« THE AMAZING SPIDER-MAN » VS PROCRASTINATION
Quand on s’appelle Marc Webb et qu’on est choisi par Sony pour diriger le reboot de la franchise Spider-man, il y a de quoi y voir un signe du destin. Et accessoirement de subir les moqueries sur la toile. Pourtant à bien y regarder son premier film, « 500 jours ensemble », se rapproche assez bien de l’essence même du personnage de Peter. Jusque dans les vêtements de Jospeh Gordon-Levitt qui, si il est en mode hipster, s’habille de façon semblable à son homologue des années 60. Ce qui était ringard hier est aujourd’hui à la mode et cette garde robe aurait été totalement adaptée au look vintage de ce nouveau Parker. Il aurait été amusant de jouer avec les codes puisqu’à notre époque les geeks ne sont plus martyrisés par le quaterback du lycée tout comme les looks oldschools sont plus que jamais d’actualité là où ils étaient d’une ringardise aptes à susciter les moqueries.
Même Zooey Deschanel aurait pu incarner Gwen Stacy dont le rôle échoue ici à Emma Stone qui, pour l’occasion, change ici de couleur de cheveux comme toutes les actrices qui ont eu l’occasion de jouer le love interest du héros arachnéen. Mais trêve de parallèle puisque même si le film est titré The Amazing Spider-man, il s’inspire clairement de la version Ultimate, ce qui est un comble. Le qualificatif « Amazing » fait directement référence au comics d’origine, sa mention dans ce reboot est une façon de se démarquer de la trilogie originale de Sam Raimi qui est pourtant assez récente pour subir un redémarrage, et qui pour le coup s’inspirait vraiment du comics book « The Amazing Spider-man ». De quoi s’y perdre donc.
Mais Marvel avait déjà eu recours à ce subterfuge lorsqu’ils avaient récupéré les droits de Hulk pour leur univers partagé et l’ont retitré « The Incredible Hulk » afin de ne pas embrouiller les personnes qui avaient vu l’adaptation de Ang Lee avec Eric Bana dans le rôle titre. Ici pas de débat, Andrew Garfield s’est mis tout le monde dans la poche en débarquant à la Comic Con avec un déguisement de l’homme araignée. Non, pas avec le costume du film, ni même celui de la trilogie précédente qui était tout de même sophistiqué. Non, un déguisement que tout le monde peut trouver dans un magasin de déguisement. Il a débarqué comme ça, incognito, faisant partie du public présent pour assister à la conférence de présentation pour le film.
Lors du moment des questions / réponses où chacun peut intervenir, il a achevé toute les personnes dans la salle en lisant une lettre d’amour destiné à son héros de toujours après avoir retiré son masque devant une foule en délire. Une belle surprise mise en scène avec efficacité. Sa position dans ce spectacle montre bien dans quel camp il se trouve, celui des fans, du public. Un parti pris idéal pour légitimer un reboot suscitant énormément d’interrogations depuis le départ de Sam Raimi. En effet, avant que tout cela ne s’officialise, le cinéaste, connu pour avoir fait ses débuts avec Evil Dead, était en train de préparer un quatrième opus afin de faire oublier le troisième où il n’avait pas eu autant de liberté que les deux précédents. Il n’en aura pas plus ici, ou plutôt si puisqu’il aura la liberté de partir.
Une façon polie de dire qu’il a été évincé du projet. La cause de ce litige? Le choix du méchant qu’il voulait attribuer au Vautour avec John Malkovitch comme interprète. Une vision qui ne verra jamais le jour et qui a été surement prémédité par Sony puisqu’un autre scénario de James Vanderbilt était déjà prêt afin de repartir à zéro. Enfin presque à zéro puisque comme pour Spider-man 3, plusieurs méchant était au programme, ou en tout cas évoqué comme faisant partie d’une liste potentielle. La rumeur a pendant un temps circulé sur l’implication de Bruce Campbell, pour plus qu’un caméo, en Mysterio mais aussi sur l’aboutissement de l’arc narratif du docteur Connors jusqu’à sa transformation en lézard. Finalement ça ne sera pas le lézard qui subira une métamorphose mais bien son acteur. Exit Dylan Baker et bonjour Rhys Ifan.
Unique opposant face à l’araignée contrairement à ses dernières aventures, cela lui permet un développement plus approfondi. Ainsi son personnage se révèle être plus dans une quête intérieure que d’une réelle volonté de faire le mal autour de lui. Tout son désir se trouve ainsi résumé en un seul plan où il est face à une surface vitré et confronte le reflet de son bras manquant avec l’aide de son bras valide afin de faire une symétrie parfaite. Cette asymétrie est le reflet d’une psyché brisée et il aurait été interessant de découvrir dans quelles circonstances il avait bien pu perdre son bras. Les expériences dangereuses avec le père de Peter ne manquaient pourtant pas à l’appel pour justifier cette perte et rendre le personnage bien plus complexe.
De l’autre coté, son avatar numérique, bien que réussi, subit les blagues de Jurassic Park alors que le film peine à arriver à la cheville de ce chef d’oeuvre en terme de trucage photo-réaliste. Et ce n’est pas un adepte de la photographie comme Peter qui va lui rendre justice à travers ses clichés. Néanmoins leur relation fonctionne et le récit s’accoutume plutôt bien à la nouvelle règle en vigueur lorsqu’il s’agit d’adapter un super-héros à l’écran. Elle a été appliqué sur Batman Begins ou encore Iron man et elle est ici une fois de plus mise en application dans cette Origin Story en ne confrontant pas le héros à sa némésis ultime. Pas de Joker dans le premier opus de Nolan mais Ra’s Al Ghul, pas de Mandarin face à Iron Man mais Iron Monger et donc ici pas de Bouffon vert comme avait pu le faire Sam Raimi.
Aucune trace de Norman Osborn dans cet épisode, tout au plus une mention de son nom et de son état: il est mourant. Son absence n’empêche pas son ombre de planer sur la totalité du film par le biais de la tour Oscorp, sorte d’épicentre de tous les problèmes et lieu de travail du docteur Curt Connors mais aussi de son assistante Gwen Stacy. Celle-ci est très vite mise dans la confidence concernant l’identité secrète de celui qu’elle aime. Même si à l’issue du tournage Andrew Garfield et Emma Stone ont entamé une relation, leur alchimie à l’écran n’est pas forcément très présente par rapport à leurs prédécesseurs. Cet aspect plus intimiste de l’entourage de Peter et beaucoup plus mis en avant grâce au personnage de Flash Thompson qui a enfin le droit à un traitement plus réaliste et devient moins caricatural que dans la précédente trilogie ou les comics.
C’est un personnage plus réfléchie, loin d’être réduit à un quaterback bête et méchant, il éprouve même de la compassion auprès de Peter (et de l’admiration pour son alter égo puisqu’on peut le voir porter un t-shirt du héros) lorsqu’il apprend le décès de son oncle. Un drame fondateur qui est ici différent dans son déroulement mais dont Peter reste la cause. Idem pour la promesse qu’il fait au Capitaine Stacy, ce qui rapproche la fin de ce remake de celle de l’original. Ainsi la trilogie de Sam Raimi étant encore présente dans les esprits, ce redémarrage souffre indubitablement de la comparaison. Pas de Jonah Jameson mais une mention du Daily Bugle, retour aux origines avec les lance-toiles mécaniques et non organiques, l’araignée mord Peter au cou et non à la main, pas d’utilisation poussée du 6ème sens arachnéen, les souvenirs des parents de Peter liés à Oscorp,…
Des petits détails qui évitent la redite et qui font la différence même dans ce qui devrait être un élément fixe: Spider-man. On retrouve le sens de l’humour du personnage (l’hilarante scène du couteau) mais on ne le voit agir que de nuit. A mon sens, Spidey n’est un héros de l’ombre et le voir surfer sur cette mode est une erreur. L’influence de personnages nocturnes comme le retour du célèbre homme chauve-souris est visible jusque dans le final au sommet de la tour Oscorp avec l’utilisation de l’un des ressorts scénaristique de « Batman Begins », à savoir une machine qui diffuse un gaz sur la population. Mais le public n’est pas dupe à ce point et les fans le sont encore moins lorsque leur icône préférée se trouve ainsi dénaturée et remaniée pour correspondre à une certaine offre sur le marché.
Par contre la modernisation du personnage n’altère en rien sa personnalité qui ne subit pas les outrages du temps malgré le changement d’époque et de moeurs. Les petits génies sont généralement les premiers de la classe mais ils arrivent rarement en tête de liste en terme de popularité, Peter Parker n’échappe pas à cette règle. Par contre depuis sa morsure par une araignée il arrive très bien à déjouer les lois de la physique en marchant sur les murs et par extension les lois de la police. Cela amène à une relation avec les habitants de New-York qui est assurément un des points forts du film. Leur solidarité vis à vis de leur sauveur est illustré par le biais d’une sous-intrigue avec un petit garçon et son père. Spider-man sauve le premier en lui faisant porter son propre masque pour lui donner de la force tandis que le père, chef de chantier, lui rend la pareil en alignant toutes les grues de la ville afin d’offrir à l’homme araignée, alors mal en point, une voie royale jusqu’au combat final. Si le sauvetage de l’enfant est très réussi, la bonne action du père est sur le fil du rasoir, à la limite entre le débordement de bons sentiments et le ridicule total. Un numéro d’équilibriste qui fonctionne tout de même tant la magie opère.
Cette relation père / fils englobe une thématique bien plus grande autour de l’incontournable figure paternel qu’est Ben Parker. Le véritable géniteur de Peter apparait également lors de flashbacks mais son implication, bien qu’obscure, demeure mineure et son oncle reste au coeur de l’histoire jusqu’à son conclusion. Ainsi le film se clôt de la plus belle des manières grâce à l’écoute d’un message d’oncle Ben laissé sur le répondeur de Peter après sa fugue et qui lui coutera la vie. Un message que Peter se refusera à écouter tout au long de l’histoire à cause de sa culpabilité dans ce drame mais qu’il surmontera dans les dernières minutes. Cela permet une utilisation sensée de la voix off de Martin Sheen autre que pour un effet de style et rajoute une profondeur ainsi qu’une puissance à ses paroles. Comme une sorte de boite noire, de testament ou de message posthume, une voix sortie d’outre tombe.
Tout ça nous emmène dans l’émotion grâce à un habile montage jusqu’au dernier plan du film où l’on assiste enfin à une vraie pose arachnoïde digne de la bande-dessinée période Todd McFarlane, en espérant que la suite prenne ce dernier plan comme une base pour les phases de voltige. Ce n’est pas donc pas la version définitive sur le personnage mais on peut se rassurer, il existe suffisamment de série régulière et de variantes du qualificatif pour que Sony puisse nous proposer encore un reboot dans quelques années comme Spectacular Spider-man, Superior Spider-man,… Et enfin Ultimate Spider-man. La version ultime que les fans rêvent de voir et sans aucun doute lorsque les droits seront revenu dans le giron de Marvel. Oui il y a bien le caméo de Stan Lee, oui il y a bien une scène post-générique mais non ce pas signé Marvel. Et ce qui n’est pas prêt d’arriver tant cette franchise est une véritable araignée aux oeufs d’or pour Sony.
« THE AMAZING SPIDER-MAN » WINS!