Déjà atteint de bégaiement depuis son plus jeune âge, Bruce Willis a annoncé souffrir d’un autre trouble du langage: l’aphasie. Une maladie qui affecte sa manière de communiquer, mais aussi de lire et d’écrire. C’est suite à cette révélation que l’acteur a annoncée, il y a de cela quelques jours, se retirer du monde du cinéma. Il est bien compréhensible que ce mal entraine des difficultés à lire et déclamer son texte à l’écran dans de bonnes conditions.

Fort heureusement pour nous, simples spectateurs, ses films parlent pour lui et même si il n’en fera plus jamais d’autres, il y en a plus d’un que l’on peut revoir en boucle. C’est à cette intention que j’ai dressé une liste de mes 10 films préférés de cette légende. Ils ne sont absolument pas classés par ordre de préférence, mais par ordre de parution. Pas de grandes surprises au programme: du culte, et aussi un large choix orienté vers le fantastique et la science-fiction.
Le dernier samaritain

À bien des égards, ce film pourrait faire partie de la saga Die Hard. D’ailleurs, lorsque j’étais gosse, j’ai longtemps cru que c’était le cas tant on retrouve du John McClane dans le personnage désabusé de Joe. Avec du recul, il pourrait faire office de deuxième opus à Die Hard en remplacement du mal aimé 58 minutes pour vivre. Quoi qu’il en soit, j’ai donc décidé de le voir comme une sorte de hors série avec rien de moins que Joël Silver à la production, Tony Scott à la réalisation et enfin Shane Black au scénario. Du beau monde réuni pour faire de ce Buddy movie un solide film d’action. Bruce Willis y est fidèle à lui-même et le duo qu’il forme avec Damon Wayans fonctionne plutôt bien, même si l’on reste dans les stéréotypes de l’époque.
Pulp Fiction

Bien installé dans le paysage cinématographie au point d’avoir son nom au premier plan sur les affiches de blockbusters, Bruce Willis a pourtant mis son égo de côté pour donner la réplique à des pointures. C’est le cas dans Pulp Fiction où il est loin de s’accaparer toute l’attention. Ce film choral, construit autour de quatre histoires qui s’entrecroisent, est d’autant plus risqué qu’il est mis en scène par un nouveau venu: Quentin Tarantino. À l’époque, il a beau avoir épaté le monde du septième art avec Reservoir Dogs, il n’en reste pas moins un débutant. Un risque qui s’est avéré payant pour Bruce Willis tout en l’imposant comme une valeur sure.
L’armée des 12 singes

Il est toujours difficile pour une star renommée de risquer son image chez un cinéaste à l’univers bien affirmé. Terry Gilliam fait partie de cette catégorie pour qui il suffit de quelques plans afin de reconnaitre son style inimitable. Trouver sa place a donc été d’autant plus difficile pour Bruce Willis que le réalisateur lui a interdit de se servir des clichés de son jeu d’acteur. Face à un Brad Pitt en roue libre, l’acteur révèle une autre facette de son jeu, plus vulnérable. De cette première incursion dans le domaine de la science-fiction, Bruce Willis en ressort totalement grandi et prêt à affronter la fin des années 90.
Une journée en enfer

Incontournable dans la filmographie de Bruce Willis, John McClane est le personnage qui a contribué à la renommée de l’acteur. Mais si je ne devais en choisir qu’un parmi tous les opus, ça serait le troisième. Il voit le retour derrière la caméra de John McTiernan qui avait réalisé le premier opus avant de passer la main sur le deuxième. De nouveau dirigé par celui qui a créé le personnage, et qu’il s’est depuis approprié comme la marque de fabrique de son jeu, Bruce Willis s’amuse comme un fou dans ce film d’action trépidant.
Le cinquième élément

Monument de science-fiction psychédélique, après L’armée des 12 singes Bruce Willis semble avoir un gout prononcé pour les univers délirants. Car il en faut pour assumer les costumes et autres exubérances artistiques qui aujourd’hui sont cultissimes. Encore une fois, l’acteur a eu raison de miser sur cette histoire assez simple de lutte du bien contre le mal, mais visuellement folle. Luc Besson y déploie son talent dans ce récit qu’il a imaginé au lycée, et cela se ressent. Tout y est caricatural au possible, mais c’est aussi ce qui en fait toute la beauté. Une innocence que le personnage de Korben Dallas se découvre au contact de Leeloo et avec qui l’alchimie est instantanée.
Armageddon

Il est difficile de croire, et pour moi d’admettre, qu’un film comme Armageddon m’a fait pleurer. L’équation: Michael Bay, Bruce Willis, fin du monde et astéroïdes est loin d’aboutir à ce genre d’émotion, et pourtant. Quoi qu’on en pense, c’est un long-métrage émotionnellement fort, car complètement démesuré dans son approche. Si le spectateur s’investit autant dans ce spectacle, malgré son pitch improbable, c’est grâce à son casting de gros durs qui se révèlent tous plus touchant les uns que les autres, Bruce Willis en tête.
Sixième sens

Rares sont les films où Bruce Willis meurt. Et encore plus rares sont ceux où il est mort depuis le début sans même le savoir. C’est l’un des twists les plus célèbres de l’histoire du cinéma sans pour autant que le film n’ait à en souffrir. Sixième sens se revoit très bien même en connaissance de cause, justement pour y repérer les éléments annonciateurs. La présence de Bruce Willis a également permis une plus grande exposition à ce film de M. Night Shyamalan qui aura contribué à le révéler en tant qu’auteur. Pour autant, j’imagine que ce n’était pas forcément évident de s’aventurer sur un tel projet, loin du registre dans lequel Bruce Willis à l’habitude de s’aventurer. Et pour ça, il fallait en avoir un de sixième sens pour savoir l’impact positif qu’allait avoir ce film sur sa carrière.
Incassable

Après le succès surprise de Sixième sens, Bruce Willis rempile sous la direction de Shyamalan pour ce qui est, à l’heure actuelle, le meilleur film du cinéaste. Malgré l’adjectif qui le définit, l’acteur y est filmé dans toute sa vulnérabilité, loin des effets de montage qui garantissent l’efficacité de son jeu. Face à lui, il retrouve Samuel L. Jackson après Une journée en enfer, mais cette fois-ci plus en guise de sidekick, mais en tant qu’opposant. Des retrouvailles pour les deux acteurs, synonymes du temps qui passe, mais aussi de leur capacité à se renouveler. Si son personnage de David Dunn se découvre incassable, Bruce Willis se révèle inclassable.
Sin city

Grand ami de Quentin Tarantino, Robert Rodriguez embarque à son tour Bruce Willis dans une histoire dont il est loin d’être le centre. Comme pour Pulp fiction dont Sin City se réclame, le scénario de Frank Miller, également auteur du comics d’origine, se découpe en plusieurs fragments formant un tout. Bruce Willis y occupe le rôle de John Artigan dans cette ambiance de polar tout en noir et blanc, rehaussé de quelques touches de couleurs. Un parti pris fidèle au matériau d’origine qui donne un cachet unique à ce film. Bien qu’imparfait, tout comme sa suite Sin City: j’ai tué pour elle, ce diptyque a contribué à développer le numérique au cinéma.
Looper

C’est non seulement le dernier vrai bon film de Bruce Willis, mais aussi le film idéal pour boucler cette sélection. On peut y voir une sorte de passage de relais avec une version plus jeune de lui-même, incarné par Joseph Gordon-Levitt. Ce dernier a dû non seulement apprendre les mimiques de son ainé, mais aussi être bardé de prothèses afin de s’approcher d’une forme de ressemblance avec la star. À l’écran, le résultat n’est pas toujours convaincant, mais l’intention est là grâce à Ryan Johnson qui a écrit et mis en scène cette histoire de voyage dans le temps.
Dernièrement, l’acteur s’est illustré dans toute une flopée de direct-to-DVD oubliables. De là à dire que cette maladie lui a fait faire de mauvais choix de carrière n’est pas forcément impossible. La compréhension d’un scénario passe par sa lecture et c’est une activité qui lui est devenue de plus en plus complexe.
Paradoxalement, maintenant que Bruce Willis aspire à un repos bien mérité loin des plateaux de cinéma, la suite de sa vie privée s’annonce à l’image des longs-métrages dans lesquels il s’est illustré. Ainsi, il va prendre une retraite bien méritée et devenir un Retraité Extrêmement Dangereux, comme dans RED sortie en 2010. Looper pourrait également être cité puisque dans la version originale, son double plus jeune apprend le français avec l’intention d’aller passer sa retraite en France. Et c’est ce que l’acteur va faire en s’installant près de Rennes.
Une destination loin d’être attractive, mais où il pourra sans doute bénéficier d’une tranquillité d’esprit. Ce retrait loin de l’agitation hollywoodienne me donnera peut-être l’occasion de croiser sa route. Mais contrairement à son personnage dans Looper, je ne m’attends pas à ce qu’il apprenne le français. Pour moi, sa voix française attitrée restera celle du regretté Patrick Poivey. N’en déplaise aux puristes de la VO, c’est lorsqu’un acteur étranger devient indissociable de son doubleur qu’il commence à se faire une place dans le coeur des spectateurs.

Mais peu importe la langue et malgré ses problèmes d’élocution, je suis sûr que si Bruce Willis avait un dernier mot, aussi intelligible soit-il, à adresser à cette maladie qui le ronge, ça serait:
Yippee Ki Yay, pauvre con!