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« Non-Stop » de Jaume Collet-Serra

« NON-STOP » VS PROCRASTINATION

Non, stop, je vous arrête tout de suite. Il ne s’agit en aucun cas du nouveau film de Jean-Claude Van Damme ou d’une quelconque star déchue du film d’action des années 80. C’est juste le nouveau long-métrage de Liam Neeson qui essaye depuis un moment déjà de faire prendre un virage à sa carrière pour l’amener vers quelque chose de plus muscler. Après la trilogie Taken, on se retrouve devant une production du même acabit. Typiquement le genre de production dont Chuck Norris ou Steven Seagal aurait pu tenir la tête d’affiche et voir le jour directement sur le marché de la vidéo.

Un marché qu’il a contribué à alimenter puisque l’acteur est à l’affiche d’une quantité de films impressionnantes et dont certains sont devenus des classiques. Il a tourné avec rien de moins que Martin Scorsese, Christopher Nolan, Sam Raimi, Steven Spielberg ou encore George Lucas. Un sacré palmarès de réalisateurs dont les plus grands ne semblent pouvoir combler son envie insatiable de tourner. Rien que le titre de ce film pourrait servir à définir une carrière éclectique autant qu’à la décrédibiliser. Il faut dire aussi que le titre ne brille pas non plus par son originalité et sa sobriété.

Ni d’une grande subtilité, ni d’une grande intelligence, il a au moins le mérite d’annoncer la couleur et de ne pas tromper le spectateur sur la marchandise. Du moins en surface car une fois les enjeux posés, il faudra faire preuve de jugeote pour relever les indices menant jusqu’au coupable. Mais avait ça l’histoire profite du contexte post 11 septembre 2001 afin de poser ses enjeux et ses personnages. Depuis les attentats, la sécurité à bord des vols s’est renforcée par le biais d’un Marshall en civil chargé de repérer le moindre comportement suspect parmi les passagers.

Bill interprété par Liam Neeson est l’un d’entre eux sauf que des événements personnels ont fragilisé sa capacité à faire son travail correctement. Lors du vol New York / Londres, il reçoit un message lui indiquant que si il ne vire pas 150 millions de dollars sur un compte, un passager mourra toutes les 20 minutes. Les bases sont posées afin d’offrir un huis clos en plein altitude dans la lignée de ce que Flight Plan avait pu proposer pour le coté psychologique. Liam Neeson oblige, l’action n’est pas pour autant en reste et s’emballe même lors de son final en offrant un minimum d’action pour clore le tout. 

Bien sûr cela reste dans les limites de ce que le décors et la situation propose, les scénaristes ne tombent pas dans le piège qui marquerait une trop grande différence avec le reste du métrage. L’écriture de John W. Richardson et Christopher Roach creusent également un peu l’aspect psychologique du personnage principal au détriment des autres passagers qui sont des clichés ambulants. Une astuce d’écriture qui accentue les caricatures et permet d’orienter le spectateur vers des suspects potentiels tout en brouillant les pistes. Tout les passagers deviennent ainsi d’éventuels meurtriers aux motivations obscures.

C’est un procédé vu et revu mille fois, surtout dans les romans d’Agatha Christie, mais cela fonctionne toujours aussi bien. On se surprend à suspecter une gamine de huit ans tellement la paranoïa nous gagne au fil de l’intrigue. Des choix improbables grâce à une mise en scène et un scénario qui dirigent le public sur des fausses pistes pour mieux le surprendre. Tout y passe, des passagers aux pilotes en passant par l’hôtesse mais surtout le héros lui-même. L’interprétation de Liam Neeson offre de la profondeur et de l’ambiguïté à son rôle de personnage torturé.

Il y a quelque chose de particulier dans son jeu qui rend ce Marshall crédible le temps d’un film mais Liam Neeson retombe bien vite dans ses vieux travers. Sa gigantesque filmographie ne joue pas en sa faveur. L’acteur a quasiment déjà interprété tous les rôles possibles et imaginables au point de ne plus vraiment surprendre. Sa palette d’émotions s’est diluée au point de faire le minimum syndical. Au final, il s’en sort correctement et insuffle quelque chose dans la lignée de la trilogie Taken dont ce film pourrait être une préquelle à peu de chose près.

Contrairement aux grands réalisateurs avec qui il a collaboré au fil des décennies, Jaume Collet-Serra n’a pas la prétention d’être un grand directeur d’acteur. De toute façon Liam Neeson est dans le circuit depuis tellement longtemps qu’il n’est plus forcément très réceptif au remarque d’un metteur en scène sur sa performance. Ils signent ici tous les deux leur deuxième collaboration après « Sans identité » et l’on est en droit de se demander ce qui fait l’identité de Collet-Serra au point de le retrouver sur ce projet loin de son univers. 

Ses débuts sont marqués par deux films horrifiques avec « La maison de Cire » et « Esther » qui ont eu leurs petits succès à l’époque de leurs sorties. Tout indiqué qu’il allait suivre les traces de ses compatriotes que sont Jaume Balaguero et Paco Plaza dans le cinéma d’horreur mais l’espagnol a choisi une autre voie. Mais plus on progresse dans le film plus on se rend compte que l’histoire flirt pas mal avec le fantastique. Le fait qu’une personne soit sensée mourir toute les vingts minutes renforce cet aspect car cela se passe quasiment à la seconde près et sous forme d’accident suivi d’un message du tueur.

Cela donne une ambiance surnaturelle et le bad guy donne l’impression d’être doué d’omniscience. On pense évidemment à « Destination finale » et la mort comme croquemitaine ultime s’acharnant à récupérer les passagers qui lui ont échappé lors de l’explosion d’un avion. Référence potentielle mais hypothèse écartée depuis les premiers textos tant on a du mal à se faire à l’idée que la Mort puisse utiliser un portable pour réclamer une somme d’argent dont elle n’a, de toute évidence et de part sa condition, pas besoin. Toutefois le responsable semble aussi invisible qu’elle et bénéficie de cette aura glaciale jusqu’à l’aéroport en guise de destination finale.

C’est en ça que l’on reconnait les racines horrifiques de ce réalisateur et c’est en partie de cet aspect que souffre le dénouement. Une révélation où l’on se pose encore plus de question: comment a t’il pu orchestrer tout ça depuis son siège? Comment pouvait-il prévoir les réactions de Bill sur la simple base de son profil psychologique? Beaucoup d’interrogations que l’on laisse en suspend tellement le rythme est soutenu et ne nous laisse pas le temps de tergiverser sur les possibilités ou la faisabilité de telle ou telle chose. Le film porte bien son titre et nous rappelle à juste titre que nous sommes devant un film et non devant un documentaire sur l’aviation et ses dérives.

Une suspension d’incrédulité qui sera mise à rude épreuve voir même mise en apesanteur dans une scène permettant au réalisateur d’innover dans la mise en scène de son unique décor. Même si la réalisation est propre et sans artifice ce genre de moment permet un peu de fantaisie et de spectacle. Beaucoup d’efforts on également été fait afin de suivre l’action, ou du moins les moments de tension, au plus près. Le héros communiquant par texto avec le terroriste, le film aurait pu sombrer dans d’innombrables cadrages sur un téléphone mais il n’en est rien.

Jaume Collet-Serra a opté pour la visibilité non seulement en matérialisant sur l’écran les messages par l’effet d’une petite fenêtre en surimpression, mais aussi de les traduire directement en français plutôt que d’avoir recours à l’habituel sous-titre. C’est vraiment bienvenue et très appréciable car cela aurait pu nuire à la cadence et au déroulement du film. Cela rend même la narration bien plus fluide et immersive. La géographie du lieu vient également participer grandement à ce soucis d’implication de la part du spectateur en l’intégrant directement comme étant l’un des passagers.

Car oui, certains diront que c’est un film à voir à la télévision, un samedi soir entre potes. Et c’est là tout le contraire puisque les cadrages ingénieux tirent partie de l’ambiance d’une salle de cinéma, les rangées de fauteuils étant vu comme une extension des sièges de la cabine de l’avion. Comme si le public venu assister à la séance faisait partie du vol, chose que l’on ne peut pas ressentir devant son téléviseur. Alors lorsqu’une personne oublie d’éteindre son téléphone dans la salle, notre réaction est plus proche du stress que de l’agacement.

Jaume Collet-Serra se retrouve donc aux commandes d’un film sans prétention pour un vol d’1h45 sans escale ni aucun temps mort (sauf si vous le regardez à la télévision avec les pauses pub). Il y a autant de rebondissements que de turbulences, parfois improbables mais c’est vraiment bienvenu tant certaines productions peines à aligner un retournement de situation apte à nous sortir de notre torpeur. Ce n’est pas le genre de film compliqué à comprendre et qu’il faut revoir pour en saisir toute la substance. Non ici tout est d’une grande simplicité, du genre qui ne survie pas à un second visionnage. Ou alors pour faire le trajet inverse et y déceler les indices à l’avance et voir les pièces du puzzle s’assembler.

Une fois l’identité du coupable révéler, impossible de prendre du plaisir encore une fois. A la rigueur il peut être interessant de le voir dans un avion pour ceux qui l’ont raté en salle afin de profiter pleinement de cet effet que même la 3D ne pourrait pas apporter. Pour reprendre le concept élaboré par Jack, le narrateur de Fight Club et amené à voyager pour son travail, ce film est à usage unique. Et c’est déjà pas si mal, beaucoup ne servent à rien.

 « NON-STOP » WINS!

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