« STORY-BOARDS: LA GENÈSE DES CHEFS-D’OEUVRE DU CINÉMA » VS PROCRASTINATION
Pour m’être adonné à cet exercice du temps où je faisais des court-métrages, j’ai conscience qu’il s’agit d’une étape décisive dans la création d’un film. Une phase essentielle dans la préparation d’un long-métrage et je crois que je ne me serais jamais lancé dans cette folle entreprise si j’avais eu ce livre entre les mains à l’époque. Il y a de quoi rougir de honte devant son propre travail lorsque l’on voit ceux dont c’est le métier et qui n’a cessé d’évoluer au fil des âges que compte le 7ème art. Pourtant à la vue de cette ouvrage, il n’existe pas un story-boarder dont le travail ressemble à un autre, allant du simpliste bonhomme bâton à la peinture dont chaque case peut faire l’objet d’une toile dans un musée.
Mais une petite mise en garde s’impose avant d’en débuter la lecture: il est préférable d’avoir vue tous les films dont l’auteur utilise les story-boards comme exemple sous peine de s’ennuyer un peu face au contenu. En effet le comparatif entre le dessin et la prise de vue réelle est toujours intéressant afin de voir si la transposition du papier à l’écran est concluante et pour ma part, je connais la réputation de ces films bien que je n’ai pas encore eu l’occasion de tous les visionner. Pour autant cela ne m’a pas empêché d’apprécier l’impressionnant travail de tous ces artistes de l’ombre pour peu que l’on fasse preuve d’un minimum de sensibilité artistique.
Les story-boarders sont tellement sous-estimés dans le succès d’un film que j’étais bien loin de m’imaginer que leur travaux étaient des objets devenus quasi-introuvable (Surtout à notre époque où les artistes en coulisses sont beaucoup plus mis en avant à travers des art books). Pour preuve à l’époque les archives n’ont tellement rien de sacrées que même l’identité de l’auteur de son invention n’a rien de certaine, tout au plus sait-on que le mérite en reviendrait à un employé de chez Disney. Pour la gloire on repassera donc. Et bien que l’on ne peut enlever le génie de certains cinéastes, il est tout de même interessant d’apprendre que des personnes comme Hitchkock vouaient un culte à cette phase de la pré-production en ayant la réputation de suivre le story-board à la lettre!
Au vue de son sujet, l’ouvrage domine par ses illustrations sans pour autant mettre de coté des textes explicatifs riches en anecdotes comme le fait que La ferme des animaux ait été financé par la CIA. Dans le genre improbable ça se pose là. Dans un même ordre d’idée, les anecdotes autour du film Ran de Akira Kurosawa montre encore une fois de plus que les artistes sont des êtres extrêmes dans leur démarche: après avoir écrit le scénario il l’a laissé reposer pendant 10 années afin de s’adonner à la réalisation de 800 story-boards! Ils sont magnifiques et pourrait faire l’objet d’une exposition ce qui n’aurait sûrement pas déplu à cet artiste dont l’ambition était de devenir peintre. Salvador Dali à lui fait le parcours inverse en s’adonnant à cet exercice sur « La maison du Docteur Edwardes » qui est l’occasion d’admirer des oeuvres inédites de l’artiste.
Ainsi voir ces artistes dont la renommée n’est plus à faire côtoyer des dessinateurs persuadés de ne jamais obtenir la reconnaissance qui leur ai du, au sein d’un même ouvrage, est une sorte de justice pour tous leurs travails abattus. Tous ces dessins sont remis dans le contexte de leur époque et cela démontre une certaine diversité au coeur de cette profession dont les styles sont aussi différent que les projets sur lesquels ils sont amenés à travailler. Par exemple le fabuleux destin d’Amélie Poulain affiche un graphisme digne d’une bande-dessinée indépendante franco belge en total adéquation avec l’esprit du film de Jean-Pierre Jeunet.
Ce concentré de 100 films, dont le rang de chefs d’oeuvre est discutable tant cette notion est propre à chacun, permet d’avoir une vision d’ensemble sur une période allant de 1939 à nos jours. Force est de constaté qu’il y en a pour tous les goûts, certains sont de brefs crayonnés en noir et blanc ou en couleur, fourmillant de détails ou d’une simplicité confondante, réaliste ou totalement abstrait là où d’autres sont plus académiques dans leur construction depuis la mise en place de cours spécialisés dans les écoles d’art. Une professionnalisation délaissant la feuille et le crayon en faisant appel à des instruments comme des tablettes Cintiq permettant de dessiner directement sur ordinateur. Une révolution technologique qui n’est pas étrangère à celle de Star Wars qui a du bénéficier de la ressource de bien des ordinateurs pour simuler cette imagerie de SF.
Forcément présent dans le classement, La guerre des étoiles et son plan d’ouverture s’offrent plus de pages que les autres avec les illustrations de Joe Johnston qui deviendra par la suite le story-boarder des épisodes suivant jusqu’à devenir lui même réalisateur. Il est donc légitime de se demander à qui revient le mérite de la beauté d’un plan, sa composition, son originalité? Dans certains cas la question ne se pose pas puisque des réalisateurs comme Martin Scorsese ou Terry Gilliam dessinent eux même leur story-board. D’ailleurs les deux sont loins d’avoir le talent requis pour le dessin mais cela ne les empêche pas de transmettre les bonnes informations à leur équipe technique afin de faire de leurs films respectifs des oeuvres vus dans le monde entier. Le réalisateur de Old Boy fait également partie de cette catégorie de touche à tout tout en se laissant une part d’improvisation allant jusqu’à ne pas respecter son propre story board, lui préférant un plan séquence devenu désormais culte pour une séquence qui l’est tout autant.
Les films choisis font la part belle au classique du 7ème art mais pas que. L’émergence des blockbusters en tout genre parmi lesquels figure Apocalypse Now, et ses hélicoptères en pleine page, permet de ne pas exclure le grand public avide de films spectaculaires. Etant un fan de cinéma fantastique ou ayant un rapport avec l’imaginaire, je n’ai pas eu grand chose à me mettre sous la dent jusqu’à cette section. A partir de Star Wars on a quelque chose qui me correspond plus en terme de films: Le labyrinthe de Pan, Gladiator, les aventuriers de l’arche perdue ou encore Qui veut la peau de Roger Rabbit? se trouve détailler lors d’une scène iconique ou anecdotique, selon le matériel mis à disposition de l’auteur de cet ouvrage, voir même inédite pour certains films. Les story-boards du film The Crow nous permettent notamment de voir un personnage coupé du montage final, un espèce de zombie et même si l’auteur ne fait aucune mention, c’est le fan ici-même qui écrit ces lignes qui apporte cette précision.
D’autres planches sont quant à elles l’occasion de mettre à jour sa culture de cinéphile. Pour ma part, outre le fait que l’on ait droit aux plans montrant le retour de Voldemort dans le quatrième Harry Potter, j’ai aussi appris par ce biais que Ralph Fiennes, qui incarne celui dont on ne doit pas prononcer le nom, a aussi réalisé des films dont l’un d’eux se trouve dans le présent ouvrage: The Invisible Woman. Une carrière de réalisateur dont j’ignorais l’existence et qui m’a donné envie d’en savoir plus. Au terme de cet ouvrage, il manque une véritable conclusion à cette galerie tout comme il est dommage de ne pas aborder le domaine du jeu vidéo en annexe dont le story-board est tout aussi présent. Les techniques évoluant avec leur temps, la prévisualisation prédomine dans ce milieu vidéoludique mais reste une étape importante dans le processus de création d’un jeu. Idem pour les story-boards animés mais là on s’éloigne vers quelque chose de plus complexe. Néanmoins ce livre est un bon début pour quiconque s’intéresse à l’une des 24 images servant à créer une seconde d’un plan.
« STORY-BOARDS: LA GENÈSE DES CHEFS-D’OEUVRE DU CINÉMA » WINS!