Aller au contenu

« Batman & Robin » de Joel Schumacher

« BATMAN & ROBIN » VS PROCRASTINATION

Il en fallait du courage à l’époque pour se rendre en salle en toute connaissance de cause après le résultat de Batman Forever et un trailer en guise d’aperçu de ce que pouvait réserver cette suite avec la même direction artistique. Le succès du troisième opus reste une énigme digne de celles de l’homme mystère et Batman se chargera bien de nous le rappeler au long de ce film d’une manière subtile en brandissant sa Bat-carte de crédit. C’est donc le film le plus rentable de la saga à l’époque et pourtant ce n’est pas le pire!

Le précédent avait pour vocation de vendre des jouets et il est clair qu’ils ont réussi leur pari. Le film est clairement une publicité de deux heures pour des jouets et le scénario à l’impression d’avoir été écrit et dialogué par un enfant. Cela se ressent tellement que l’on se demande si le plus gros du travail n’a pas été de rajouter des couches d’effets spéciaux mais plutôt de retirer en post-production les mains géantes d’enfants jouant avec des véhicules télécommandés et des figurines articulées. C’est clairement le coeur de cible et à l’image des récents films Batman interdit au moins de 12 ans celui-ci devrait avoir une classification l’interdisant au plus de 12 ans. Tout comme on pourrait aussi l’interdire au fan de Batman mais ça c’est un autre débat.

Comme pour James Bond, Batman prend un nouveau visage une fois de plus sous les traits de George Clooney qui sous une meilleure direction artistique aurait pu briller en Bruce Wayne. C’est d’autant plus frappant qu’il porte plutôt bien le smoking digne de l’agent secret. Assurément un bon Bruce Wayne (notamment lors des scènes communes avec Alfred, une véritable alchimie se dégage entre-eux) mais pour ce qui est de Batman c’est une autre histoire (encore faudrait-il qu’il y en ait une). Après il est difficile de savoir si son air taciturne est dû à son jeu d’acteur ou si c’est parce qu’il n’est pas content de jouer dans le film. Il doit surement se demander lequel entre Batman & Robin et Le retour des Tomates tueuses il serait prêt à effacer de sa filmographie si on lui en laissait l’opportunité.

En tout cas ce film pourrait largement lui valoir un lynchage au lancé de tomate et bien qu’il se soit excusé publiquement d’avoir tué la franchise, il est loin d’être le seul responsable de cette catastrophe. A l’époque George Clooney tournait en parallèle la série Urgence mais là il semble avoir changé de service médical pour aller directement s’occuper des fous dans un asile. L’écriture de son rôle est tellement loin de son incarnation dans les comics, surtout lorsque l’on voit le repère de Freeze on se dit qu’il ne faut pas être le plus grand détective du monde pour lui mettre la main dessus. En même temps personne ne peut lui en vouloir de trainer la patte pour donner la réplique à Victor Fries avec des dialogues tirant partie de tout le champs lexical de la glace et les blagues douteuses qui vont avec. Ce qui est plaisant dans une série comme Flash pour le personnage de Killer Frost est ici beaucoup moins drôle dans la bouche de Schwarzenneger malgré toute l’auto-dérision dont il peut faire preuve.

Cette tête d’affiche prestigieuse vole la vedette à tout le reste du casting, jusque sur l’affiche promotionnelle, et entoure le chevalier noir d’une quantité de personnages tous plus absurdes les uns que les autres. De quoi regretter le temps où il bossait en solo et il ne se fait d’ailleurs pas prier pour le faire remarquer à Robin avec une deuxième mention de Superman après l’évocation de Metropolis dans Forever. On ose à peine imaginer à quoi ressemble l’homme d’acier dans cet univers partagé quand on voit le résultat avec le Dark Knight. Ou alors on se situe dans une réalité créée par Bizarro et dans ce cas là tout est normal de ce point de vue! Mine de rien c’est une théorie qui tient la route et justifie à elle seule l’ambiance de ces deux derniers films de la saga.

Alicia Silverstone en Batgirl qui redéfinit les origines du personnage en occultant son lien de parenté avec Gordon au profit d’Alfred: un raccourci scénaristique de taille. Mais on est plus à ça près vu le délire dans lequel part le film. Barbara emprunte donc à peu près le même arc narratif que Dick dans Forever quant au plus grand détective du monde, il ne la reconnait même pas « sous » le masque de Batgirl. En toute logique face à elle se trouve Poison Ivy, sous les traits d’Uma Thurman, qui rabaisse l’image de la femme mais compte tenu du traitement des personnages en général, c’est le genre humain qui s’en trouve humilier tant ils sont d’une bêtise énorme.

Le film est pourtant d’autant plus d’actualité aujourd’hui, et ne fera que renforcer son propos dans les années à venir, avec l’écologie d’un coté et l’ère glacière qui se profile. Le scénario n’arrive même pas à raccorder certain point évident comme la maladie d’Alfred qui aurait pu être une conséquence au froid jeté sur la ville tandis qu’un remède aux herbes médicinales de Poison Ivy aurait pu le guérir. Même le nouveau costume de Dick, passant de Robin à Nightwing, aurait pu trouver une raison « valable » dans le point de discorde et remettant en cause la dynamique du duo sous l’emprise de l’envoutement de Poison Ivy. A la place on a un stick à lèvre en latex comme un préservatif pour éviter les maladies transmissibles par la belle plante.

Enfin pour compléter cette joyeuse bande de dégénérés, ce film est l’occasion de voir Bane pour la première fois à l’écran. Un méchant de plus comparé au précédent mais celui-ci fait plus office de faire valoir que de la véritable menace qu’il est sensé représenté, à des lieux d’égaler son homologue de papier. Pour le coup le passé de culturiste d’Arnold aurait été idéal pour ce rôle plutôt que Freeze. Mais finalement qu’importe qui le body builder autrichien incarne ou quel méchant de la galerie de vilains de Batman est choisi pour s’opposer à lui, le plus grand ennemi de ce film, celui qui aura réussi là où tout les méchants ont échoué, n’est autre que son propre réalisateur: Joel Schumacher a tué Batman.

Au final, de tout ce casting prestigieux complètement gâché et sous employé, la seule actrice qui arrive à tirer son épingle du jeu est la compagne de Freeze à l’état de glaçon. Sa présence immobile et comateuse est une plus grande performance que celle de tous les acteurs réunis. Outre cette plongée en apnée du sommeil pour ne rien voir du film dans lequel elle est en train de tourner, elle octroie même au film quelques moments de poésie notamment à Arkham lorsque son mari sculpte un morceau de glace à l’effigie de sa chère et tendre pour la faire tournoyer, telle une danseuse étoile, sur les engrenages d’un réveil. Dans un même ordre d’idée Poison Ivy a elle aussi droit à son moment lorsqu’elle arrache les pétales d’une fleur en murmurant « il m’aime, un peu,… ». Des moments tout droit sortie des comics, j’en conviens, mais qui n’enlève rien à leur beauté dans tout ce bordel. Et si l’on devait faire ce que fait Poison Ivy avec les scènes dont elle fait partie, nul doute qu’on s’arrêterait sur « il ne m’aime pas du tout ».

Heureusement tout ce beau monde, caché ou non derrière un masque ou du maquillage, n’aura que peu de temps à l’écran pour démontrer ses talents d’acteur. Loin d’être reconnu à sa juste valeur, le héros de l’histoire reste John Dykstra, déjà en charge des effets spéciaux sur Forever et qui continue ici ses expérimentations d’acteur numérique dès la scène d’ouverture en faisant faire du surf dans les airs au dynamique duo. Et pour ça c’est dynamique, c’est le moins que l’on puisse dire. Cette descente permet non seulement une scène d’action gigantesque et jamais vu mais aussi d’amener le spectateur à prendre conscience de la grandeur de Gotham. L’architecture de celle-ci sert de terrain de jeu pour des séquences d’action réussi et qui utilise le terrain à bon escient, notamment l’une des statues géantes qui devient, le temps d’une scène, une piste cyclable pour une Batmobile totalement relookée et de pire en pire.

De manière symbolique, en prenant Mr Freeze comme grand méchant ce film est littéralement l’iceberg qui va couler la franchise au point de la voir hiberner durant 8 années (Christopher Nolan y fera d’ailleurs une référence dans Batman Begins en évoquant à travers une réplique d’Alfred le temps d’absence de Bruce lors de son retour à la civilisation). Cette comparaison est encore plus flagrante lorsque l’on se rend compte que Titanic est sortie la même année que ce film. Contrairement à Forever il ne subsiste pas beaucoup de document témoignant de la production du film, comme si la boite noire de ce naufrage n’avait jamais été retrouvé. Par contre les producteurs avaient de la suite dans les idées compte tenu des différents projets qui devaient se succéder.

Parmi eux, Batman Triumphant, ou Unchained, devait voir l’épouvantail s’opposer au chevalier noir ainsi qu’Harley Quinn voulant venger son père qui n’était autre que le Joker. Les hallucinations de Scarecrow aurait permis un retour des différents ennemis que Batman avait affronté dans la saga et notamment le Joker pour venir le tourmenter. Une suite qui ne verra jamais le jour mais dont la dernière idée s’est réalisée dans le jeu video de rocksteady, Arkham Knight, où le Joker apparait à sa némésis sous forme d’hallucinations tandis qu’il se trouve opposer à l’épouvantail en bad guy principal. Un pur chef d’oeuvre vidéoludique loin des produits dérivés par lesquels je me suis laisser hyper que ce soit Batman Forever sur Megadrive ou Batman & Robin sur la première Playstation. Et laissez moi vous dire que si le diptyque de Schumacher est une excellente adaptation de la série tv des années 60 et des comics de la même époque, le jeu vidéo est une excellente adaptation du film en ce sens ou il est insensé. Ces deux jeux ont de quoi rendre fou quiconque à le malheur de jouer sous peine de finir directement à l’asile d’Arkham.

Le diptyque de Schumacher est un miroir déformant de ceux de Burton en s’appliquant à suivre à la lettre les mêmes schémas narratifs. Dans un premier temps le héros est confronté à des méchants clownesques tel que le Joker d’un coté et Double Face & The Riddler de l’autre, permettant une introspection sur l’événement fondateur qui a fait de lui ce qu’il est: un homme chauve-souris. En prime ce semi-reboot introduisait ce que Tim Burton avait rejeté en bloc lors de son arrivée sur la franchise jusqu’à son départ: Robin. La suite de Schumacher emprunte la même ambiance glaciale que Batman le défi qui voyait le Pingouin agir lors des fêtes de Noel là où Mr Freeze décrète un hiver sans fin. Cette seconde partie propre à chaque diptyque a également été l’occasion d’inclure une femme forte en la personne de Catwoman en quête de rédemption face à une Poison Ivy totalement à coté de la plaque.

Au final, Tim Burton s’est vue écarté car son Batman le défi était trop sombre et dépressif, Joel Schumacher s’est vue exclure car son Batman & Robin était trop coloré et ridicule. Seul Christopher Nolan aura eu le privilège de clore une trilogie, avec le succès mérité que l’on connait, la Warner ayant trouvé en lui le juste milieu en jouant la carte du réalisme. Pour ma part j’ai du mal à être réaliste. Et même là, arrivé à la fin de cette analyse, je ne sais toujours pas pourquoi j’éprouve une certaine forme de sympathie envers cet épisode. Je crois qu’il faut se rendre à l’évidence, lorsqu’il s’agit de Batman j’ai tout simplement du mal à être objectif.

« BATMAN & ROBIN » WINS!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *