« PIXAR, 25 ANS D’ANIMATION » VS PROCRASTINATION
D’ordinaire les musées sont réservés aux adultes et ce n’est pas pour rien que la gratuité est appliquée pour les enfants de moins de douze ans. Ils accompagnent ainsi leurs parents dans un dédale de pièces où l’éclairage est là pour mettre en valeur des oeuvres d’art. Il est bien difficile de capter l’attention d’une tête blonde pour un couple voulant l’éduquer à ce qu’ils considèrent comme étant l’art noble et véritable. De part leur formation, les professeurs ont plus de chances de réussite dans ce domaine et dans de plus rares occasions, ils font même l’objet d’un groupe dans le cadre d’une sortie scolaire où ils sont la cible des visiteurs venus contempler l’Art avec un A majuscule. Le temps est seul juge dans ce milieu et nombre d’oeuvres acquièrent ainsi ce statut dans la plus grande incompréhension.
Mais c’est une chose subjective et du point de vue d’un enfant, il faut souvent lever la tête pour pouvoir contempler une fresque ou voir Mona Lisa et son regard hypnotique le juger en contre-plongée. Difficile de ne pas se sentir exclu lorsque la majorité des tableaux sont à hauteur d’homme. C’est pareil dans une bibliothèque, le silence est de mise dans ce temple comme si la moindre nuisance sonore pouvait abimer une sculpture. On en a tous déjà fait l’expérience et généralement ce qui m’attirait le plus lors de ces visites c’était les étudiants en Art venus faire quelques croquis. Les écouteurs vissés sur les oreilles, ils étaient dans leurs mondes intérieurs là où je ne pouvais même pas hausser le ton lorsque j’avais le malheur de trouver une oeuvre à mon goût.
Le dos vouté sur un banc, ils avaient tendance à démystifier en quelques coups de crayon ce que beaucoup jugés comme étant le fruit du génie créateur. De l’inspiration divine que nul faussaire ne pouvait reproduire. Effectivement, leurs ébauches étaient imparfaites et c’était peut-être ça qui les rendaient beaucoup plus accessibles à mes yeux. A tout point de vue, puisque contrairement aux tableaux exposés, ces étudiants étaient à hauteur d’enfant. Etant adolescents pour la plupart, pour eux cette période à laquelle je me trouvais n’était pas si loin sans pour autant être dans l’âge adulte. C’était peut-être ce qui me servait à faire la transition entre ces deux époques, leurs dessins me servaient de filtre par lequel je pouvais rester attentif à cet environnement.
Et tandis que le public déambulait dans les salles et contemplait les oeuvres d’artistes, pour la plupart mort tandis que leurs travaux leurs survivaient, moi j’espionnais des artistes en devenir, bien vivant et qui surement essayaient de joindre les deux bouts pour survivre. Et peut-être un jour vivre de leurs arts. Ces artistes en herbe n’étaient pas pris au sérieux, au mieux ignorés, par les adultes pour qui c’était un sacrilège de vouloir reproduire ce qui résultait du génie créateur. Mais ne dit-on pas que quiconque est capable d’apprécier le travail d’un génie est probablement capable d’en faire autant? Ils en faisaient autant, ou du moins ils essayaient, et maintenant que le temps à passer, j’aime à me dire que nombre d’entre eux travaillent chez Pixar.
C’est avec beaucoup d’émotions que je me remémore cette exposition sur Pixar et j’ai tendance à l’assimiler à un moment de mon enfance alors qu’il n’en est rien. Mais les souvenirs ont tendance à changer de temporalité, à s’embellir quitte à devenir un mensonge. Je n’étais plus un enfant et c’était même loin d’être le cas puisque j’y ai assisté il y a peu de temps alors que je n’étais plus adolescent mais un jeune adulte. Je n’ai pas pour autant était attiré dans ce musée dans l’optique de reproduire ce que nombre d’adultes font sur leur temps libre mais bien attiré par la promesse de revoir l’univers de mon enfance et qui depuis m’a suivi jusqu’à aujourd’hui. J’étais donc en terrain conquis contrairement à mes parents.
Toutes les occasions sont bonnes pour une sortie en famille mais ils auraient surement préféré bénéficier de la gratuité ou au moins d’un tarif réduit tant le sujet était loin de les intéresser. A mes yeux ces moments n’ont pas de prix, surtout lorsqu’ils sont encore présents bien des années plus tard, et j’aurais été prêt à payer plein pot pour entrer dans ce lieu. Cette exposition n’en était pas une, c’était un parc d’attractions. Et quoi qu’il arrive, une fois que l’on a franchi les portes, on retourne tous en enfance. Mais si, vous savez, haut comme trois pommes, regardant le monde avec des yeux pétillants et une curiosité débordante. Et ce lieu qu’est le musée d’Art ludique est aussi récent que le plus jeune de ses visiteurs.
Pour avoir ouvert ses portes à la mi-novembre 2013, ce fut cette première exposition qui vint inaugurer son architecture atypique sur les quais de Paris dans la cité de la mode et du design. Un endroit bordé par la Seine qui offre un cadre idéal dans la file d’attente avant de pouvoir enfin accéder à ce lieu dédié aux arts ludiques, d’où son nom. J’en vins presque à oublier le mien lorsque m’a été donné l’occasion d’enfin déambuler dans les couloirs. Mes parents m’appelaient car ils avaient du mal à me suivre parmi la foule et je n’étais pas plus enclin à leur répondre. Intéressé par tout, je ne savais plus où donner de la tête. La situation s’était donc inversée et pourtant mes parents n’ont pas rapetissé pour autant. Pour ma part, cette âme d’enfant que je refoulais, car inadaptée à un monde d’adulte, avait pu refaire surface et s’exprimer.
Ainsi sous cette perspective j’ai revu des oeuvres depuis ce point de vue et pourtant, les parents m’en sont témoins, j’ai bien grandi depuis. Cette impression de gigantisme s’est à nouveau emparer de moi mais là ce n’était pas devant la différence d’échelle mais plus devant la grandeur de leurs talents. Là où avant je ne pouvais voir que distinctement la signature illisible de l’artiste en bas d’un tableau, il m’était donné l’opportunité d’admirer des oeuvres collectives. Cet intérêt commun étant représenté par une longue filmographie, il est agréable d’en voir les coulisses pour la première fois en France, autre qu’à Walt Disney Studio à Paris. Importée depuis New-York, elle propose non seulement le même contenu mais plus encore puisque comme cette dernière date de 2006, nous avons eu le privilège de voir des documents tirés des films qui ont suivi jusqu’à nos jours.
C’est ici l’occasion de suivre le fil de la pensée de ces créateurs. Globalement on fait le tour de ces trésors en une heure et demie, deux heures si on s’y attarde vraiment mais tout dépend de nos préférences parmi les films de la firme de John Lasseter. Même si j’avais déjà épluché la plupart des bonus de mes éditions DVD, cela ne valait rien comparer au fait d’avoir sous les yeux les croquis originaux. J’avais donc à la fois cette sensation d’inédit et de familiarité dans cet environnement. Et pour avoir vu des reportages sur les locaux de Pixar, on se croirait complètement dedans. C’est coloré, il y a des sourires sur chaque visage et si cela était autorisé, j’aurais surement fait comme eux en me baladant en trottinette habillé d’une chemise hawaïenne.
L’exposition commence de la même façon qu’un film Pixar, avec la fameuse lampe de bureau par laquelle tout a commencé et qui est désormais associé à leur logo. Par la suite on y découvre le duo emblématique Woody et Buzz sous un autre jour alors qu’ils n’étaient qu’en phase de recherche. Woody était plus… Comment dire, avec un aspect plus inquiétant et maléfique. Il n’aurait pas dénoté dans un film aux cotés de Chucky tandis que Buzz était un minuscule jouet et la bulle de son casque ressemblait vraiment à un aquarium. Le cosmonaute a fait du chemin depuis mais avant de se voir offrir une suite, le studio a enchainé avec 1001 pattes et ce n’est pas peu dire que les ébauches en tout genre fourmillent de détails.
C’est avec Monstres et compagnie que j’ai pu vraiment voir qu’il y avait des styles très différents d’illustrateurs cher Pixar. Ils sont ouverts à tout et c’est surement une de leur principale force et raison de leur succès. Impossible de ne pas voir dans ses ébauches le même coup de crayon que celui de Tim Burton pour ce projet où il aurait surement eu sa place si il était resté chez Disney. Mais c’est surement avec les Indestructibles que l’on peut voir à quel point cette firme l’est, puisqu’on il y a ici une forte utilisation de différents courants artistique tel que le collage ou encore le cubisme. Tout y passe, les artistes en charge sur le projet explorent toutes les pistes possibles et imaginables jusqu’à trouver l’identité visuelle qui leur convient.
Mais tous ces artifices, aussi tapes à l’oeil soient-ils, ne remplaceront jamais un univers cohérent. C’est avec Cars et le monde de Nemo que l’on a la démonstration du travail méticuleux qui occupe les équipe afin de mettre en place un monde logique avec des limites et des lois. Cela passe par des formules mathématiques, des codes de programmation mais aussi beaucoup de statuettes. Ratatouille semble avoir beaucoup bénéficié de cette méthode et si la frêle stature du cuisiner fait bien pale figure face à des statues telle qu’a pu en concevoir Michel Ange, j’y prends déjà plus de plaisir. Ces sculptures à l’effigie des héros servent généralement à les scanner afin d’intégrer leurs proportions directement dans l’ordinateur en volume 3D.
Une technique loin des traditionnels film d’animation en 2D mais qui n’en perd pas pour autant en émotion. Et des fois sans la moindre ligne de dialogue comme Wall-E. J’en suis resté bouche bée devant toute une série de paysages post-apocalyptiques. Et puis d’une salle à une autre on passe d’un extrême à l’autre avec Là Haut et c’est là que j’ai pris conscience de l’importance des personnages. Là où je m’attendais à une débauche de couleurs chatoyantes surplombant une maison, c’est surtout les différents protagonistes qui sont ici mis en avant. Ils sont le coeur de l’histoire et c’est au gré de leurs battements que les images s’animent. Et bien que la technique servant à les scanner ne permette pas de voir l’intérieur de leur anatomie, ils n’en demeurent pas moins vivant. Mes larmes à chaque visionnage de Toy Story 3 sont là pour en attester.
Pour autant chaque film est passé aux rayons X et est décomposé comme Rebelle à travers des story-boards et des animatiques afin de voir les multiples étapes jusqu’à l’image finale. Mais Pixar ne serait jamais arrivé à un tel niveau sans se faire la main sur des court-métrages, moins connus, mais tout aussi inventifs. Et puis en dehors des tableaux et des écrans explicatifs il y a deux salles qui valent le détours. La première se présente comme une salle de cinéma en plus conviviale mais moins confortable puisqu’on s’installe par terre ou sur des bancs. On y voit sur un écran géant les dessins d’une grande partie de l’expo prendre vie sous nos yeux dans un jeu de relief bien mené. Cela nous permet de faire une rétrospective de ce que l’on a découvert sur une durée d’un quart d’heure, comme une sorte de condensé de la visite.
La seconde salle abrite ce que j’ai vu de plus spectaculaire: le Zootrope. Ils n’ont pas inventé ce procédé mais il faut reconnaitre qu’ils l’utilisent à merveille. C’est une sorte de manège qui, par un habile jeu de mouvement et de lumière nous donne l’impression que les jouets de Toy Story sont vivants. En tout cas j’en suis sortie avec cette impression même si je n’en avais aucun doute. Ces deux salles sont situées près de la sortie histoire de clore en beauté cette expérience dans les coulisses de l’un des studios maitre dans l’art de l’animation. Et puis si il est interdit de prendre des photos une fois à l’intérieur, ce que vous verrez restera graver dans votre mémoire… Sinon il est toujours possible de faire une photo avec un Sullivan grandeur nature dans la boutique des souvenirs!
« PIXAR, 25 D’ANIMATION » WINS!