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« La tour sombre, tome 1: le pistolero » de Stephen King

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« LA TOUR SOMBRE, TOME 1: LE PISTOLERO » VS PROCRASTINATION

Nous sommes tous à la recherche de ce qui nous rend unique. De ce qui fait de nous une personne identifiable entre mille et généralement cela passe par notre personnalité. Nos goûts sont ce qui permet de nous différencier de la masse et d’être reconnaissable comme étant le type qui aime « ceci » ou la fille qui aime « cela ». Le dégout pour quelque chose participe aussi à nous définir mais l’on retient toujours mieux ce qui est positif chez une personne plutôt que ce qui est négatif. C’est notamment flagrant à l’adolescence, lorsque l’on se cherche encore, on fait des expériences, on teste des choses jusqu’à trouver quelque chose qui nous correspond et avec lequel on se sent en accord.

Généralement cela s’illustre par une crise identitaire que les parents redoutent car ils sont eux-mêmes passés par là. Ils savent ce qu’ils ont fait endurer à leur famille avec leurs sauts d’humeur, leurs délires capillaires et / ou vestimentaires. Ce comportement anarchique d’un certain point de vue reflète le plus souvent une forme de rébellion envers la société. Un rejet de ce qu’elle a à nous proposer et c’est ainsi que l’on se tourne vers des figures contestataires, des symboles de révolte. Pour ma part je pense avoir été assez sage durant cette période ingrate et avec du recul, je me rends compte que cette phase a surtout été consacrée à la recherche de moi-même.

Nous sommes tous une combinaison de savoir, de gouts, de défauts, de qualités et c’est ainsi que j’ai commencé à chercher la combinaison de ce coffre où toutes ces choses étaient enfermées. Pour une grande majorité des cas nous exprimons notre personnalité à travers notre attirance envers l’art. La musique, les films, les séries télé, les jeux vidéo ou la littérature sont le reflet de ce que nous sommes et il assez commun de deviner les traits de caractère d’une personne en fonction de ce qu’elle écoute ou de ce qu’elle lit. Et puisque comme tout le monde nous sommes unique, il est plutôt courant d’orienter son attention vers ce qui n’a pas la cote en terme de popularité.

Cette démarcation, je l’ai moi-même faite en faisant mien des groupes de musique obscures, des films d’auteur abstraits et bien d’autres choses qui ont contribué à faire de moi la personne que je suis aujourd’hui. Cette singularité permet de créer des liens avec d’autre personnes afin de pouvoir communiquer sur sa passion. On veut à tout prix faire connaitre sa découverte, on s’efforce de propager la bonne parole afin de convertir des connaissances en amis. Et c’est là que le paradoxe intervient puisque lorsque cette oeuvre qui nous tient tant à coeur commence à être reconnue à sa juste valeur, on s’en désintéresse. 

On se sent comme dépossédé de son bien et on s’en éloigne au point d’en être écoeuré. Elle ne nous appartient plus, elle appartient au public lambda. Et de ce fait, cette accessibilité, qui autrefois nous était réservée, se trouve en libre accès. Ce qui était incompris de tous, à part nous, se voit désormais porter au nu par toute une communauté. Tous ces efforts, afin de faire la promotion de cette oeuvre filmique, littéraire ou musicale, se voient ainsi réduits à néant par un énorme coup de marketing ou une adaptation. Notre mission est terminé, il faut repartir de zéro et trouver autre chose à aimer, à faire aimer aux autres.

La tour sombre à eu cet effet sur moi sans les effets secondaires que je viens de décrire car malgré la renommée de Stephen King, elle reste une saga aussi sombre que son titre. Pourtant j’étais loin d’être un binoclard toujours le nez plongé dans les bouquins. Si il y avait bien quelque chose qui me plaisait c’était les comics. J’ai grandi entourer de bande-dessinées et ce bien avant que cela ne devienne la folie que l’on connait aujourd’hui. Pour autant je ne m’en suis pas détourné lorsque cela a commencé à prendre de l’importance au point de faire l’objet de nombreuses conversations de la part de mon entourage.

J’avais une longueur d’avance bien trop grande sur ceux qui allaient profiter de cet engouement pour s’y mettre et j’y voyais là une bonne occasion de voir enfin traduit certains classiques encore inédits sur le marché français. Alors en attendant je me suis penché sur la littérature et l’oeuvre de King s’est imposée à moi car, d’une certaine façon, elle m’était familière. Les adaptations se sont toujours succédées et notamment celle de « Ça » en téléfilm en deux parties. Enfant, il faisait partie des films que je n’avais pas le droit de voir et donc, par pur esprit de contradiction, que je me suis empressé de visionner.

J’ai aimé avoir peur devant ce téléfilm et j’ai beaucoup souri en le revoyant récemment tant il fait partie intégrante de son époque. Pourtant il m’a terrorisé et il a fait naitre, comme chez beaucoup d’autres enfants, une peur des clowns qui est depuis rentrée dans l’inconscient collectif. C’est avec cette même inconscience que je me suis engouffré dans l’immense bibliographie de Stephen King et là j’ai pu y découvrir un univers aussi connecté que pouvait l’être celui de mes comics. A mes yeux, je venais de mettre la main sur une alternative à Marvel et DC sous forme littéraire.

Et on ne peut pas dire que mes amis, aussi peu nombreux soient-ils, étaient particulièrement de grands lecteurs. Des adeptes de jeux vidéo ça ne faisait aucun doute et bien que j’étais aussi un gros gamers, j’avais pour moi le fait d’être éclectique dans mes centres d’intérêt. L’important était d’avoir une bonne histoire à se mettre sous la dent peu importe le média. Et si il y en a bien un qui n’était pas au centre des médias malgré la popularité internationale de son auteur, c’était bien La tour sombre. A la croisée des genres entre western, science-fiction, Fantasy, horreur, fantastique, super-héroique,… 

Je venais de trouver là une oeuvre qui allait me définir autant qu’elle allait faire de moi le cliché de l’intellectuel dans un monde où la lecture, même de divertissement, était considérée comme tel. Il fallait être fou pour s’engager dans un récit sans la moindre image pour prémâcher tout le travail d’imagination. Et je l’étais sans doute, ou en tout cas suffisamment, pour faire abstraction des 5000 pages que pouvaient compter les sept tomes et débuter mon périple avec le premier d’entre eux. L’auteur lui-même considérait cette saga comme la Jupiter du système solaire de son imagination. De quoi mettre à l’épreuve la mienne.

Pourtant ce « Pistolero » j’ai du l’abandonner plusieurs fois en cours de route. Je l’ai commencé puis mis de coté. Repris puis aussitôt abandonné à quatre ou cinq reprises, peut-être même plus. Pourtant il y avait toujours quelque chose qui me poussait à revenir, je savais que quelque chose de plus grand se cachait derrière alors j’ai persévérer dans ce monde à la poursuite de ce sorcier à laquelle se livre Roland dans le désert. Et un autre sorcier est arrivé. Si celui dont je parcourais les pages n’avait pas de nom, juste l’homme en noir, son concurrent en avait un et tout le monde l’avait sur le bout des lèvres: Harry Potter.

Je venais à nouveau de perdre ce qui faisait ma particularité. Tous les gens de mon âge s’était enfin mis à la lecture grâce à J.K. Rowling. Et j’ai moi-même suivi les aventures de ce petit sorcier à lunettes, d’abord sur grand écran je l’avoue puis j’ai rattrapé mon retard avant de voir le deux derniers films. Cette concurrence de sept tomes également m’a fait prendre conscience d’une chose que seul des fans pures et dures peuvent ressentir. A chaque génération, il y a toujours eu une saga qui a su s’imposé au profit d’une autre. Star Wars & Star Trek ou Marvel & DC, j’avais toujours vu cette compétition d’un bon oeil car quoi qu’il arrive le public en sortait gagnant avec toujours plus de possibilités pour se divertir.

J’en étais moi-même gagnant car j’aimais autant les Jedi que les Romuliens, Batman est présent depuis mon enfance et le sera avec certitude jusqu’à ma mort et j’ai vu en Spider-man un excellent personnage. J’avais toujours une préférence pour l’un ou l’autre bien sûr et c’est ce qui s’est également passé ici. La tour sombre a remporté mon adhésion et reste encore aujourd’hui l’une des meilleures sagas qu’il m’ait été donné de lire. A part en comics, et un film au cinéma un peu bancal, aucune adaptation n’a su retranscrire avec fidélité cet univers. J.K. Rowling a eu cette chance et c’est le déclic qui m’a incité à reprendre en main ce premier tome pour de bon.

Cela peut paraitre aberrant au regard de la faible longueur de ce tome, le plus court des sept, et pourtant il est très difficile. Au final je ne regrette pas d’avoir persévéré tant cette saga m’a offert des moments absolument magique auprès de ces personnages et tout a commencé ici. Et maintenant que j’ai terminé l’ultime aventure de Roland, je me rends compte à quel point je ne faisais que suivre ses pas lorsque j’ai abandonné puis recommencé et ainsi de suite ce « Pistolero ». Ce récit est une sorte de pèlerinage. Et je pèse mes mots, seuls ceux qui ont déjà lu cette épopée dans son intégralité peuvent comprendre.

C’est un pèlerinage autant pour le personnage principal que pour un lecteur qui retourne à cet univers pour un autre tour de roue. Pour ceux qui s’y aventure pour la première fois, ils feront la connaissance de Roland, le pistolero, dont la personnalité est celle d’un homme obsédé. Chaque mot se charge de retranscrire son obsession pour l’homme en noir et la tour, son objectif. Cette tour sombre, dont l’épopée tire son titre, est au centre des mondes créés par l’auteur et l’on peut y voir donc des allusions à ces autres romans comme shining, le fléau et bien d’autres. Tous sont connectés par un réseaux de références allant au-delà de l’auto-citation.

En effet, un personnage secondaire d’un roman peut se retrouver au centre d’un tome et vice-versa. Tout cela reste d’une cohérence implacable même si Stephen King a du faire des retouches sur les nouvelles éditions de ce premier galop d’essai dans l’entre-deux-mondes. Des changements nécessaires afin de faire un tout cohérent avec les autres tomes destinés à s’additionner à celui-ci et notamment avec les séquences de flashback de Roland qui seront beaucoup plus développées dans le quatrième tome. Il s’en explique d’ailleurs dans la préface, vraiment brillante et encourageante pour tous les auteurs en herbe, où il évoque la genèse de cet univers.

King y partage son lot de références et la plus évidente qu’il met en avant est celle du seigneur des anneaux. Lorsque l’on connait la saga dans son ensemble, il est assez évident que l’auteur a été confronté au même choix que ceux auxquels nous avons du faire face plus haut. A une époque l’oeuvre de Tolkien avait trouvé en « A la croisée des mondes » un concurrent de taille dans le coeur du public qui semble avoir choisi le premier. Mais les univers parallèles de Philip Pullman ne sont pas pour autant ignorés par l’écrivain puisque l’on peut déjà voir dans ce tome des similitudes avec son travail et l’annonce d’un monde bien plus grand qu’il n’y parait.

C’est un récit complet et complexe qui exige autant de son lecteur qu’il a pu en exiger de son auteur. Ça part dans tous les sens mais l’écriture reste fluide et offre des moments d’anthologie comme ce trip sensoriel avec l’homme en noir digne de celui visible dans Doctor Strange. De la sorcellerie que n’aurait pas renié Stephen Strange et dont le jeune King de l’époque a surement du s’inspirer en tant que fan de comics au point d’en avoir réutilisé le même format en épisode, cinq ici dont chacun d’entre eux a été publié dans un magazine avant d’être regroupé ici.

On peut limite voir l’ouvrage comme un recueil de nouvelles et l’ajout de l’une d’entre elles, intitulée « les soeurs d’Eluria » et se passant avant les événements de ce roman, va dans ce sens. Mais ne nous y trompons pas, il faut voir ce supplément comme un flashback comme il en est fait mention dans le premier tome et venant agrémenter le background de Roland. « Le pistolero » est la porte d’entrée à emprunter pour lire cette saga d’une façon cohérente, c’est pourquoi cette nouvelle se situe en toute fin. Ce découpage sous forme d’épisode a donc nécessité une révision complète de la part de l’auteur qui s’est attardé sur son contenu afin de garder une cohérence avec les éléments qu’il allait mettre en place dans les tomes suivant.

Cette correction porte essentiellement sur certains noms de personnages et de petits détails amenés à prendre de l’importance et qui rendent le texte incohérent en l’état. Dans un univers où s’entremêlent un cow-boy à la poursuite d’un sorcier dans un univers post-apocalyptique où il rencontre un enfant venu de New-York et l’aidant à affronter des mutants, que peut-il bien y avoir de cohérent? Et pourtant ça l’est. Je dois bien avouer que tout ces éléments disparates qui m’avaient attirés au premiers abords sont les mêmes qui m’ont fait trébucher dans ma lecture. La richesse de ce point de départ était pourtant d’une grande simplicité en comparaison avec ce qui m’attendait dès le tome suivant.

Mais toutes ces incohérences et ces incompatibilités de genre m’ont poursuivis jusque dans ma vie. Elles se sont immiscées dans mes propres flashbacks, mon enfance, car lorsque je me remémore ma première rencontre avec cette oeuvre cela remonte à l’école primaire, hors je n’ai découvert les livres de Stephen King que bien plus tard. Complètement incohérent par rapport à la période et inexplicable, c’est dire à quel point cette saga fleuve a pu avoir un impact dans ma vie. Cette impression de déjà vu lorsque j’ai croisé la couverture du premier tome et des suivants a refaçonné mes souvenirs pour me donner raison.

Le destin, le Ka, m’a amené a croisé la route de Roland et de faire partie de son Ka-Tet à jamais. Mais encore aujourd’hui je m’interroge sur cette adoration que je porte à la tour sombre. Et malgré tout l’amour que je peux éprouver pour la saga du petit sorcier à lunettes, la quête du pistolero l’a toujours emporté dans mon coeur. Peut-être est-ce du à l’état émotionnel dans lequel je me trouvais à cette période de lecture qui coïncidait avec la perte de mon animal de compagnie? Possible. Peut-être est-ce du au fait que cette épopée était moins connue ce qui m’a permis de me l’approprier plutôt que de suivre le mouvement amorcé par J.K. Rowling et ses adaptations? Possible.

D’ailleurs même si ce Magnum Opus a débuté bien avant l’école des sorciers et le tout sur une période de quarante ans, il est amusant de noter que des références au célèbre sorcier sont faites dans les tomes suivant. Peut-être est-ce cet aspect méta qui m’a plu? Assurément. Le mélange des genres de la Fantasy, de la science-fiction, des vampires, des légendes Arthurienne, des Cow-boys,…? Carrément! J’ai toujours trouvé attirant de placer le genre du western dans un cadre fantastique et là, j’ai été servie au delà de mes espérances.

« LA TOUR SOMBRE, TOME 1: LE PISTOLERO » WINS!

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