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« Les jeux vidéo au cinéma » de Alexis Blanchet

« LES JEUX VIDÉO AU CINÉMA » VS PROCRASTINATION

A l’heure où Ready Player One a mis les deux communautés d’accord en alliant l’amour du jeu vidéo à celui du cinéma, il n’en a pas toujours été ainsi. Loin de là. Je peux en témoigner pour avoir été un joueur assidu sur plusieurs plateformes, en commençant très tôt avec la Nintendo puis la Megadrive. Une période qui coïncidait avec la découverte du cinéma et mon amour pour le septième art. Et paradoxalement, j’ai consommé autant de mauvais jeux que de mauvais films. La raison est que j’ai beaucoup joué aux jeux adaptés de long-métrages tout comme j’ai énormément regardé d’adaptations de jeu vidéo au cinéma. L’un comme l’autre n’avait pas pour autre vocation que d’être des produits purement mercantiles.

Tout était une question d’adaptation dans tous les sens du terme. Notamment dans le médium cinématographique qui, afin de se garantir une transposition au format vidéoludique, se devait de proposer quelque chose de facilement transposable. Ce cercle vicieux amenait les deux industries à une production médiocre qualitativement parlant. La quantité, elle, était bien au rendez-vous et même au-delà de leurs espérances puisque ce secteur concurrentiel qu’est le divertissement a vue l’industrie du cinéma dépasser par celle du jeu vidéo en terme de revenus. Mais le public en a été le véritable gagnant dans cette histoire et pour ma part mes deux passions, s’adaptant l’une et l’autre à tour de rôle, se sont influencées afin de les faire évoluer.

Un certain Alexis Blanchet est également membre de cette génération dont je fais également partie et qui a vu l’émergence d’une nouvelle forme d’art hybride. Cette époque est, ni plus ni moins, que l’aube de ce nous connaissons comme le transmédia voyant une histoire commencé dans un film, se poursuivre dans un jeu vidéo ou encore le développement des personnages secondaires dans un comics book. Sans cette époque de jeux vidéo ratés et de films tout autant conspués par la critique, nous n’aurions jamais eu ce foisonnement multi-supports devenus depuis une norme. Mais l’amusement peut aussi être enseigner dans des structures dites sérieuses. C’est ainsi que Alexis Blanchet, maitre de conférence à la Sorbonne, se propose d’évoquer cette spécialité dans son ouvrage après en avoir consacré bien d’autres sur le sujet.

Bien sur, malgré ce CV riche en études supérieures, l’ouvrage n’a pas la prétention de perdre son lecteur et n’en reste pas moins accessible. Il se présente dans un format horizontal ce qui permet d’avoir des pleines pages reproduisant les plans de certains films mis à contribution pour l’exercice. Pour ce faire, l’auteur commence bien sûr par une retrospective que nous considérons depuis comme étant rétro. Pong, Space Invaders ou encore Pacman, la société Atari est présentée à travers ses succès qui font désormais la joie des adeptes du retro-gaming. Ce retour dans les années 70 correspond à peu près à l’avènement des images de synthèse et donc à l’imagerie cher aux jeux vidéo.

En premier lieu, l’ouvrage ne va pas réellement tirer partie de son format puisque l’auteur s’attardera sur les affiches qui sont la première vitrine de ces films à destination d’un public de gamers. Et comme l’indique le titre, ce n’est pas pour autant qu’il va s’intéresser aux adaptations en question, là est la nuance puisque l’auteur va traiter sa thématique en commençant par ni plus ni moins que The Last Starfighter. Suivront, dans le désordre: Speed Racer, Tron, Gamer, Spy Kids 3D, Final Fantasy les créatures de l’esprit, Passé virtuel, Le cobaye, Johnny Mnémonic, Nirvana, Ultimate Game ou encore Existenz. Même si pour ce dernier l’auteur émet un doute quant à son réel sujet.

Dans l’ensemble tout ces films partagent le point commun d’avoir des codes propres à ceux du jeu vidéo dans leurs cheminements narratif, la technologie des effets spéciaux, la thématique de l’intelligence artificielle… Ce cheat code permet donc de tricher auprès du public faisant une infidélité à leurs consoles pour se rendre dans les salles obscures. Mais les consoles sont aux magnétoscopes ce que les salles d’arcades sont aux salles de cinéma. Et si aujourd’hui l’un comme l’autre ont depuis disparu et la fréquentation des cinémas est à la baisse à cause du streaming et de la vidéo à la demande, les films de l’époque ont su capter l’importance de ce lieu privilégiant l’immersion. 

Outre The Last Starfighter, il n’y a qu’à voir cette séquence de Terminator 2 où John Connor se trouve dans un cockpit rotatif lui permettant de simuler celui d’un avion dont il tient les commandes. Cette courte scène, anodine en apparence, offre un discours méta sur la technologie au sein de l’histoire mais aussi le futur de ce jeune personnage destiné à sauver l’humanité et, pour ce faire, à piloter des engins de ce type. Ce n’est pas pour rien que le joystick tire son nom du manche des avions de l’armée, cette anecdote de l’auteur fait sens sans pour autant être soulignée dans le cas de The Last Starfighter qui voit une borne d’arcade être en réalité un simulateur de vol de vaisseau spatial. 

Mais ce qui marche dans un sens est également vrai dans l’autre puisque les jeux vidéo sont aussi utilisés à des fins miliaire, notamment pour l’entrainement des soldats ou des simulateurs de vol. Il est d’ailleurs interessant de constater que des développeurs comme Hideo Kojima s’appliquent à faire des jeux dit pacifiques où le but est de tuer le moins d’ennemis possible, voir de passer complètement inaperçu à leurs yeux. Loin d’être du fun en barre tel qu’on se l’imagine une fois que l’on a une manette entre les mains, l’armée aurait tout autant intérêt à jeter un oeil du coté de la saga Metal Gear Solid afin d’en tirer certaines leçons de diplomatie. Et par extension les chefs d’états qui les contrôlent comme dans un jeu de stratégie. Oui clairement.

Et lorsque l’on voit le travail de Hideo Kojima, qui avait des ambitions de réalisateur et se retrouve à faire des films sur console, on se dit qu’il est dommage que cette ouvrage n’aborde pas le reflet de sa thématique. Si le jeu vidéo est présent dans le cinéma, ce dernier l’est tout autant dans le premier. L’inverse est tout aussi vrai donc puisque nombre de productions vidéoludiques actuelles puisent leur référence directement dans le septième art. Pas seulement en adaptant un film mais bien en transposant la grammaire cinématographique dans les cinématiques, les cadrages de Resident Evil, les Quick Time Event de Uncharted et autres astuces permettant de vivre une expérience hybride à la croisée des deux médias.

A mon sens on ne pouvait pas aborder l’un sans développer l’autre et dans nos contrées une personne comme David Cage aurait pu alimenter une bonne partie de cette section. Son studio Quantic Dream est même l’un des précurseurs sur ce terrain d’expérimentation en en faisant sa marque de fabrique avec des jeux cultes comme Beyond Two Souls ou Detroit Become Human. Encore une fois ces jeux ont des choses en commun avec l’oeuvre d’Hideo Kojima puisqu’ils prônent une forme de non violence en incitant le joueur à faire des choix au sein de l’histoire mais aussi à les assumer puisque chaque acte à des conséquences sur le déroulement de l’aventure.

Cette frontière entre réalité et fiction amène forcément à l’incontournable aparté sur la violence dans les jeux vidéo. La dérive des adolescents qui reproduisent en live ce qu’ils ont vécu derrière leur écran mais malgré ce genre de digression, l’auteur ne s’éloigne que très rarement de son sujet. Et même si il aurait été tentant de rapprocher la forme de Facehugger des différents casque de réalité virtuelle (ce que l’auteur fait) avec l’Alien qu’il implante au sein d’un corps et la folie meurtrière qui s’en suit, il n’en est rien. Mais la vue subjective d’un FPS a pour elle de renforcer l’immersion tout en étant délimitée par le cadre de la télévision. 

En supprimant ce cadre, il y a un risque pour la réalité virtuelle de mener à des dérives autrement plus meurtrières, chose que les films se chargent d’illustrer afin de créer du conflit au sein de l’histoire. Même si cela reste facile comme raccourci, autant scénaristique que psychologique et sociologique, les exemples d’Alexis Blanchet sont variés et font autant appel à cette problématique qu’à des histoires accès sur les coulisses de cette industrie florissante. Des success stories que le film français « Gamer » relate mais qui n’est plus d’actualité sauf pour les créateurs de jeux indépendants.

Une indépendance qui est loin de voir le jour tant les deux médias semblent amener à évoluer ensemble. Alexis Blanchet montre que l’on revient de loin avec des films comme Mario Bros qui est, témoignage à l’appui, l’improbable croisement entre SOS Fantômes et les tortues Ninja ou encore les problèmes des adaptations de Resident Evil. Dans le registre de l’horreur, Uwe Boll s’est fait une triste réputation en amenant le genre au même niveau que la qualité de ses réalisations. Mais même ceux avec un budget plus confortable, dont on peut voir les posters au gré des dernières pages, ne sont pas forcément mieux lotis. Peu importe qu’une star comme Angelina Jolie prête sa poitrine opulente à une icône comme Lara Croft ou que Jack Gyllenhall en face autant avec ses pectoraux pour Prince of Persia. 

Il n’y a aucune dague comme celle du Prince pour revenir dans le passé et changer ce triste état de faits. Pour autant seul un film n’a pas le droit de cité alors qu’il en est peut-être le meilleur représentant de cette transposition au cinéma: Edge Of Tomorrow. Et pour cause, la date d’édition de cette ouvrage est antérieure à celle de la sortie du film. Peut-être pour une future édition revue et augmentée? Transposant le principe de point de sauvegarde et de l’accumulation de vie, le film qui met en scène Tom Cruise est peut-être la meilleure adaptation d’un jeu vidéo sans pour autant en être un à la base.

« LES JEUX VIDÉO AU CINÉMA » WINS!

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