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Mission impossible : en toute subjectivité

Il y a un homme dont le mot impossible ne figure pas dans son vocabulaire: Ethan Hunt. Et Tom Cruise, par extension. Soit la star la plus connue au monde pour incarner l’homme le plus anonyme en tant qu’agent secret. Sur ce terrain, il entre donc directement en concurrence avec James Bond. Une saga d’espionnage qui a connu bien des visages (Sean Connery, George Lazenby, Roger Moore, Timothy Dalton, Pierce Brosnan et Daniel Graig), là où Mission impossible à conserver la même tête d’affiche. De toute façon, on ne pourrait voir personne d’autre dans ce rôle.

À l’épreuve des balles et du temps, Tom Cruise a pourtant eu différents visages pour s’infiltrer. Des masques qui lui ont permis de se fondre dans la foule pour mieux la sauver. Mais contrairement au porteur du matricule 007 qui semble voué à ne jamais évoluer malgré ses multiples incarnations, Ethan Hunt a connu bien des changements au cours de sa carrière d’espion. Tour à tour simple agent au sein d’une équipe, paranoïaque, rebelle, séducteur, mari à la retraite, mentor, meneur d’hommes, fugitif, et j’en passe, ce sont là les multiples facettes d’un être insaisissable.


1.Mission impossible : Fallout

Un épisode, un réalisateur. Une règle qui a fonctionné pendant des années. Mais comme toute règle, celle-ci à son exception. Ainsi, Christopher MacQuarrie a le privilège de poursuivre sa collaboration avec Tom Cruise pour livrer un nouvel opus. Et on sent, contrairement à ses confrères, que ce second essai lui a permis de mieux comprendre les rouages de la franchise. Dès lors, le cinéaste peut corriger ses erreurs pour offrir l’un des meilleurs films de la saga. Entre un méchant intéressant, des cascades spectaculaires, des punchlines, une histoire captivante… Fallout coche toutes les cases.

De même, ce Mission impossible s’applique à être la somme de ses prédécesseurs en étant une sorte de best of: Benji qui guide Ethan comme dans le 3, la mention de Max… Seule manque la figure imposée du saut et l’arrêt à ras du sol. Un gimmick qui a depuis été parodié par d’autres productions, et surpassé par ses propres suites. C’est limite s’ils ne boxent plus dans la même catégorie. Et lorsque l’on voit la baston dans les toilettes, avec un Henry Cavill qui recharge ses poings, difficile de lui donner tort. La course-poursuite en plein Paris donne elle aussi son lot de frissons. Même si le trafic est étonnamment fluide dans la capitale.

Christopher MacQuarrie élève donc la licence à un autre niveau. Pourtant, impossible de ne pas remarquer dans son travail une certaine influence. Ainsi, s’il n’avait pas rempilé pour la seconde fois, Christopher Nolan aurait été un excellent candidat pour mettre en scène ce scénario. Il n’y a qu’à voir l’embuscade visant à libérer Solomon Lane pour s’en convaincre. Avec une musique très Hans Zimmer à l’appui. Mais la véritable nouveauté de cet épisode se trouve dans la narration. Dans cette manière d’avoir recourt à des flashsideways pour montrer à quel point les choses peuvent mal tourner. Et ce dès le début avec un cauchemar se terminant sur une vision d’apocalypse.

2.Mission impossible 2

MI2 pour les intimes. Surtout pour les adorateurs de ce film dont je fais partie. Pourtant, tout cinéphile digne de ce nom mettrait cette suite en dernier, mais je ne pouvais m’y résoudre. Nanardesque au possible, comparer à l’opus précédent et à tous les suivants, je garde tout de même une certaine affinité pour cette séquelle. Cela a sans doute à voir avec le fait que ce blockbuster s’inscrit dans une ère post-Matrix dont j’étais plus que client. Et c’est aussi le premier Mission impossible que j’ai vu au cinéma. J’avais regardé les trailers jusqu’à plus soif, connaissant déjà les temps forts à base de course-poursuite en moto, la paire de lunettes qui donnait les directives… Pourtant, je n’étais pas prêt pour ce blockbuster démesuré en mode égo trip pour Tom Cruise.

Crucifié sur une falaise lors d’une session d’escalade, l’acteur s’investit au-delà de son statut de superstar lors de cascades spectaculaires. Dès lors, toutes les occasions sont bonnes pour faire voler sa chevelure comme dans un concert de rock. D’ailleurs, le thème musical est réinterprété par le groupe Limp Bizkit pour un résultat détonant. De quoi accompagner les séquences d’action mise en scène par un John Woo qui ne cesse de redoubler d’inventivité dans les retournements de situation à base de masques. Des jeux de visages qui sont dans la continuité de son chef d’oeuvre Volte-face, et qui font de Sean Ambrose le véritable double maléfique d’Ethan Hunt.

Avec Nyah, ersatz de Catwoman, ils forment une sorte de triangle amoureux qui vire à la tragédie. Mais aussi à l’eau de rose pour une romance qui a surement déterminé le fait qu’il n’y en aurait de moins en moins dans les opus suivants. Misogyne au possible dans son traitement de la femme, plusieurs remarques sont vraiment à côté de la plaque. C’est d’autant plus paradoxal que Thandie Newton contribuera à bâtir un personnage féministe au possible dans Westworld. Et s’il y a bien quelque chose en commun avec la série HBO, c’est la dimension western. Surtout dans son climax qui est un véritable règlement de compte. Du divertissement toujours plus dans l’extrême que ça en devient improbable. Tellement que Ben Stiller en a livré une parodie absolument hilarante.

3.Mission impossible: ghost protocol

Après une trilogie pour le moins éclectique, c’est le premier film à abandonner la numérotation au profit d’un sous-titre. Protocole fantôme est donc le premier film en live action de Brad Bird, tout comme le précédent avait été le premier de JJ Abrams. Toutefois, comme son prédécesseur, Brad Bird est loin d’être un novice dans le milieu. On lui doit notamment Le géant de fer, Les indestructibles et Ratatouille. Des succès de l’animation certes, mais loin d’être le choix le plus évident pour mettre en scène un opus de Mission impossible. Pourtant le cinéaste accepte la mission et insuffle une nouvelle dimension à cette franchise. 

Outre une réalisation des plus classieuses, le scénario s’applique à faire des allusions aux premiers épisodes. Ainsi, le garde du corps de Max fait une apparition avec la fameuse cagoule, et une continuité est établie dans la relation amoureuse d’Ethan et Julia. Cette dernière est d’ailleurs liée au background du personnage de Jeremy Renner. Comme pour la saga Jason Bourne, son rôle a été pensé pour être une sorte de successeur potentiel à Tom Cruise, sans que cela n’aboutisse. En effet, à l’époque la superstar était loin d’être en odeur de sainteté auprès du studio Paramount. Ses débordements autour de la scientologie et sa relation avec Kathie Holmes ont pas mal égratigné son image.

Ce quatrième volet était donc un tremplin potentiel pour la starification de Jeremy Renner qui va jusqu’à exécuter la fameuse figure du saut dans le vide devenu depuis iconique. Malgré tout, et malgré l’inventivité de cette séquence, ce ne sera pas suffisant. Tom Cruise parviendra à reconquérir son public en faisant de ses cascades la marque de fabrique de la licence. Sans lui, cette sensation de danger n’est pas aussi palpable. Surtout lors de ce moment de bravoure que représente l’ascension de la tour Burj Khalifa. Ainsi, contrairement à son équipe qui est complètement désavouée, Cruise est devenu totalement indissociable de Mission impossible.

4.Mission impossible : Dead Reckoning Partie 1

Même si cette première partie propose une fin satisfaisante, bien qu’ouverte, ce n’est là qu’une demi-histoire. Difficile donc de lui trouver une place dans ce classement. C’est comme avoir vu la moitié d’un film. Mais quel film ! Annoncé comme le dernier de la franchise, ce diptyque est surtout là pour clore un arc narratif entamé dans Rogue nation. C’est depuis cet opus que les histoires se suivent là elles avaient une sorte d’indépendance. Et l’arrivée de Christopher McQuarrie, au poste de réalisateur et scénariste, coïncide avec cette continuité.

La saga gagne donc en cohérence, mais perd ce qui faisait sa particularité. À savoir la promesse d’un spectacle unique, avec un début, un milieu et une fin, ouverte ou non, en plus de la satisfaction de ne pas devoir attendre une suite déjà programmée pour avoir des réponses. Un suspense loin d’être indispensable lorsque l’on sait que Tom Cruise en sortira vainqueur une fois de plus. L’intérêt ne réside donc pas dans l’histoire, mais dans les obstacles qui se dresseront sur son chemin pour le ralentir. De tous ces moments de bravoure qui compose ce septième épisode, il y a évidemment le saut en moto depuis une falaise. 

Hélas, cette cascade a été trop survendue dans les trailers pour vraiment être impactante. C’est à la fois l’avantage et l’inconvénient de baser son marketing sur les exploits de sa tête d’affiche. Cela reste un argument tout à fait valable pour se déplacer en salle et voir un blockbuster comme on en fait plus. Avec l’amour du cinéma. J’espère donc que la promotion de la seconde moitié en révélera le moins possible afin de pouvoir vivre cette expérience plus intensément. Dans l’attente d’un avis global avec le visionnage de la seconde partie, Dead Reckoning se retrouve donc au milieu. Même si ses qualités évidentes tendent à le pousser vers le haut du panier.

5.Mission impossible 3

La filmographie de Tom Cruise est une véritable collection de cinéastes. Stanley Kubrick, Steven Spielberg, Martin Scorsese, Michael Mann, Ridley Scott et j’en passe: les plus grands l’ont immortalisé devant leur caméra. Mais sa franchise Mission impossible lui a aussi permis d’avoir un pouvoir de décision sur ses collaborateurs. Et après Brian de Palma, et John Woo, Tom Cruise a une autre légende dans le viseur: David Fincher. Mais l’association de ces deux maniaques du contrôle n’aboutira pas. À défaut d’engager un cinéaste de renom, Tom Cruise se tournera vers les futurs grands en donnant sa chance à JJ Abrams.

Le réalisateur se sert alors de son passif dans la télévision pour revenir à l’essence même de ce qu’était Mission impossible: une série télévisée. Ainsi, même si Tom Cruise reste la tête d’affiche, l’équipe autour de lui reprend de son importance. Cette dernière voit notamment l’arrivée de Simon Pegg dans le rôle de Benji qui deviendra l’un des membres les plus dévoués d’Ethan. Et il ne sera pas de trop avec un épisode qui démarre dans la plus pure tradition des épisodes de série, à savoir un flashforward. Celui concocté par Abrams est des plus énigmatiques et impose directement Owen Davian comme un des méchants les plus charismatiques de la saga.

Il faudra bien ça pour pallier au manque de cascades mémorables. Le film a beau être très rythmé en temps fort entre l’enlèvement au Vatican, l’embuscade sur l’autoroute et le cambriolage se déroulant à Shanghai, il n’y a rien de vraiment mémorable. Ou en tout cas, il n’y a rien qui n’ait nécessité de mettre la vie de l’acteur en péril. Même la reprise du célèbre saut du premier n’est plus qu’une formalité. L’intérêt de ce troisième opus réside plutôt dans son histoire, plus précisément dans son macguffin dont le nom n’est pas sans évoquer un objet qui porte chance. Une patte de lapin dont Tom Cruise a dû faire usage plus d’une fois pour avoir le gout du danger et toujours s’en sortir.

6.Mission impossible

« Tu sais, je ne suis qu’un acteur. »

Voici ce qu’a répondu Tom Cruise à Brian de Palma lorsque ce dernier lui a suggéré de ne pas faire appel à un cascadeur pour la séquence du restaurant où l’aquarium explose. Angoissé, mais professionnel, l’acteur s’est néanmoins plié aux exigences de son metteur en scène. Un état d’esprit difficile à croire lorsque l’on voit le tournant qu’a pris la franchise au fur et à mesure des épisodes. Au final, la scène n’a rien d’aussi spectaculaire à l’écran, surtout au regard des prouesses acrobatiques qu’a accomplies Cruise par la suite.

Nul doute que la superstar y serait allée d’elle-même si cette scène devait être retournée de nos jours. Pourtant, le film n’a pas vieilli, et ce grâce à la mise en scène de Brian de Palma. Le cinéaste impose un classicisme qui sera repris plus tard par Christopher MacQuarrie dans les derniers opus en date. Ainsi, mis à part la technologie utilisée pour les missions, le long-métrage n’a pas pris une ride. Sauf sur les masques pour donner le change qui font un peu trop fake comparer aux suites. Leur utilisation reste néanmoins l’une des marques de fabrique de la saga.

L’autre, c’est le saut où Ethan Hunt s’arrête à quelques centimètres du sol. Une scène de tension maximale dans laquelle Tom Cruise joue les trapézistes. Un moment iconique, pour un personnage qui ne l’est pas encore tout à fait. En effet, dans cette première aventure, Ethan n’est qu’un agent au service d’un supérieur. On mentionne même ses parents ce qui donne lieu a des pertes de sang froid qui donne de l’épaisseur au jeu de Tom Cruise. Cette rage culminera lors de l’impressionnant climax sur le TGV, jamais égalé depuis. Sauf si un jour l’acteur décide de le tourner en live, et non à grand renfort d’effets spéciaux.

7.Mission impossible : rogue nation

Pour la première fois, la menace de l’épisode suivant avait été teasée dans le précédent. Cela n’aurait pu être qu’un moyen de conclure sur une fin ouverte. Une aventure intermédiaire qui allait être occultée afin que le cinéaste qui allait prendre la relève puisse s’approprier cette nouvelle histoire. Mais il n’en est rien. Et pour cause, c’est Christopher McQuarrie qui avait été appelé en renfort pour réécrire la fin de Ghost Protocol, qui se retrouve derrière la caméra. Il hérite donc de ce qu’il avait précédemment mis en place comme base pour ce cinquième volet.

De cette manière, on a vraiment la sensation d’assister à une série sur grand écran. C’est d’autant plus vrai ici que le Syndicat est un ennemi issu de la série télé. Une organisation pareille à celle de Spectre chez James Bond, et qui avait fait son retour au même moment en 2015. Les similitudes avec l’agent 007 ne s’arrêtent pas là puisqu’Ethan Hunt va jusqu’à empiéter sur le territoire de l’agent secret en situant son climax à Londres. Une localisation symbolique qui s’explique par l’implication du MI6 dans l’intrigue, ainsi qu’une agent avec laquelle il va faire équipe.

Incarnée par Rebecca Ferguson, c’est la révélation de ce nouveau film. Une femme forte qui va rivaliser avec Tom Cruise en termes d’action. Du moins, à l’écran. Dans les coulisses, la superstar n’a aucun concurrent. Pas un cascadeur. Que ce soit en s’accrochant à la carlingue d’un avion, la plongée en apnée (malheureusement entrecoupé par ce qu’il se passe en surface), la sensation de vitesse lors de la course-poursuite en moto, Cruise assure le spectacle. Un dévouement qui force le respect, tout en ne négligeant pas l’équipe qui l’entoure. Mention spéciale pour le retour de Luther après un bref caméo dans l’épilogue du précédent volet.


La véritable mission impossible aura été de donner un ordre de préférence à ces films. Car contrairement à bien des sagas à rallonge, Mission impossible n’a jamais essayé de faire mieux que le précédent. Elle a juste essayé de faire les choses différemment, en prenant des réalisateurs différents. Jusqu’à l’arrivée de Christopher McQuarrie. À partir de là, la licence ne pouvait que se retrouver dans ce cas de figure, voué à se dépasser elle-même. Un peu comme la saga Harry Potter qui aura vu Davis Yates réaliser tous les derniers épisodes. La comparaison est d’autant plus flagrante avec une fin hypothétique scindée en deux parties. Mais finalement, peu importe le réalisateur, Tom Cruise est derrière chaque film. 

Il porte le masque du cinéaste qu’il a embauché afin de donner une identité à l’épisode du moment. Une usurpation qui vaut jusqu’à ce que McQuarrie reprenne le flambeau pour ne plus le lâcher. Dès lors, Tom Cruise agira à visage découvert, faisant du réalisateur un simple yesman à son service. C’est le showrunner de ces blockbusters dont l’inspiration trouve sa source sur le petit écran. Comme pour la série télévisée qu’il adapte, cette saga a son épisode pilote, d’autres en stand alone, avant d’embrayer sur des volets plus accès sur la mythologie, osant même l’épisode en deux parties. Après un tel sans-faute, j’espère que le season final sera à la hauteur.

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