« JUSTICE LEAGUE: THE FLASHPOINT PARADOX » VS PROCRASTINATION
Mon Dieu, donnez-moi la sérénité d’accepter les choses que je ne peux changer, le courage de changer les choses que je peux, et la sagesse d’en connaitre la différence.
Voilà ce qui aurait pu ouvrir cette histoire et qui est déclamé par le biais de la mère de Barry alors qu’il n’est encore qu’un enfant. Des mots lourds de sens qui sont surtout connus pour être le mantra chez les alcooliques anonymes et qui pourtant collent plutôt bien à la thématique du bolide écarlate. Sa capacité à voyager dans le temps donne tout son sens à cette prière prenant directement Dieu à partie afin de lui demander la force de surmonter des épreuves. Ici en l’occurrence il s’agit de la perte de sa mère qui aura des répercussions sur sa condition même de Speedster et qui est annulée purement et simplement.
C’est là le point de départ de cette adaptation du comics de Geoff Johns intitulé Flashpoint qui ouvre une nouvelle ère dans la continuité de chez DC Comics. Ce chapitre de l’histoire de la distinguée concurrence avait déjà été adapté au cours de la saison 3 de Flash sans pour autant s’attarder sur ce concept un peu trop casse-gueule pour une série. Cet arc narratif s’étendait alors juste le temps des premiers épisodes avant de revenir au statu quo de départ ce qui était dommage vu la qualité du matériau d’origine. Le film consacré à la version de Flash aperçu dans Justice League et avec Ezra Miller dans le rôle-titre devrait également tirer partie de cet événement éditorial pour remettre à l’heure l’univers DC au cinéma.
À croire que ce Flashpoint permet d’aboutir à autant de versions que d’adaptations comme le prouve cet animé. Pour autant une transposition d’un média à un autre a toujours nécessité de trahir l’oeuvre d’origine. Ou en tout cas, pour revenir à la citation qui ouvre cette histoire, de changer les choses qui peuvent l’être et de garder les choses qui ne peuvent être modifiées. En effet ce qui fonctionne dans une bande dessinée n’est pas forcément viable dans un film d’animation, quand bien même il s’agirait de combler les blancs d’une case à une autre puisque l’on reste dans le domaine de l’illustration.
En cela le style s’éloigne radicalement de la bande dessinée américaine pour aller lorgner du côté de la japanimation. Dans l’esprit, les designs sont proches de la gamme de figurines Play Art Kai. Cela apporte un vent de fraicheur à des personnages que l’on connait par coeur mais tout le monde ne sort pas indemne de cette refonte. Superman a un visage vraiment bizarre tout comme celui de Batman dont les traits sont mal proportionnés. Cyborg n’est pas gâté non plus au niveau de son armure mais se rattrape grâce à celle qu’il arbore dans la timeline alternative qui fait beaucoup plus mécha.
Seul Flash s’en tire plutôt bien et heureusement puisqu’il est la tête d’affiche. Et cela aurait pu être encore mieux si il avait eu le dernier costume qu’il arbore à la fin. Le moment où il s’aperçoit qu’il possède le costume de Zoom dans sa bague, et le modifie pour reprendre ses couleurs, aurait d’ailleurs été le moment parfait pour ce changement de combinaison. Le traitement de Superman version alternative m’a rappelé le style graphique de Aeon Flux ou Fantôme 2040 avec des personnages très minces. Soit totalement l’inverse de Aquaman qui a l’air d’un catcheur décérébré. Moi qui me plaignais de Jason Momoa dans le rôle, j’ai dû revoir cette incarnation à la hausse.
Ce parti pris graphique s’éloigne de ce que faisait le pôle animation de DC et qui était hérité de l’animé Batman de Paul Dini et Bruce Timm. La réalisation traditionnelle suit également le même chemin avec quelque chose de plus énergique. Fin du monde oblige, puisque le background évoque une guerre entre Atlantes et Amazones, tout ce monde évolue dans des paysages apocalyptiques et les cadrages sont au rendez-vous pour les mettre en valeur. Le démon Etrigan, Lex Luthor, Deathstroke, Gueule d’argile, Ocean Master ou encore Black Manta évoluent dans des compositions acérées dignes de l’animation japonaise.
Pour autant il s’agit juste là d’une source d’inspiration, le studio n’étant pas allé jusqu’à faire appel à Madhouse comme Marvel l’avait fait pour une série d’OAV réservé à Wolverine, les X-men, Iron Man ou encore Blade. Jay Oliva reste à la barre après avoir dirigé une bonne partie des adaptations DC et notamment celle de The Dark Knight Return en deux parties pour en citer une dans le même ton. Mais on sent un certain essoufflement dans sa façon de mettre en scène les affrontements où la rapidité de Barry Allen, ce qui est un comble avec un film centré sur ce personnage.
Ce super-héros a la réputation d’être toujours en retard et ici cela semble également le cas puisqu’en matière d’animation de mouvement en pleine course la palme revient au court-métrage « Record du monde ». Un titre qu’il n’a pas volé et pour cela il faut remonter à 2003 avec la gamme Animatrix venue compléter les opus deux et trois de Matrix. On peut y voir une caméra virevoltante autour d’un sprinter et il est dommage de voir que 10 ans séparent les deux productions et qu’aucune avancée n’a été faite dans ce domaine.
À la rigueur on retiendra le passage à l’image de synthèse pour le dernier plan séquence, qui est clairement inspiré de celui du Spider-Man de Sam Raimi, mais encore une fois cette technique aurait pu être utilisée à meilleur escient. Cet accès à la force véloce pour courir plus vite aurait pu être marqué par le passage à la 3D et se permettre bien plus de folie visuelle mais il n’en est rien. Un changement de style visuel aurait également été bienvenu entre les deux timelines, notamment en transition avec le style de Paul Dini comme je le mentionnais plus haut, mais le passage en mode manga semble déjà un grand pas en avant pour en demander plus.
C’est d’ailleurs grâce à cette ambiance bien particulière que la violence peut-être exacerbée ce qui est peu courant dans ce type de production tout public. L’interdiction aux moins de treize ans aux États-Unis est justifiée par un meurtre d’enfant, un bras arraché, un coeur à vif, un headshot qui laisse apercevoir le cerveau, des giclées d’hémoglobine, du sang en fontaine,… C’est très gore et les animateurs semblent s’en donner à coeur joie comme si ils étaient en train d’évacuer des années de frustration après avoir travaillé sur des projets politiquement corrects. Mais tout ceci ne serait rien sans un scénario pour justifier cette débauche de violence.
Même si on a l’habitude avec ce genre d’adaptation d’en effleurer juste la surface, la faute au temps alloué à ce type de production ne dépassant généralement pas l’heure et quart, il est donc difficile de raconter la totalité des événements. À de multiples reprises l’histoire use de raccourcis afin de condenser l’intrigue mais la liberté prise sur la scène d’introduction était bien inutile. Cette entrée en matière dans le musée de Flash est beaucoup trop longue et hors sujet en plus de faire perdre un temps monstrueux pour laisser respirer l’adaptation de cet arc narratif.
Il aurait été beaucoup plus sensé de le retranscrire tel quel, à savoir avec les origines de Reverse Flash. En l’état les motivations de ce méchant restent flous, ou au mieux plutôt faussement machiavélique, par rapport à la haine qu’il est sensé vouer à Barry. À moins d’être fan de l’univers DC, on ne risque pas de comprendre le plan de ce némésis de Flash. C’est le 17ème film de l’univers animé de la filiale DC Animation, ce qui implique un certain suivi comme peut l’être le MCU, mais cela ne doit pas pour autant exclure une partie du public moins connaisseur.
En tout cas même les fans de Marvel y trouveront leur compte puisque la structure en reprend le même schéma avec une scène post-générique. Hormis cette ouverture ratée, l’histoire est globalement fidèle à sa version papier mais avec des difficultés à gérer ses transitions. Le milieu du film est notamment parasité par une espèce d’interlude revenant sur les origines des personnages de cette timeline. Une chose plutôt bienvenue pour étoffer les héros d’un passé alternatif mais mal amené dans la narration. Ce n’est qu’un peu plus tard que l’on comprend qu’il s’agit là de visions qu’a Flash et qui viennent se substituer aux souvenirs de son monde d’origine.
Cela permet d’entrevoir l’origin story de ce Batman version Thomas Wayne mais aussi de Martha Wayne en guise de Joker qui donne envie d’en voir beaucoup plus. Genre un film entier. Je sais que ma demande ne sera jamais entendue mais par contre j’ai bien écouté le casting vocal qui est plutôt mauvais. Même si il n’apparait que peu de temps à l’écran, la voix française de Hal Jordan n’est vraiment pas appropriée. Sans que je ne puisse me l’expliquer, la prononciation de certains noms clés sont également mal traitée comme Thawne ou Themyscira.
Les versions françaises de la série télé Flash ou le film Wonder Woman nous ont habitué à une autre prononciation ce qui est assez déroutant au point de se demander si l’on n’est pas devant une version québécoise. Ce qui n’était pas le cas puisque les autres noms ont été épargnés. Dommage que la traduction n’a pas bénéficié du même soin que la version originale qui peut compter sur un casting vocal de haut vol avec entre autres Michael B. Jordan, Ron Pearlman, Kevin Conroy ou encore Nathan Fillion.
En résumé cette adaptation est une sorte de résumé du comics. Elle aurait pu être tellement plus de par les défauts que j’ai évoqué plus haut mais aussi avec les thématiques. La citation des alcooliques anonymes n’a rien d’anodine et aurait pu être exploitée comme un fil directeur. Compte tenu du degré de violence dont font preuve certains plans il n’y aurait eu aucun problème à aborder ce sujet. Je pense notamment au fait que dans cette temporalité certains super-héros sont devenus des anonymes suite à ce paradoxe. Il y a aussi le personnage de Thomas Wayne qui a un certain penchant pour l’alcool et qui est vu à plusieurs reprises avec une bouteille à la main.
C’est là tout le paradoxe, qui est loin d’être temporel (peut-être générationnel?), dans une production destinée aux enfants où l’on peut montrer les pires atrocités visuelles mais pas des problèmes de dépendances à une drogue. Cet animé aurait alors pu prendre une toute autre dimension et gagner en profondeur. Une occasion manquée qui n’enlève rien à la qualité de cette adaptation qui doit beaucoup à l’oeuvre d’origine. On peut le voir comme une sorte de lecture en accélérée du comics du même nom mais ça serait dommage de se priver des fabuleuses planches de Andy Kubert.
« JUSTICE LEAGUE: THE FLASHPOINT PARADOX » WINS!