer, au contraire, elles se doivent de représenter le risque.

Une chose qui perdure même lorsque le Terminator passe dans le camp des résistants à l’occasion du Jugement dernier. Son humanisation ne se fait que par l’intermédiaire du jeune John Connor. D’ailleurs, l’apparence humaine du T-800 aurait gagné à trouver une correspondance avec la Major Dutch, également interprété par Arnold Schwarzenegger dans Predator premier du nom. Les raisons d’une telle ressemblance étaient multiples, sans forcément aller chercher bien loin. Skynet aurait très bien pu infiltrer la base de données des Predator afin de sélectionner une enveloppe humaine parmi les gibiers que ces chasseurs ont combattus. Et ont perdu.

Une manière de leur rappeler leur défaite en leur opposant une armée de body-builder basé sur le même modèle. Terminator Renaissance n’était pas encore sorti à l’époque, mais à l’instar de Marcus Wright et à sa mort, Dutch aurait pu lui aussi donner son corps à la science, en l’occurrence Skynet, pour au final devenir le premier homme-machine à son insu. Mais ce n’est pas la seule corporation à vouloir dominer le monde, Weyland est également en bonne position dans cette course.

Un partenariat ou un rachat avec Skynet, au lieu de Yutani, aurait été des plus intrigant en toile de fond. Le parallèle avec les modèles d’androïdes Bishop et les Terminators n’avait rien de compliquer. Là où ça aurait pu devenir beaucoup plus intéressant, c’est dans la fusion du Xénormorphe avec le T-1000. La nature versatile de ce dernier convenait parfaitement en tant qu’hôte au parasite. L’Alien possédant différentes formes selon son porteur, il aurait pu y avoir accès et prendre toute celle qu’il voulait à volonté. En gardant bien sûr cet aspect en métal liquide qui fait le charme du T-1000.

Sinon il y avait l’option des Xénoborgs, introduits dans le jeu vidéo FPS Alien VS Predator. Même un Alien robotisé aurait fait l’affaire. Il suffisait d’accentuer le côté mécanique, par rapport aux parties organiques, sur le design de HR Giger. Ça aurait toujours été mieux que rien. Comme c’est le cas dans ce crossover. Jamais on ne voit cette combinaison inédite qui aurait pu justifier l’ajout du Terminator, après bien des histoires de lutte entre l’Alien et le Predator. Ce ménage à trois aurait pu apporter de la nouveauté dans ce vieux couple de fiction.

En ce qui concerne le Predator, de par son apparence humanoïde et sa capacité à raisonner au-delà de son instinct bestial, contrairement à l’Alien, il reste un point de vue valable pour le lecteur en l’absence d’humain. Ce n’est pas pour rien qu’ils enrôlent Ripley dans leur quête en l’affublant de peinture de guerre du plus bel effet. Mais il y aurait pu y avoir tellement plus pour cette première interaction avec le Terminator. Rien qu’en se basant sur sa capacité à enregistrer des phrases, entendre ce chasseur répéter « je reviendrai » aurait assurément fait vibrer la corde sensible de n’importe quel fan.

Enfin, pour clore ce récit hypothétique, un triple climax pour un triple affrontement, comme James Cameron c’est si bien le faire au point d’en avoir fait sa marque de fabrique. Au final, je ne dis pas que mes idées sont bonnes, elles peuvent même passer pour des facilités d’écriture, mais elles faisaient partie du minimum à attendre. En plus de respecter l’univers des trois licences. J’ai donc pris plus de plaisir à spéculer sur ce qu’aurait pu être ce crossover, plutôt que d’y prendre part. Là, en l’occurrence, c’est Aliens Vs Predator Vs The Terminator Vs mon imagination. Je vous laisse deviner le vainqueur.

PROCRASTINATION WINS!

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