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« Tomb Raider » de Crystal Dynamics

« TOMB RAIDER » VS PROCRASTINATION

À l’échelle de la durée de vie d’une console, certains jeux deviennent rapidement de véritables reliques. Une réalité qui s’explique pour les bonds technologiques entre chaque génération. Les consoles next-gen se succèdent à un rythme effréné, faisant tomber dans l’oubli bien des oeuvres fondatrices. Le retrogaming est alors là pour remettre les choses à leur place. On pourrait définir cette catégorie comme l’archéologie de l’industrie du jeu vidéo, qui est pourtant très récente.

C’est dire à quel point ce milieu peut prendre de cours quiconque à l’intention de s’y investir. Le catalogue des consoles actuelles ne cesse de s’enrichir, mais des remakes ou autres remasters viennent rappeler aux jeunes joueurs que rien de tout cela n’aurait été possible sans les prouesses d’hier. Qui aujourd’hui prêtent à sourire. Paradoxalement, les jeux en deux dimensions s’en sortent beaucoup mieux que ceux qui ont été les précurseurs du niveau suivant. 

Personnages en 3D fil de fer, textures pixélisées, animation rigide, décors tout en polygones… Difficile de s’arrêter pour contempler l’environnement dans lequel on évolue. Ces vestiges d’un autre monde sont loin de flatter la rétine, mais ils sont pourtant les fondations sur lesquelles reposent les jeux actuels. Certains studios en sont bien conscients et n’hésitent pas à creuser pour déterrer ce que l’on pourrait assimiler à des fossiles de l’ère jurassique. 

Et à l’instar des savants du Jurassic Park, les développeurs de Crystal Dynamics ont récupéré l’ADN de Tomb Raider pour lui offrir une seconde jeunesse. Cela n’a pas pour autant accouché d’un dinosaure, aussi bien en tant que blockbuster vidéoludique que dans le jeu en lui-même, contrairement à l’original qui mettait en scène un T-Rex, mais d’un reboot total de la franchise. Exit donc le remake de 2007, Tomb Raider: anniversary, qui se contentait d’un lifting de la plastique avantageuse de Lara Croft, et d’une augmentation mammaire, pour repartir sur une page blanche.

Pour autant, il a tout de même fallu combler les blancs dans les séquences ADN non pas avec une grenouille, mais avec d’autres jeux plus récents. C’est ainsi qu’après avoir inspiré la saga Uncharted, c’est au tour de Nathan Drake de susciter l’inspiration pour le retour de Lara Croft. Un juste retour des choses pour la licence Tomb Raider qui existe depuis la toute première Playstation, là où je l’ai découverte. Depuis, j’ai suivi les aventures de cette archéologue qui, épisode après épisode, n’ont cessées de décliner jusqu’à sombrer dans l’oubli.

Mais à l’image de cette aventurière, c’est Crystal Dynamics qui a déterré les vestiges de cette gloire passée pour la remettre au gout du jour. En ce qui me concerne, je n’avais pas recroisé le chemin de Lara Croft depuis sa dernière adaptation cinématographique. Qui elle-même s’inspirer de cette nouvelle version vidéoludique. Et étant donné la qualité de ce long-métrage avec Alicia Vikander dans le rôle, on ne peut pas dire que je partais en confiance. Une mauvaise publicité de deux heures pour le jeu vidéo dont il était tiré, mais qui finalement s’avère être une bonne surprise après quelques minutes.

Manette en main, force est de constater que les développeurs ont fait un jeu bien plus cinématographique que sa propre adaptation. Un paradoxe que ce premier volet va entretenir durant toute la durée de l’aventure. Celle-ci plonge le joueur directement au coeur de l’action et sans ménagement. On apprend alors les mouvements de base pour se sortir de bien des mauvaises situations qui se présentent à nous, notamment s’extraire d’une caverne en plein éboulement, avant d’être en lieu sûr. Les réflexes sont mis à rude épreuve lors de notre arrivée sur une ile mystérieuse qui n’est pas sans rappeler le point de départ de la série Arrow.

Comme le super-héros de chez DC Comics, Lara Croft n’est pas encore celle que l’on connait, c’est là une origin story où elle va se forger sa véritable identité. On est loin du modèle original qui était en pleine possession de ses moyens et avec ses deux pistolets emblématiques aux munitions illimitées. Et tout comme Oliver Queen, la confection d’un arc sera notre meilleur allié pour survivre et rejoindre nos amis, eux aussi échoués sur ce morceau de terre inhospitalière. Il faut donc se mêler à la faune et à la flore locale, tout en veillant à ce que celle-ci ne nous tue pas. Arc en main, accroupi dans les hautes herbes pour épier une proie, il ne fait alors aucun doute qu’Horizon Zéro Dawn a servi d’inspiration.

Mais là où l’on devait chasser des robots aux formes animales, ici le gibier est bien plus réaliste. Cela fait partie des phases de jeu qui ont mis ma moralité à l’épreuve. Je m’explique. Il est courant qu’un jeu puisse tester nos limites, voir même nous permettre de faire ce que l’on ne pourrait admettre dans la réalité comme tuer des personnes, créer des carambolages, visiter une autre époque, aller dans l’espace… Mais le fait de prendre une vie reste en tête des instincts que l’on peut assouvir, et cela ne m’avait jamais posé de problème. Jusqu’à maintenant.

Là, il s’agit de tuer une biche ou un cerf pour permettre au personnage de se nourrir pour survivre. J’ai trouvé que cela tester mes limites en tant que personne, bien que tout ça soit entièrement virtuel. Et loin d’être photo-réaliste. Mais quelque part, cette impression n’est pas si différente de la sensation de vertige dans un jeu alors que l’on est confortablement installé sur son canapé (chose que l’on ressent également en pleine ascension de la tour radio pour alerter les secours). Quoi qu’il en soit, contrairement à des animaux sans défense, ma capacité à tuer des ennemis reste intacte et il y a de quoi faire pour une ile en apparence déserte.

En effet, une horde de cannibales y a élu domicile il y a bien longtemps. Et tout comme les autochtones dans King Kong, le gorille en moins, ils kidnappent Samantha, une amie de Lara, en qui ils voient la réincarnation de leur déesse. Bien sûr, pour confirmer cela, il faudra passer par un rituel qui a tout d’un sacrifice. Notre première rencontre avec ces autochtones, lors de la scène d’ouverture, était alors l’apothéose qui avait succédé au naufrage de notre embarcation face à la tempête. 

Recueilli sur le large et à la merci de ces sauvages, il avait alors fallu composer avec un corps étranger planté dans l’abdomen, et à extraire de toute urgence. Une entrée en matière plutôt rude qui fait que l’on se demande si l’on n’est pas dans un survival horror plutôt que dans un jeu d’aventure. Cela sera tout de même une des facettes de ce Tomb Raider où les ennemis ne manqueront pas de faire sursauter lors de leurs apparitions. Mais même si l’on peut douter des traditions de ce peuple, la magie est belle et bien présente sur cette parcelle de terre. 

La divinité, que ses adorateurs essayent de ramener, contrôle les tempêtes ce qui donne lieu à des ambiances différentes aux quatre coins de l’ile. Ce qui n’est qu’un point sur une carte se révèle alors être un immense terrain de jeu. Ainsi, malgré cet unique lieu duquel il faut s’échapper, la mythologie autour de la reine Himiko permet de passer d’un environnement tropical à un climat glacé. Pas vraiment de diversité dans les endroits à visiter donc, mais les graphismes sont à la hauteur pour retranscrire les éléments qui se déchainent. En cela, ce reboot de Lara Croft fait mieux que le modèle dont il tire son inspiration, à savoir Uncharted: Drake’s Fortune

Cette première aventure de Nathan Drake se déroulait elle aussi entièrement sur une ile, et ce n’est pas la seule chose que Tomb Raider va s’approprier. Entre autres, il faudra également passer par une récupération de reliques à collectionner, ainsi que des phases de Quick Time Event absolument incroyables. Lors de ces moments, le jeu donne tout ce qu’il a pour être le plus impressionnant possible. Même si ces passages restent scripter de bout en bout, il est impossible de ne pas ressentir de frissons lorsque l’on glisse le long d’une pente tandis qu’un avion s’écrase en arrière-plan. 

Dans un même ordre d’idée, il y a aussi la descente d’un ravin, sans canoë bien sûr, jusqu’à atterrir dans la carcasse d’un avion au bord d’une falaise, et de récupérer un parachute avant que tout ne s’effondre, et nous avec. Le parachute s’ouvre à basse altitude et il faut alors esquiver toute une série d’obstacles sous la forme d’une forêt. Même si la liberté de mouvement n’est pas totale, cela donne son lot de sensations fortes. Heureusement, des points de sauvegarde, symboliser par des feux de camp, permettent de reprendre son souffle. 

Ces moments de répit sont également l’occasion pour améliorer son armement afin de multiplier les possibilités d’interactions avec le décor. Une fois les modifications faites, le piolet permettra d’escalader des parois, et accessoirement de s’adonner à du corps à corps avec les ennemis. Au contraire, l’arc ne sera plus seulement l’occasion de tuer à distance, mais aussi d’envoyer des cordes à l’autre bout d’une colline pour y accéder avec une tyrolienne. Cela donne une autre dimension à l’environnement, et donne une identité à cette nouvelle version de Tomb Raider

Mais outre Uncharted, une autre production de Naughty Dog a servi de référence: The last of us. L’ambiance y est tout aussi mature et désespérée, et lorsque l’on se retrouve captif, les pieds en l’air et la tête suspendue en bas, l’hommage devient évident. Finalement, ce reboot des aventures de Lara Croft a su emprunter des éléments aux meilleurs, que ce soit à travers des enregistrements audio à la Bioshock, ou des séquences où l’on prend connaissance des événements antérieurs par l’intermédiaire d’une caméra faisant office de journal de bord vidéo. Cela évite les flashbacks en s’intégrant directement à la narration en cours.

Le système de survie est quant à lui calqué sur celui de Metal Gear Solid 3 et le radar est hérité de la saga Batman Arkham. Ce dernier se manifeste sous la forme d’un instinct de survie (projetant une lumière dans le ciel qui n’est pas sans rappeler celle qui jaillit du bunker de Lost), et cette notion s’applique aux développeurs de Crystal Dynamics. En s’appropriant les codes de ces classiques, on peut y voir une sorte d’instinct de survie pour se faire une place dans cette jungle vidéoludique. Ou plutôt de reprendre sa place dans cette industrie que Lara Croft a contribué à rendre populaire en tant qu’icône.

« TOMB RAIDER » WINS!

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