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« Tim Burton » de Mark Salisbury

« TIM BURTON » VS PROCRASTINATION

En tant qu’aspirant auteur il est toujours intéressant d’analyser ses maîtres à penser et Tim Burton fait indéniablement partie de ceux qui ont forgé mon imaginaire. Lorsque j’étais dans ma période de réalisation de court-métrages, il intégrait la catégorie de ces cinéastes dont le culte n’avait d’égal que ses films. Depuis, j’ai trouvé ma voie dans celle de l’écriture et je m’attache à étudier la narration chez ceux que j’idolâtre. 

Celui que l’on imagine sans peine en auteur de tous ses films tant son style est palpable, ses obsessions omniprésentes, ses thèmes de prédilections récurrents,… n’est en rien à l’origine des histoires qu’il retranscrit sur grand écran. En effet, on apprend vite qu’il déteste lire et engage quasiment toujours des scénaristes, lui son truc pour exposer ses idées, c’est le dessin. Il s’agit là de son moyen d’expression et ce dès son plus jeune âge. Il fait partie de cette génération élevée par la télévision alors lorsqu’on lui demande de rendre une fiche de lecture à l’école il va jusqu’à faire un film en Super 8 pour ne pas avoir à se confronter à une rédaction!

Pour avoir été pareil durant mon enfance et mon adolescence (en tant que bègue le dessin a longtemps été mon moyen d’expression), sans pour autant me livrer à de telle fantaisie scolaire, je pouvais comprendre ce personnage tout en me sentant frustrer de ne pouvoir y trouver des trucs et astuces à l’usage des conteurs d’histoires dont j’espère faire un jour partie. Néanmoins ce n’est pas pour autant que je n’ai pu en tirer des informations importantes sur son processus créatif et parmi la multitude de sujets abordés à partir de sa filmographie, c’est surtout sa vision singulière de faire une référence à une autre oeuvre qui l’a marqué.

En effet, le petit génie originaire de Burbank à soit une confiance aveugle en sa mémoire soit une flemme magistral de revoir ses influences mais toujours est-il que lorsqu’il s’agit pour lui de faire référence à une autre oeuvre, il préférera toujours faire appel à ses souvenirs plutôt que de se confronter à nouveau à l’oeuvre en question. En substance, pour lui c’est très simple, si vous voulez faire un hommage à tel ou tel film c’est qu’il vous a forcément marqué et si c’est le cas alors vous n’aurez aucun mal à vous en souvenir. Une façon poétique de voir les choses et si il n’y avait qu’une seule chose à retenir de cette série d’entretiens, ça serait celle-ci. Je vais donc m’efforcer de suivre son mode de pensée et évoquer ce livre d’après mes souvenirs et l’impression qu’il m’en a laissé. Un exercice de style périlleux mais idéal pour mettre en application cette leçon.

Cette analyse ne ressemblera donc pas à une fiche de lecture comme l’école a pu le lui demander mais à un véritable ressenti sur l’opportunité d’entrer dans la psyché de cet auteur psychédélique. Et oui je parle bien d’auteur car même si ce statut s’applique bien souvent aux hommes de lettres, il entre parfaitement dans cette catégorie grâce à ses films reconnaissables entre mille sans parler de son style de dessin inimitable. C’est précisément ce qui tape dans l’oeil de Disney qui essayera de le formater sans pour autant le faire céder au conformisme. Cette déconvenue ne l’a pas empêché de rester proche de la firme aux grandes oreilles puisqu’il reviendra dans leur giron pour tourner Alice au pays des merveilles et Dumbo, bien que ce livre n’aille pas jusqu’à ces deux derniers, trop récents par rapport à la date de publication.

Mais lorsque l’on parle de grandes oreilles, je suis loin de penser à Mickey ou à l’éléphant Dumbo, en ce qui me concerne ça m’évoque tout autre chose. Des oreilles pointues. En premier lieu quand je pense à Burton, je pense inévitablement à mon héros favori: Batman. C’est grâce à lui, alors jeune cinéaste aux commandes de son troisième film et premier Blockbuster, que j’ai pu découvrir sur grand écran l’homme chauve-souris dans toute sa splendeur et dans toute sa démesure gothique dans sa suite. Il a forgé ma vision du personnage à partir de ses souvenirs du comics et c’est à travers son prisme que j’ai aimé ce héros. Toutefois j’ai réalisé à ma grande surprise qu’il était bizarre de se dire que l’on adule un réalisateur pour son diptyque sur le chevalier noir alors que lui même ne se sent pas proches de ses films.

Pour avoir eu la primeur de son adaptation sur grand écran ainsi que le précurseur en tant comics book movie, il a toujours l’honneur d’être le point de comparaison lorsqu’une nouvelle version vient à voir le jour comme celle de Nolan ou encore Snyder. Une comparaison qu’il a lui même subit lorsqu’il s’est attaqué à son tour à la planète des singes, une expérience douloureuse et unique incursion à ce jour dans la SF pure. Mars Attack ne relève pas vraiment de la science-fiction mais plus du nanar puisqu’il a lui même l’humilité d’avouer s’être senti comme Ed Wood lors du tournage. Des propos révélateurs quant à l’appartenance de ce film à une catégorie devenu un genre à part entière.

Et pour ne rien cacher, j’aurais aimé que ces deux incursions dans la SF soient allées rejoindre la liste de ses projets avortés et pourquoi pas faire un échange avec certains d’entre eux. On y retrouve Bettlejuice à Hawaii, Catwoman en guise de suite / spin off à Batman le défi, Superman Lives avec Nicolas Cage dans le rôle titre,… Pour ce dernier on peut reprocher à ce livre de ne pas parler de ce projet que n’a pas pu réaliser Burton a défaut d’avoir travailler dessus pendant une année. Surtout lorsqu’il tient des propos comme quoi pour lui le film a été fait, il n’a juste pas été tourné. Mais il y a toujours le documentaire What happened to superman lives? pour se consoler. Lui même se consolera en réalisant un recueil de nouvelles illustrées, l’une de ses rares incursions dans le domaine de l’écriture. On peut d’ailleurs avoir un aperçu de son style graphique tout au long de cet ouvrage puisque les pages sont ponctuées de ses concepts arts pour chaque projet évoqué.

Lui que l’on imagine introverti de part les brides de son passé qui nous sont relatées, cette ouvrage est un parfait droit de réponse à la critique. Chacun de ses films fait l’objet d’une défense de la part de son créateur comme si il s’agissait d’un moyen de justifier ses choix artistiques. Lorsqu’il s’exprime on remarque vite qu’il ne supporte pas les questions qui intellectualise ses films comme: où Edward va t’il se procurer de la glace ou quel est ce liquide noir qui coule de la bouche du Pingouin? Des questions qui trouvent une réponse dans son parcours et l’évolution de l’industrie du divertissement. Il partage sa pensée en la résumant par le fait qu’il a été amené à constater qu’il y a de plus en plus de monde en coulisses et de plus en plus de média aujourd’hui. Par conséquent, le monde semble devenir de plus en plus critique et de moins en moins créatif.

Cette réflexion interessante ne l’empêche pas de garder un regard critique sur lui-même, une lucidité le forçant à admettre ne pas savoir diriger de scène d’action. Loin d’être son fond de commerce, il se prête volontiers à l’exercice sans pour autant s’arranger les services d’un réalisateur de seconde équipe rodé à l’execution de ce type de séquence. Il reste seul maître à bord et c’est bien pour son nom que le public se déplace en masse. Les studios l’ont bien compris lorsqu’il a fallu faire la promotion de l’étrange Noël de Mr Jack en utilisant son nom comme argument de vente pour un film réalisé par Henry Selick. Le film n’en porte pas moins sa marque puisque ses illustrations, que l’on peut admirer au grès des pages de cet entrevue, prennent vie en stop motion.

Un coup de pub pour celui qui ne cessera de s’inquiéter sur la façon dont un studio va vendre ses films tant ils sont loin d’être commerciaux. Pourtant à défaut de savoir se vendre lui même, cette lecture est l’occasion d’apprendre que le réalisateur s’est offert une petite récréation en faisant la publicité pour les Hollywood Chewing Gum avec un nain de jardin en vedette. Plutôt déroutant pour un spot qui finalement porte bien son style entre le gothique et la féérie. On peut y voir dans ce travail de moins d’une minute les prémices de l’ambiance de Charlie et la chocolaterie. Et c’est un peu ce qu’il est pour moi, une sorte de Willy Wonka dont ce livre fait office de ticket d’or pour venir découvrir les méandres de son esprit tordu.

Johnny Depp, son complice de toujours, fera référence à ce rôle qu’il incarne dans la deuxième préface comme étant une figure paternelle. En effet, 11 ans séparent les deux préfaces et là où dans la première l’acteur faisait référence aux sentiments qu’il avait éprouvé lors de la lecture d’Edward au mains d’argent, dans l’édition revue et augmentée il cite volontiers Charlie et la chocolaterie comme un film charnière dans leurs filmographies à tout les deux. Un revirement de situation inattendu puisqu’entre temps les deux amis sont devenus père et dont l’adaptation de Roald Dalh se charge de véhiculer des valeurs sur l’enfance mais aussi la paternité.

Mais l’auteur dans tout ça? Je parlais plus haut d’homme de lettres et le seul dont il est question dans ce livre c’est bien sûr Mark Salisbury. Contrairement à Henry Selick qui s’est vu voler la paternité de l’étrange Noël de Mr Jack aux yeux du public suite à un marketing douteux, ici il est tout a fait légitime de se dire que, bien qu’il déteste écrire, Tim Burton a rédigé ce livre. En effet l’auteur nous est présenté comme étant un ami de Tim Burton mais il se contente de retracer le parcours du réalisateur depuis ses débuts chez Disney dans un style très impersonnel. Les passages en caractère gras qui s’intercalent entre chaque intervention du réalisateur plombe la lecture et casse le rythme car trop monotone.

Le lecteur aurait pu trouver une oreille attentive en la personne de Johnny Depp dont le rôle d’interlocuteur lui revenait de droit au vue de leurs collaborations récurrentes. On en vient donc à regretter que ce ne soit pas l’acteur qui ait mené ces entretiens, il aurait surement pu soutirer plus d’informations qu’aucun autre. De plus ayant participer à une grande majorité des films de Burton cela aurait fait sens pour le public de retrouver les deux amis pour cette conversation à coeur ouvert. Au final ce livre donne envie de découvrir les films méconnus du cinéaste tout comme il donne envie de revoir avec un oeil nouveau ses plus grands classiques ainsi que ses déceptions.

« TIM BURTON » WINS!

 

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