« STAR WARS IDENTITIES » VS PROCRASTINATION
-Je suis ton père.
Rien que cette réplique suffit pour prendre conscience que l’identité est une thématique profondément ancrée dans l’ADN de la saga. D’où venons-nous? Qui sommes-nous? Où allons-nous? Autant de questions auxquelles les personnages tentent de répondre à mesure qu’ils découvrent leurs liens de parenté ou les connexions à même de bouleverser de profonds changements dans leurs identités. Et lorsque George Lucas a tenté d’en définir les contours, il s’est inspiré d’un ouvrage de Jospeh Campell intitulé le héros aux 1001 visages. Il y a autant d’archétypes dans ces films que de fans prêt à se reconnaitre en chacun d’entre eux. Alors pourquoi ces personnages nous semblent-ils si familier? Pourquoi nous reconnaissons-nous en eux? Des questions à choix multiples et faire un choix c’est forcément renoncé à une autre voie.
Identité est donc le maitre mot de cette exposition consacrée à Star Wars. Pourtant il est légitime de se demande à quoi est-ce que l’on reconnait cette franchise? Qu’est-ce qui participe à créer son identité? Est-ce les envolées lyriques de John Williams? Ce musiciens peut se vanter d’avoir créé les thèmes et symphonies non seulement de Star Wars mais aussi de nombreuses autres franchises comme Harry Potter ou encore Jurassic Park donc sa contribution est certes non négligeable mais elle ne serait rien sans la symbiose qu’elle provoque avec les images en action. Dans ce cas, est-ce la réalisation de George Lucas? Pour rappel, le cinéaste a écrit et réalisé ce que l’on connait sous l’appellation d’épisode quatre: Un nouvel espoir, puis a ensuite passé la main pour le reste de la trilogie, tout en restant aux commandes sur divers aspect, avant de revenir pour la prélogie tant décriée par les fans.
Faut-il y voir dans les épisodes un, deux et trois une trahison de ce qui faisait l’esprit de la saga originale? Ce qui saute aux yeux au premier abord ce sont les designs différents. Période antérieure oblige, les design sont ici signés par Doug Chiang qui subit la comparaison avec le travail de Ralph McQuarrie. Ce dernier avait donné l’orientation à une certaine imagerie mais il serait dommage de s’en remettre à ces deux figures tant nombre d’artistes ont travaillé dans l’ombre et ont participé à rendre la saga identifiable. Tous ces visuels, aussi puissants et évocateurs soient-ils, seraient bien plats sans une histoire pour leur donner de la consistance. Celle relatant la jeunesse d’Anakin n’a pas toujours était bien accueillie par les fans de la première trilogie sans pour autant négligée toute une nouvelle génération n’ayant pas grandi avec les épisodes quatre, cinq et six.
La faute à l’histoire donc? Pourtant, mis les uns à la suite des autres, les six épisodes forment un tout cohérent. Et bien qu’ils n’aient pas été réalisés dans l’ordre chronologique, ils forment une seule et même histoire. Le texte déroulant qui ouvre chacun d’entre eux fait également office de signature et pourtant il tire son inspiration des épisodes de Flash Gordon. C’est peut-être là ce qui participe à créer une identité: l’influence que peuvent avoir d’autres choses sur notre personnalité. George Lucas n’a jamais caché ses influences de la seconde guerre mondiale jusqu’au cinéma de Akira Kurosawa. Des sources aussi variées qui ont contribué à donner naissance à cet univers peuplé de Jedis et de Siths, créant un équilibre dans la Force. Il s’agit là d’un élément essentiel et pourtant très abstrait qui relie chacun des épisodes et sa seule mention suffit à savoir que l’on est en terrain connu.
Cette force invisible est un concept auquel les spectateurs sont familiers au point de sortir du cadre pour s’immiscer dans la vie de tous les jours. Tout le monde a déjà entendu parler de Star Wars, et bien que ceux qui ont eu l’honneur de prononcer la fameuse réplique « Que la force soit avec toi » se limite à un personnage par film, même ceux qui sont étrangers à la franchise ont déjà entendu ou prononcé cette phrase. Cette identité en tant que phénomène culturel dépassant ses propres frontières se voit ici réunis en une exposition. Et bien que l’on puisse s’interroger encore longtemps sur ce qui participe à façonner l’identité de Star Wars entre les Rebelles, l’Empire, les vaisseaux, les droïdes, la lumière et le bourdonnement d’un sabre laser ou encore la respiration de Dark Vador, c’est autant de questions qu’il va falloir se poser et auxquelles il faudra répondre une fois sur place.
En effet, cette exposition aurait pu se contenter d’être ce qu’elle est, une exposition basée sur la guerre des étoiles. Une licence apte à ressembler des milliers et des milliers de personnes pour se garantir un succès sur son simple nom. Mais non, les organisateurs ont décidé d’aller plus loin dans l’immersion et de rendre la visite plus ludique. Dans la file d’attente on se voit remettre un bracelet et une oreillette, deux éléments d’une grande importance. L’effort est mis sur l’ambiance lorsque l’on patiente avant de pouvoir enfin accéder à l’exposition mais il est dommage de ne pas avoir mis ce temps à profit pour donner aux visiteurs quelque chose de similaire à l’attraction Star Tour. Cette mise en scène manque un peu mais il est compréhensible de voir l’impossibilité de mettre en place une telle infracstructure comparé aux moyens mis en oeuvre par Disney. Quand bien même Oncle Picsou en a racheté les droits.
Mais ce détail sera bien vite oublié grâce à l’équipement mis à disposition. Le système audio vous servira de guide privé avec des anecdotes sur ce qui se trouve devant vous lorsque vous pénétrerez dans certaines zones marquées par des bandes jaunes. En ce qui concerne le bracelet, il faudra le biper à certains endroits pour créer votre propre avatar de l’univers Star Wars, ni plus ni moins. C’est là que la visite prend une toute autre dimension puisqu’à chaque point de contrôle vous aurez l’occasion de définir sa couleur de peau, sa race, son sexe, sa planète d’origine, son métier, sa personnalité,… Jusqu’à vous retrouver devant l’empereur et choisir de quel coté de la force vous penchez. Une fois cette dernière étape franchie, il vous est possible d’admirer sur un écran géant votre propre création parmi celles des autres visiteurs. Un petit plus qui apporte une implication supplémentaire par rapport aux autres expositions et qui se prête à merveille à l’univers immense de George Lucas.
Ce procédé grandeur nature rappelle beaucoup celui utilisé dans les jeux vidéo lorsque l’on débute une partie. La franchise étant présente sur tous les supports dont celui vidéoludique, on regrette le fait qu’une fois les portes de la sortie franchies, on ne puisse pas récupérer notre personnage pour l’utiliser sur l’un des multiples jeux Star Wars. Encore une fois cela nécessite une coordination des différents pôles créatifs et l’exposition en elle-même se suffit à nous émerveiller. Pour preuve, les affiches créées spécialement pour l’événement sont vraiment sublimes et regorgent de détails hallucinants. Des petits bijoux d’ingéniosité qui donne l’impression de regarder un test de Rorschach. La thématique de l’identité est donc bien exploité mais lorsque l’on connait le complexe d’Oedipe qui hante la saga, on se dit que certains personnages feraient mieux d’aller consulter un psy.
Et l’on ne manquera pas de les croiser à travers leurs costumes allant de Boba Fett au Storm Troopers en passant par des droïdes et même une reproduction de Han Solo figé dans la carbonite. Tout le bestiaire de la guerre des étoiles est présent à tel point que l’on se croirait en train d’évoluer dans la Cantina, scène culte de l’épisode quatre. Les véhicules ne sont pas en reste puisque le Podracer grandeur nature d’Anakin se voit ici exposer sur un sol éclairé aux néons pour lui donner une impression de vitesse du plus bel effet. Bien que moins imposantes, les maquettes bénéficie elles aussi d’une belle mise en valeur à travers les vitrines qui sont l’occasion d’admirer les Destroyers et d’autres vaisseaux comme le Faucon Millenium. Elles fourmillent tellement de détails que l’appellation de miniatures n’est plus permises, on entre dans le domaine de la gigature telle que les avait popularisé le Seigneur des anneaux.
Mais cela ne se limite pas à des jouets mis sous verre et hors de prix ou à des cosplays que les fans se sont appropriés puisque l’on a une vue d’ensemble de cet univers par le biais d’autres moyens d’expressions. Ainsi une superbe fresque murale taillée dans la pierre, et visible furtivement dans un film, s’offre à nous afin d’en scruter les détails de ces Jedis en relief. Les plus petits pourront également y trouver leurs comptes puisque certaines parties sont réservées aux dessins animées Clone Wars et Rebels, encore que la cible enfantine pour ces oeuvres reste encore à prouver tant elles sont bien plus que cela. Un peu plus technique, les story-boards nous permettent de voir la vision initiale de George Lucas avec de petites annotations à l’attention de ses collaborateurs. On découvre notamment que Jar Jar Binks a été inventé pour palier le peu de présence de C3PO (lui même influencé par le design du robot de Metropolis) dans le premier épisode ainsi qu’un manque de situation comique.
Ça n’excuse en rien la création de ce personnage irritant mais c’est le genre d’informations interessantes que l’on découvre au cours de la visite. Et tandis que l’on avance, on remonte aussi le fil de la pensée de ces créateurs qui ont tâtonné pour donner vie aux personnages que l’on connait. Les concepts art permettent ainsi de se rendre compte de l’évolution d’un extraterrestre de l’idée à son rendu à l’écran. Des dessins préparatoires qui méritent tous d’être encadrés, de vrais oeuvres d’art que l’on ne voit que trop rarement puisque l’on a accès uniquement au produit fini. Même les bonus des différentes éditions vidéo ne pourront jamais rendre honneur à ces artistes qui méritaient bien une exposition. Même si parfois c’est rageant de voir un personnage évoluer dans la mauvaise direction par rapport à ce qui était envisagé au départ mais globalement ils sont tous devenus des icônes encrés dans l’inconscient collectif.
C’est une remarque totalement subjectif et c’est là que l’on se rend compte de la thématique de l’identité. Il n’y a qu’a tendre l’oreille parmi la foule, en faisant abstraction de l’oreillette bien sûr, pour se rendre compte qu’il y a beaucoup de néophytes parmi les visiteurs. Comme quoi cette saga couvre toutes les générations, toutes les tranches d’âges, les fans comme les curieux de passage. Star Wars a été décliné sur tous les supports possible et imaginable et cette exposition en est une nouvelle preuve de l’adaptabilité de cet univers. Chaque média a bénéficié d’une vision différente et pourtant reconnaissable entre mille et ce musée temporaire vient apporter une nouvelle pierre à cet édifice. Il y a autant de visions de Star Wars que de fans de Star Wars. C’est une franchise schizophrène à la psychologie multiple et peu importe votre personnalité, vous en sortirez avec une nouvelle.
« STAR WARS IDENTITIES » WINS!