
« INJUSTICE: LES DIEUX SONT PARMI NOUS » VS PROCRASTINATION
Qui est le plus fort entre Batman et Superman? Pour peu que l’on soit fan de comics, on s’est déjà tous posé la question. Et on en est tous déjà arrivés à la même conclusion: c’est l’homme d’acier qui en sortirait victorieux. Il s’agit juste de bon sens au regard de ses capacités surhumaines. Bien que surentrainé, le Dark Knight n’est qu’un homme sous son masque et sa cape. Pourtant, bien des récits ont prouvé le contraire. Il suffit de se plonger dans les comics Batman: Hush, Batman: Endgame ou encore The Dark Knight Returns pour s’en convaincre.
Dernièrement, les deux super-héros se sont affrontés sur le ring du grand écran dans Batman V Superman: l’aube de justice. Une rencontre orchestrée par Zack Snyder qui fait office d’arbitre dans ce qui pourrait s’apparenter à un combat de catch. C’est à dire scripté de bout en bout. Et encore une fois, c’est l’homme chauve-souris qui l’a emporté face aux pouvoirs du Kryptoniens. Cette issue peut trouver son explication dans le fait qu’il soit plus intéressant de voir un outsider prendre le dessus, que le tenant du titre. Le but d’une histoire n’est pas d’être prévisible.

Mais derrière chaque récit se cache un auteur. Bien qu’il n’ait jamais officié pour DC Comics, sauf à l’occasion d’une réinvention des icônes de l’éditeur avec le label Just imagine, Stan Lee est le plus célèbre d’entre-eux. Et il avait une opinion bien à lui sur ce débat qui n’en est pas vraiment un. À la question de savoir qui est le plus fort entre tel ou tel super-héros, il répondait simplement: celui que le scénariste souhaite voir gagner. Peu importe leur pouvoir respectif, il trouvera toujours une solution pour donner l’avantage à son préféré.
Ainsi, l’intellect de Batman est toujours mis en avant pour établir une stratégie imparable. Il anticipe chaque scénario catastrophe pour faire en sorte de ne pas être perdant. C’est un génie qui a toujours plusieurs coups d’avance. Et pas forcément des coups de poing, cela lui serait bien inutile face à Kal El. Sauf avec de la kryptonite sous la main, le corps à corps n’est clairement pas à privilégier. C’est pourtant ce que va proposer le studio NetherRealm avec le jeu de combat Injustice: les dieux sont parmi nous.

Mais avant d’en arriver aux mains, il faut bien une justification pour en découdre. C’est là que le jeu surprend. Habituellement, les adaptations de comics ne sont pas les mieux servies lorsqu’il s’agit de retranscrire cet univers complexe et codifié. Pire encore pour les jeux de combat qui n’ont besoin que d’un prétexte, au hasard: un tournoi, pour se foutre sur la gueule. Et pourtant, le scénario n’est pas en reste. Au contraire, je dirais même que c’est du très haut niveau pour les fans de la Distinguée Concurrence.
Le mode histoire se révèle passionnant à suivre. Tout commence par le meurtre du Joker par Superman. Un parti pris audacieux qui se justifie par le fait que le clown a forcé l’homme d’acier à tuer sa bien-aimée en lui faisant croire qu’il combattait Doomsday. Non seulement Lois Lane était enceinte, mais en plus cela a conduit à la destruction de Metropolis par une ogive nucléaire. Ces circonstances font que Kal El décide d’imposer sa loi au reste du monde afin que ce genre de drame ne se reproduise plus.

Bien évidemment, ces événements ne prennent pas place dans la continuité officielle, et pour cause, il s’agit d’une réalité parallèle. Une parmi tant d’autres. Le concept du multivers va donc être l’occasion de rencontrer des versions alternatives de ces personnages iconiques. Une fois ce prologue passé, le récit créait la confusion en nous montrant un Joker tout sourire. On comprend alors que l’action se déroule sur une autre Terre, un peu avant que le clown ne mette son plan à exécution. Pour le contrer, des membres de la Justice League sont dépêchés sur place.
C’est là que le cours du temps s’en retrouve modifier puisqu’avant qu’il n’ait eu le temps d’appuyer sur le détonateur, tous ces personnages sont enlevés à leur dimension. Cette téléportation les mène dans un endroit à la fois similaire, et différent. Loin d’avoir été sélectionné au hasard, les raisons de cet enlèvement sont aussi simples qu’ingénieuses. En effet, le Batman de cette timeline a besoin des doppelgangers de ses coéquipiers pour rejoindre les rangs de la résistance face à son Superman tyrannique.

Et accessoirement de leur ADN pour déverrouiller une arme de kryptonite. Les différentes intrigues se regroupent donc naturellement, sans pour autant n’être qu’une adaptation d’un scénario déjà vu en comics. L’histoire a également le bon sens de mettre sur un même pied d’égalité les différentes échelles de puissance. En effet, pour que le combat soit plus équitable entre ces deux armées, le récit introduit des pilules kryptoniennes qui augmentent la force de celles et ceux qui les consomment.
Grâce à ce produit dopant, le reste de l’intrigue sera ponctué de multiples rebondissements, et ce jusqu’au fameux boss final. Intéressant de bout en bout, on est donc loin d’une histoire en arrière-plan. Même si je reconnais qu’il faut quand même être un minimum familier de la mythologie DC pour suivre les différentes péripéties. Pour ma part, j’ai tellement été absorbé que j’aurais préféré un jeu d’aventure basé sur ce background inédit. Ou alors au pire un beat them all pour conserver le système de combat. Même si celui-ci est loin d’avoir la simplicité de la saga Batman Arkham.

Les commandes sont loin d’être instinctives, sauf si l’on est un habitué des jeux Mortal Kombat. En effet, le titre est développé par NetherRealm, un nom qui fait allusion à l’endroit d’où vient le personnage de Scorpion, mais qui cache aussi le studio Midway qui s’est vu rebaptiser de la sorte depuis son rachat par Warner Bros Interactive. Pour autant, l’équipe n’est pas étrangère à l’univers DC puisqu’un crossover avait déjà eu lieu entre les super-héros et les Kombattants: Mortal Kombat VS DC Universe.
Cette fois-ci, seul Scorpion a fait le déplacement, mais uniquement parmi les persos jouables en mode arcade. On le retrouve dans la partie ennemi lorsque l’écran se scinde en deux avec à l’opposé les héros. Un roster plutôt complet qui compte pas moins de 24 personnages, et qui monte jusqu’à 30 dans la version Ultimate Edition. Avec bien sûr une sacrée portion de protagonistes provenant de l’univers de Batman. Le reste de la sélection est assez éclectique, et il est amusant de refaire le match par rapport à certains affrontements marquants des comics.

Je pense notamment à Bane qui brise le dos de l’homme chauve-souris, ou Superman qui succombe aux coups de Doomsday. Ou de tester des combinaisons inédites. Quoique, après des décennies de publications, tous ces personnages ont déjà dû s’affronter au moins une fois dans les cases d’une bande-dessinée. Une fidélité au matériau d’origine qui va jusque dans leurs pouvoirs, parfaitement retranscrits. Sauf peut-être en ce qui concerne la violence des combats qui reste la marque de fabrique de NetherRealm, anciennement Midway.
Bien entendu, pour le plaisir de jeu, les échelles de puissance entre les personnages ne sont absolument pas respectées. Les humains se mesurent à des dieux et des méta-humains sans le moindre problème. J’aurais aimé que les développeurs poussent le vice jusqu’à incorporer certaines caractéristiques des personnages pour rendre les affrontements plus stratégiques. Par exemple, la faiblesse de Superman envers la kryptonite et la magie aurait pu être exploitée, tout comme le faire combattre dans un environnement nocturne aurait pu faire diminuer ses pouvoirs.

Il y avait beaucoup de possibilités à ce niveau-là. Mais les concepteurs ont préféré miser sur les forces, plutôt que sur les faiblesses. Les célèbres Fatalities ont donc laissé place à des coups spéciaux qui tirent parti des pouvoirs, ou des gadgets, dont disposent les personnages. Cela donne lieu à des cinématiques impressionnantes en termes d’enchainements de coups, et de destruction du décor avec des véhicules. Qu’il s’agisse de l’asile d’Arkham ou de la tour de garde de la Justice League, ces arènes sur plusieurs niveaux sont remplies de clin d’oeil aux comics. Pour peu que l’on sache où regarder.
Les affrontements sont tellement intenses qu’il est parfois difficile de repérer les easter eggs dans les coins de l’écran. Plus encore lorsque l’on se bat contre son double. Le résultat est souvent brouillon et l’on s’y perd pour savoir quel est notre personnage. Fort heureusement, il est possible de choisir entre plusieurs skins (dont toute une flopée issue des comics), sauf dans le mode histoire. Ce dernier a beau imposer les costumes, leur design a bénéficié d’une belle réinvention. Ils ne sont pas sans rappeler les sublimes figurines de la gamme Play Art Kai pour leur côté stylisé à outrance.

Cette liberté dans le visuel, on peut l’attribuer à une timeline différente de celle que l’on connait. Une dimension dans laquelle Lex Luthor ressemble à Bruce Willis pour ce qui restera un fantasme de fan. Le casting vocal français pioche quant à lui dans les adaptations cinématographiques de chez DC: le doubleur de Heath Ledger pour le Joker rencontre alors celui de Ryan Reynolds pour Green Lantern afin de s’échanger quelques punchlines. Cela participe au côté immersif de l’intrigue et son côté blockbuster vidéoludique.
C’est un plus non négligeable compte tenu des histoires à peine développer qui hantent les jeux de combat. Pour le coup, la mythologie de l’éditeur aux deux lettres en ressort grandie, surtout avec les comics Injustice écrits par Tom Taylor. Le scénariste y narre les 5 années séparant l’événement fondateur qui a fait vriller Superman, jusqu’au commencement du jeu. Un background qui a dépassé le stade de simple produit dérivé grâce à la qualité de ses intrigues. Cela ira jusqu’à intriguer le cinéaste Zack Snyder qui s’en inspirera pour son Superman ayant basculé du côté obscur lors des flashforwards intitulés Knightmare.

Il est rare de voir un crossover aussi récent trouver une résonance sur grand écran aussi rapidement. C’est dire l’impact qu’aura eu Injustice: les dieux sont parmi nous sur les personnages qu’il met en scène. Ce jeu permet d’être l’auteur de son propre comics. De répondre à la fameuse question de qui est le plus fort entre tel ou tel personnage. Et cela ne dépend plus seulement de qui l’on souhaite voir gagner, mais de qui tient la deuxième manette. Qu’il s’agisse d’un humain ou de l’ordinateur, les compétences du joueur vont être mises à rude épreuve pour prouver que son poulain est bien digne de l’emporter.
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